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Offensive contre le greenwashing et le missionwashing

De plus en plus d’entreprises lancent des initiatives environnementales. Pour autant, certaines d’entre elles sont accusées d’être opportunistes et de ne délivrer que des slogans, sans actes responsables et durables. Ce greenwashing (« verdissage » ou « écoblanchiment ») dont on les accuse pousse beaucoup d’entreprises à taire leurs initiatives.

Les pays occidentaux ont amorcé le virage de la double transition énergétique et écologique. L’ensemble des sociétés s’est mis en mouvement. Les entreprises ne dérogent pas à la règle. Ainsi, un grand nombre d’entre elles se sont lancées dans des initiatives environnementales et les ont même intégrées dans leur « raison d’être ». Les exemples ne manquent pas. Il faut dire que l’économie est génératrice de pollution : transports, emballages, déchets, pollution numérique, surchauffe des serveurs, etc., et les stratégies RSE intègrent ces enjeux.

Mais, si elles font preuve de réels efforts, certaines entreprises sont accusées de greenwashing. C’est notamment le cas de la célèbre marque H&M, (dont la première collection labellisée écologique date de 2013). Les consommateurs, les associations et les ONG reprochent à la marque de produire en très grandes quantités et de vendre à moindre coût. De ce fait, malgré l’utilisation de matériaux biologiques, H&M reste une marque polluante.

Face à ces nombreuses attaques, beaucoup de compagnies préfèrent taire leurs initiatives, faire profil bas, même si elles intègrent totalement et honnêtement les enjeux environnementaux à leur RSE.

Or, aujourd’hui, il est devenu très difficile de taire ou de masquer une part de ses activités. La question environnementale concerne l’ensemble de la société. En outre, les consommateurs sont de plus en plus exigeants et communiquent sur un spectre beaucoup plus large grâce aux nouvelles technologies et aux réseaux sociaux. Les secteurs du transport et du pétrole ne sont plus les seuls concernés par l’environnement. En effet, le numérique est responsable de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 44 % des Français le voient comme une menace pour l’environnement. Dès lors, toutes les entreprises et tous les secteurs d’activités sont concernés.

Les entreprises, silencieuses ou pas, tombent ainsi de Charybde et Scylla. Alors, que doivent-elles faire ? N’y a‑t-il pas une troisième voie, entre le silence et le risque d’être accusées de greenwashing ?

La transparence et l’honnêteté sont les cartes maîtresses qui permettent de sortir du piège. S’il est indispensable de dire ce que l’on fait, l’entreprise peut dire ce qu’elle ne fait pas et expliquer son cheminement. L’Occitane, par exemple, a indiqué qu’elle attendait que les matériaux biosourcés pour les emballages soient plus efficaces avant de les intégrer à ses produits. Parallèlement, l’entreprise a proposé 16 écorecharges pour les produits les plus vendus et pense pouvoir étendre cette offre à 25 écorecharges d’ici à 2025.

Dans les produits financiers aussi, les professionnels regardent de près le greenwashing. D’ailleurs, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a récemment publié un document dans lequel elle souhaite encadrer l’information pour les investisseurs dans le cadre de placements collectifs dans la finance responsable. Les fonds commercialisés en France sont soumis à la nouvelle doctrine de l’AMF. L’entreprise doit en effet mentionner dans ses documents légaux ses objectifs et prouver qu’ils ont un effet « significatif ».

« Missionwashing »

Mais ce greenwashing est peut-être en passe d’être supplanté, complété à tout le moins, par le missionwashing. Depuis janvier 2020, les entreprises peuvent, si elles le souhaitent, se doter d’une mission avec un impact positif pour la société. Le terme de « société à mission » vient de la loi Pacte, adoptée le 22 mai 2019 et s’adresse aux entreprises à but lucratif. En devenant des « sociétés à mission », après une déclaration auprès du greffe du tribunal de commerce, celles-ci se fixent des objectifs sociaux et environnementaux qu’elles ont pour obligation d’inscrire dans leurs statuts.

Le titre de « société à mission » intéresse déjà un grand nombre d’entreprises. Toutefois, comme pour le développement durable, certaines, mal intentionnées, pourraient utiliser ces missions pour leur seule communication, sans acte réel.

Pour autant, ces missions représentent de réelles opportunités de faire valoir de bonnes causes tout en garantissant des revenus à l’entreprise. Pierre Dubuc, fondateur d’Open Classrooms, explique : « C’est intéressant de faire de la mission un pilier de l’entreprise, de définir ce qu’on veut faire et ce qu’on ne veut pas faire. » Open Classrooms propose des formations gratuites et payantes et a pour devise « L’éducation accessible à tous ». Cette mission est d’ailleurs inscrite dans ses statuts depuis 2018. Pierre Dubuc poursuit : « Cela nous a permis d’avoir un message clair auprès de nos investisseurs : nous sommes là pour créer une boîte avec une croissance économique, mais aussi pour avoir un impact. »

Pour éviter les abus du missionwashing, la loi prévoit des contraintes. Un comité de mission, qui doit comprendre au moins un salarié de l’entreprise, doit vérifier que les objectifs de la mission sont atteints. Ce comité doit d’ailleurs publier un rapport à chaque étape du processus. Ce rapport doit par la suite être contrôlé par un organisme indépendant qui donnera un avis public.

Malgré ce contrôle, plusieurs experts s’attendent à un missionwashing. Selon Martin Richer, consultant pour Management & RSE, le risque est d’avoir une belle idée qui pourrait être utilisée par des entreprises qui veulent se faire mousser. Au sein des entreprises à mission, dont la communauté regroupe une centaine de sociétés, l’avis est le même. L’enjeu sera de savoir comment éviter, non pas qu’il y ait des abus, mais qu’il y en ait trop.

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