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Trafic maritime : quelles énergies pour les navires du futur ?

Le Dane­mark s’est asso­cié à Sin­gapour pour men­er des recherch­es sur les car­bu­rants verts de demain. En France, les Chantiers de l’Atlantique se lan­cent dans le paque­bot « zéro émis­sion », grâce au GNL et à l’hydrogène.

Avoir des eaux pro­pres mais pol­luer les eaux inter­na­tionales est un prob­lème qui a été soulevé par l’université tech­nique danoise (DTU), qui a ain­si décidé de lancer un pro­gramme bilatéral de recherch­es sur les car­bu­rants verts en parte­nar­i­at avec l’université tech­nologique Nanyang de Sin­gapour. Les deux uni­ver­sités sont per­suadées que la diminu­tion mon­di­ale de la pol­lu­tion sera pos­si­ble grâce à la col­lab­o­ra­tion et au partage des savoirs entre les nations et leurs industries.

Mette Sanne Hanse, respon­s­able du départe­ment Mar­itime au sein de la DTU, explique : « Sin­gapour est très intéressée. Elle est une véri­ta­ble nation mar­itime et la plu­part des com­pag­nies de trans­port mar­itime inter­na­tionales ont leurs bureaux à Sin­gapour. D’autre part, Sin­gapour a énor­mé­ment d’ambitions dans ce domaine tout en étant à la pointe des nou­velles tech­nolo­gies. Ain­si, nos com­pé­tences se mari­ent parfaitement. »

L’université danoise a lancé deux pro­jets de doc­tor­ats au sein du départe­ment Envi­ron­nement pour dévelop­per des solu­tions dans les car­bu­rants verts pour l’industrie du trans­port mar­itime. L’un des objec­tifs est de trou­ver un car­bu­rant alter­natif 100 % durable.

« L’ensemble du proces­sus doit être durable. L’extraction des car­bu­rants, leur usage et leur dis­pari­tion en fin de par­cours, tout doit être durable. Les con­di­tions de tra­vail dans la pro­duc­tion des car­bu­rants doivent elles aus­si être durables. L’utilisation d’explosifs est pro­scrite. Le tra­vail doit se faire en toute sécu­rité. Dans ce con­texte, la dura­bil­ité doit tra­vers­er l’ensemble du sys­tème », a ajouté Mette Sanne Hansen.

Le sec­ond pro­jet, dévelop­pé au sein du départe­ment Ingénierie mécanique, se con­cen­tre sur la mise au point d’un engin capa­ble de fonc­tion­ner aux car­bu­rants verts.
Anders Erlands­son, pro­fesseur au sein de la DTU, indique : « Notre approche est expéri­men­tale. Nous dis­posons d’un engin optique, par­tielle­ment fait de verre, et nous pou­vons observ­er la com­bus­tion. De plus, nous pou­vons utilis­er des équipements de mesure pour quan­ti­fi­er les émis­sions. Selon les don­nées recueil­lies, nous pou­vons déter­min­er ce qui fonc­tionne, et ce qui ne fonc­tionne pas. »

Une feuille de route pour les car­bu­rants verts

Plus de cent entre­pris­es, organ­i­sa­tions et insti­tu­tions danois­es joignent leurs forces pour trac­er les con­tours du développe­ment des car­bu­rants verts de demain.

Le Dan­ish Cen­tre for Ener­gy Stor­age (DaCES), six uni­ver­sités, l’Energy Clus­ter Den­mark (ECD) et le Mar­itime & Logis­tics Inno­va­tion Den­mar­ck (MARLOG) ont pris l’initiative de créer un large parte­nar­i­at. L’objectif : trou­ver des solu­tions pour que le secteur du trans­port de marchan­dis­es, les indus­tries de pro­duc­tion d’énergie, le trans­port aérien et routi­er sor­tent des éner­gies fos­siles et se con­ver­tis­sent aux car­bu­rants verts d’ici à 2030–2050. La feuille de route prévoit égale­ment la créa­tion d’emplois, le développe­ment de tech­nolo­gies vertes et l’augmentation des exportations.

« Pré­par­er une feuille de route pour une tran­si­tion totale vers les car­bu­rants verts pour le trans­port de marchan­dis­es et l’industrie a été un tra­vail exci­tant, mais aus­si com­plexe. Heureuse­ment, des entre­pris­es lead­ers dans les nou­velles tech­nolo­gies ont rejoint notre groupe et ont per­mis de met­tre sur pied des usines pour pro­duire des car­bu­rants verts en peu de temps. À long terme, l’objectif est de dévelop­per de nou­veaux proces­sus de pro­duc­tion et de stock­age de car­bu­rants verts », a ajouté Anker Degn Jensen, pro­fesseur au départe­ment Ingénierie chim­ique de la DTU.

France : le choix du mix énergétique

La Com­mis­sion européenne a fixé l’objectif : les navires « zéro émis­sion » à hori­zon 2050. Le trans­port mar­itime représente 6 % des émis­sions mon­di­ales de CO2. La fil­ière est en out­re con­trainte par les zones mar­itimes Neca (zones d’émissions con­trôlées d’azote ou NOX Emis­sion Con­trol Area) et Seca (zones d’émissions con­trôlées de soufre ou SOX ou Sul­phur Emis­sion Con­trol Area). Pour l’heure, une par­tie de la mer du Nord a été placée sous ce régime, mais la Méditer­ranée pour­rait égale­ment y entrer.

