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RSE : l’atout gagnant pour la croissance des entreprises et le développement des territoires

 
 
Green Innovation. Philosophie, sciences politiques, EHESS, presse jeunesse, puis développement durable. Votre parcours est très intéressant. Qu’est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans le développement durable et à créer Croissance bleue ?
 
Caroline Véran. La philosophie m’a permis d’appréhender le monde et guide chaque jour mes choix autour de deux convictions :
 
– la conquête de notre humanité passe par la lutte contre l’obscurantisme et l’aliénation, sous toutes ses formes ;
 
– l’humanisme au XXIe siècle s’incarnera par le développement durable et la RSE. Les préoccupations relatives à l’éthique ne sont plus l’apanage des sages et des politiques, mais aussi celui des citoyens-consommateurs et des entrepreneurs.
 
À mes yeux, notre XXe siècle a été marqué par l’aveuglement des décideurs de tout bord qui ont ignoré pendant près de 30 ans les études menées par la communauté scientifique internationale. Pour rappel, elle alertait dès les années 1970 sur la pénurie prévisible des ressources énergétiques et les conséquences désastreuses d’un développement industriel non raisonné sur l’environnement.
 
Le XXe siècle a aussi porté à son apogée l’aliénation du plus grand nombre à la société de surconsommation, au prix de conditions de travail et de revenus déplorables, et d’un quart de l’humanité souffrant d’obésité, selon les derniers recensements de l’OMS (Organisation Mondiale de la santé).
En bref, l’ère de la toute-puissance industrielle et de la surconsommation a entaché une part de notre humanité, car elle s’est faite au détriment de notre environnement naturel et social. Et nous en payons, aujourd’hui, un lourd tribut avec le dérèglement climatique, la destruction de la biodiversité et la multiplication des fractures sociales.
 
Je vois donc dans le développement durable un mouvement culturel, politique, scientifique qui permet de reconquérir une part de notre humanité et d’incarner ainsi un nouvel humanisme.
 
Intellectuellement, je suis une enfant de la culture des Lumières, celle de la philanthropie, du goût de la nature, de l’éthique, de l’émancipation par l’accès au savoir, la recherche d’un monde plus juste et plus libre. C’est le fil conducteur qui m’a menée de la philosophie à la création de l’agence Croissance bleue.
Étudiante en philosophie, mon premier mémoire s’intitulait « L’humanitaire est-il humanisme ? ». J’ai ensuite travaillé dans les médias et lancé une start-up digitale, avant de devenir une entrepreneure engagée, en 2014, et choisi de concentrer toutes mes activités de conseil et d’entrepreneuriat sur les enjeux du développement durable et de la RSE.
 
J’ai d’abord lancé Recyclit (recyclit.fr, labellisé COP21) à l’occasion de la conférence Paris Climat 2015, un dispositif innovant de valorisation des déchets et d’upcycling à destination du grand public. Dans le même temps, j’ai travaillé aux enjeux de responsabilité sociétale des organisations et créé de nouvelles méthodologies dans le domaine de la RSE. J’ai créé dans la foulée l’agence Croissance bleue, agence des entreprises et des marques engagées, avec le parti-pris de permettre aux entreprises de se saisir de ces enjeux en les abordant comme un levier de croissance et de valorisation.
 
La crise sanitaire que nous venons de traverser est sans précédent. Quel regard portez-vous sur cet événement (de philosophe et de chef d’entreprise) ? Pensez-vous que la COVID-19 va changer en profondeur la manière dont fonctionnent les entreprises ? Et, plus précisément, pensez-vous que la RSE en sortira plus forte ?
 
Du point de vue de la philosophie, cette crise de la COVID-19 a quelque chose d’assez unique et nous ramène à la fragilité de l’humanité. Nous sommes en progression constante dans les développements techniques, technologiques, informatiques, digitaux, et, tout d’un coup, nous voilà brusquement ramenés à notre finitude, et ce à l’échelle de l’humanité tout entière ! D’une certaine manière, la technologie et la science ont montré leurs limites. C’est une expérience existentielle que nous avons tous faite à ce moment-là.
 
Cela nous ramène donc à la question du sens de l’existence, à la manière dont nous agissons, ce pour quoi nous vivons et comment nous voulons et pouvons vivre à présent. Cette pandémie est un crash test, un avant-goût de ce qui peut revenir de manière cyclique. Cela fait malheureusement désormais partie de notre réalité aujourd’hui et nous devons organiser nos vies en conséquence.
 
En tant que dirigeante d’entreprise, j’aborde la RSE comme un levier de croissance et de transformation des organisations sur les plans social, sociétal et environnemental.
 
Aujourd’hui, vous ne pouvez plus construire un modèle de croissance sans la RSE. Elle est une véritable réponse pour transformer l’entreprise, pour aller vers un modèle de valeurs partagées.
 
L’entreprise n’a pas à arbitrer entre le profit d’un côté et l’éthique de l’autre. Bien au contraire ! Elle peut solidement les articuler et les rendre complémentaires pour bénéficier d’une croissance économique durable. Ma conviction profonde est que la nécessité de l’engagement sociétal et environnemental est une formidable occasion pour les entreprises et les marques de se renforcer, d’innover, de susciter la préférence et donc de croître.
La RSE permet aussi d’apporter des réponses pertinentes à la crise et d’œuvrer à la construction d’un monde plus équilibré et plus juste. Durant la pandémie de la COVID-19, ce sont les entreprises engagées dans une démarche RSE qui ont été les plus réactives et les plus agiles pour mettre en œuvre des actions de solidarité.
 
Lors du salon Produrable, vous animerez une table ronde sur le thème de l’intérêt de l’ancrage territorial pour les entreprises. Le territoire est-il la clef pour les entreprises et leurs stratégies RSE ? Pour permettre une croissance durable, inclusive, peut-être même plus solidaire ?
 
Que l’on soit un politique, un chef d’entreprise, une association ou un citoyen, lorsqu’on veut agir efficacement, il faut absolument se poser la question du périmètre. Quel est le meilleur périmètre pour agir, fédérer, influencer en fonction des moyens dont je dispose ?
Cette question du périmètre est fondamentale à plus d’un titre !
 
Le territoire est une échelle particulièrement adaptée et efficace pour construire une démarche RSE : il permet de tester et de mettre en œuvre une meilleure gestion des risques, notamment dans la mise en place d’une chaîne de sous-traitance, ou de réduire les distances et donc de limiter son impact environnemental.
 
C’est aussi sur son territoire d’implantation que l’entreprise a une vraie responsabilité ! Elle n’est pas là uniquement pour engranger des bénéfices sans prendre en compte l’écosystème qui l’entoure. Elle a un rôle à jouer pour redynamiser le tissu économique, créer du lien social, réactiver les solidarités de proximité et mettre en place des actions concrètes.
 
L’entreprise a également beaucoup à gagner pour elle-même en agissant de manière stratégique sur son territoire. Pourquoi ? Parce que le territoire abrite souvent de nombreux talents, des savoir-faire en ingénierie ou dans l’artisanat, des associations dynamiques, des actions dynamiques et engagées, etc. Valoriser les écosystèmes locaux est un vrai gage de croissance et d’innovation !
 

À propos de l'auteur

Caroline Véran

Fondatrice de Croissance bleue.

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