Pour attein­dre l’objectif « zéro émis­sion », la fil­ière du trans­port mar­itime n’a d’autre choix que de sor­tir du fioul marine, car­bu­rant lourd qui émet énor­mé­ment de fumée et rejette beau­coup de pol­lu­ants. Un pre­mier choix se porte sur le gaz naturel liqué­fié ou GNL, mais les acteurs de la fil­ière regar­dent aus­si, à plus long terme, vers l’hydrogène.

Dans l’immédiat, des fil­tres à par­tic­ules (« scrub­bers ») sont instal­lés sur les chem­inées des bâti­ments. Autre inno­va­tion intéres­sante, la voile fait un retour en force dans les bureaux de design et les chantiers navals (voir encadré). Ces « kites » sont situés à l’avant des navires et les tirent en util­isant la force du vent. La con­som­ma­tion de car­bu­rant serait réduite de 20 %.

Du côté de l’hydrogène, le cata­ma­ran Ener­gy Observ­er teste une pile à com­bustible à hydrogène depuis 2017. Nantes utilise égale­ment des navettes flu­viales nav­iguant grâce à l’hydrogène pour le trans­port de pas­sagers. Mais il faut bien avouer que, pour le moment, la tech­nolo­gie ne per­met pas de dévelop­per cette source d’énergie à grande échelle : trop com­pliqué et trop coû­teux. La fil­ière doit donc se diriger vers un mix énergé­tique avec l’hydrogène, le GNL, l’électricité, le vent.

Les Chantiers de l’Atlantique doivent livr­er le fameux paque­bot « zéro émis­sion » en 2022 : le MSC Europa qui fonc­tion­nera au GNL, une pre­mière mon­di­ale pour ce type de navire géant. Le bateau est équipé d’une toute nou­velle pile à com­bustible dite à oxyde solide qui pro­duit de l’électricité à par­tir du GNL. Résul­tats : des taux d’oxyde d’azote et de soufre proches de zéro et 30 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins.

En out­re, les Chantiers dévelop­pent une voile pour tir­er le MSC Europa et ain­si ajouter la propul­sion éoli­enne au GNL.

La voile est un sujet qui n’a pas échap­pé à l’Union européenne. Un récent rap­port a en effet estimé que 15 % de la flotte com­mer­ciale mon­di­ale (60 000 à 100 000 navires) seraient propul­sés par le vent d’ici à 2030. Les Bri­tan­niques prévoient que 45 % de la flotte mon­di­ale le sera d’ici à 2050.

Pour le moment, les porte-con­teneurs sont absents des pro­jets éoliens, car, pour installer une voile, il faut utilis­er une par­tie du pont et cela pose un prob­lème sur ce type de navires.
En revanche, de très gros navires utilisent des cerfs-volants. Air­bus a même créé une société spé­cial­isée en cerfs-volants pour car­gos, Airseas.

Il existe d’autres types de voiles : voiles à rotors, voiles rigides, voiles sou­ples, ailes à suc­cion, voiles gon­flables. Les pro­jets se mul­ti­plient à tra­vers le monde pour trou­ver les bonnes solu­tions afin de sor­tir du fioul marine et de lim­iter puis d’éliminer com­plète­ment les émissions.

Des kitesurfs pour les porte-conteneurs

Installer des kitesurfs sur les porte-con­teneurs. Tel est l’objectif de la start-up Syro­co, véri­ta­ble lab­o­ra­toire sci­en­tifique et tech­nique. La société mar­seil­laise a signé un con­trat avec l’armateur CMA CGM pour éval­uer, grâce à sa plate-forme logi­cielle Effi­cientShip, l’efficacité respec­tive des solu­tions des four­nisseurs tiers (kite, voile, etc.) dans des con­textes opéra­tionnels réels. Effi­cientShip crée et fait tourn­er un jumeau numérique du navire. En fonc­tion des routes emprun­tées et des types de navires, Syro­co estime les gains en car­bu­rant à 20 %.

© Beyond the sea

Les armées s’intéressent aus­si au mix énergétique

Les armées s’intéressent, elles aus­si, aux éner­gies vertes pour la propul­sion de leurs navires de guerre. En France, Naval Group tra­vaille sur l’électrification des navires, mais aus­si sur l’intégration des car­bu­rants alter­nat­ifs, biologiques ou syn­thé­tiques. Les FREMM (fré­gates mul­ti-mis­sions) sont d’ailleurs équipées d’une propul­sion hybride diesel-électrique.

En 2018, Naval Group a présen­té le SMX-31, un sous-marin élec­trique. Le groupe français a égale­ment dévelop­pé l’Air Inde­pen­dant Propul­sion Sys­tem pour les sous-marins, qui, grâce à un traite­ment spé­cial du gazole, per­met de créer de l’hydrogène qui ali­mente une pile à com­bustible pour pro­duire de l’électricité.

La marine améri­caine avait mon­tré la voie il y a quelques années en util­isant du bio­car­bu­rant pour les bâti­ments de sa Great Green Fleet. Nav­iguer plus vert, donc, mais aus­si être moins dépen­dant énergé­tique­ment sont les deux grands objec­tifs de ce virage vert. Qua­tre navires de cette flotte verte fonc­tion­nent grâce à de la graisse de bœuf, mais le procédé s’avère très coûteux.

© US Navy

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