Magazine Green Innovation Photovoltaïque / Solaire / Eolien

Comment recycle-t-on les panneaux solaires ?

L’installation par les particuliers et les professionnels d’un nombre grandissant de panneaux photovoltaïques sur le territoire répond à une exigence clé de la transition énergétique : développer de façon significative la production décentralisée d’électricité d’origine renouvelable. Mais cela s’accompagne également d’une quantité phénoménale de panneaux en fin de cycle de vie : près de 6 000 tonnes de panneaux vont devoir être recyclés en France en 2022, et 150 000 tonnes d’ici à 2030 selon l’éco-organisme Soren.

Le scénario négaWatt22 de l’association à but non lucratif négaWatt prévoit un essor important de la filière solaire photovoltaïque, que ce soit à travers de grandes centrales électriques au sol, d’installations plus petites sur des parkings ou des bâtiments ou encore sur les maisons individuelles : jusqu’à 135 gigawatts de panneaux photovoltaïques seraient ainsi installés en 2050, selon ce scénario, pour une production proche de 150 térawattheures, correspondant à la consommation domestique des Français en 2022. Sur la période 2020–2050, plus de 6,8 millions de tonnes de panneaux photovoltaïques supplémentaires seront nécessaires à la réalisation de cette ambition sur le plan mondial.

Cependant, l’usure (notamment liée aux intempéries) génère une perte progressive de la capacité des panneaux à produire de l’électricité. Il est estimé que les panneaux perdent en moyenne 20 % d’efficacité au bout de 25 ans. La fin de vie est généralement laissée à l’appréciation du producteur d’électricité : en fonction de ses contraintes d’espace, de production et de rendement, celui-ci peut éventuellement juger nécessaire de remplacer les panneaux avant leur fin de vie par des équipements plus performants. Si la durée de vie d’un panneau solaire est aujourd’hui de l’ordre de 25 à 30 ans en moyenne, sa durée moyenne d’utilisation évolue entre 15 et 20 ans seulement.

En ce qui concerne la France seule, les besoins en recyclage sont estimés à 150 000 tonnes d’ici à 2030 par Soren, l’éco-organisme chargé du recyclage des panneaux solaires en France. Structurer la filière de recyclage des panneaux photovoltaïques constitue donc un enjeu industriel et environnemental crucial. Heureusement, contrairement à une idée reçue, on peut recycler un panneau à près de 99 %. On ne pousse cependant pas toujours le recyclage au maximum, parce que cela reviendrait trop cher. De ce fait, le « point mort » économique se situe aujourd’hui aux environs de 95 % de matériaux recyclés.

L’enjeu de la structuration de la filière

L’Europe fixe depuis 2012 un objectif minimal de collecte de 65 % du poids moyen de tous les équipements électriques et électroniques mis sur le marché au cours des trois années précédentes dans l’État membre concerné. En France, les fabricants de panneaux photovoltaïques ont une obligation de collecte et de traitement imposée par le décret du 19 août 2014.

Le CERES, puis PVCycle-France devenu Soren, sont les éco-organismes à but non lucratif agréés par les pouvoirs publics dans le but d’organiser à la fois la collecte et le traitement des panneaux photovoltaïques défectueux ou en fin de vie. Ces éco-organismes collectent sans frais pour les détenteurs – particuliers et professionnels – tous les panneaux photovoltaïques usagés, quelles que soient leur technologie, leur marque ou encore l’année de leur mise sur le marché.

La filière de recyclage repose sur un réseau de 177 points d’apport volontaire, collectant à ce jour un peu plus de 300 tonnes par an. Ces équipements étaient jusqu’à récemment recyclés en Belgique. Depuis 2018, ils sont pris en charge par l’usine Veolia de Rousset (Bouches-du-Rhône), qui retraite à ce stade un peu plus de 95 % des matériaux qui composent les panneaux.

Que peut-on valoriser dans 
un panneau ?

La valorisation des composants d’un panneau en fin de vie ne constitue qu’une faible part de la valeur du panneau d’origine, d’où le principe de l’écoparticipation, acquittée par le consommateur lors de l’achat du panneau.

À leur arrivée à l’usine de retraitement, les panneaux photovoltaïques sont débarrassés manuellement de leur cadre en aluminium, entièrement recyclable. Les modules photovoltaïques sont ensuite découpés en lamelles dans des broyeurs successifs. Ce premier tri est ensuite complété d’un traitement thermique, dans le but d’éliminer les plastiques encapsulant le panneau. Le tout est complété par un traitement chimique à la base de solvants.

Le premier matériau recyclé est le verre, matière recyclable à l’infini. Que la technologie repose sur du silicium cristallin (environ 95 % du marché) ou bien sur des « couches minces », la part du verre représente généralement environ 75 % d’un panneau solaire. Le verre est ensuite mélangé avec d’autres verres recyclés, à hauteur de 20 % environ, notamment à destination de l’industrie de la fibre de verre ou des isolants. Quant au silicium cristallin, il peut être utilisé dans de nouvelles cellules photovoltaïques ou bien servir d’agrégat dans des fours de fonte utilisés dans l’industrie métallurgique.

Ensuite, les métaux ferreux sont triés avec des aimants, et les non ferreux sont extraits à l’aide d’un courant de Foucault. L’argent et le cuivre des électrodes partent ensuite dans les circuits de recyclage des ressources minérales.

Les polymères (comme l’éthylène-acétate de vinyle et le Tedlar) servent de combustible.

Le plastique, lui, est généralement brûlé. C’est aujourd’hui le principal élément non recyclé, aux côtés de l’antimoine et du tellurium, présents en trop petites quantités.

Si le verre et son cadre en aluminium sont majoritaires en termes de poids (jusqu’à 96 % du poids d’un module photovoltaïque), ils sont en revanche minoritaires en termes de valeur commerciale. L’argent, le cuivre, le silicium et l’indium sont en revanche des matériaux de valeur qui, lorsqu’ils sont bien valorisés, peuvent rapporter des sommes considérables. Dans le cas de l’argent, par exemple, on peut extraire jusqu’à 600 grammes de ce métal par tonne de panneaux solaires usagés, ce qui peut représenter jusqu’à 500 euros.

Garantir une récupération optimale des modules photovoltaïques

Aujourd’hui, l’unité de traitement des panneaux photovoltaïques de type silicium cristallin de Veolia à Rousset atteint un taux de recyclage proche de 95 %. Dans le secteur du recyclage des panneaux photovoltaïques, un tel chiffre constitue une excellente performance, notamment lorsqu’on le compare aux « produits blancs » tels les réfrigérateurs, congélateurs, sèche-linge ou machines à laver, qui atteignent difficilement un taux de recyclage de leurs composants de 70 % dans le meilleur des cas. Cependant, problèmes et défis persistent.

L’un des problèmes auxquels se trouve aujourd’hui confrontée l’industrie est que les panneaux comportent de moins en moins de matériaux de haute valeur. L’argent, notamment, a tendance à disparaître, remplacé par le cuivre qui coûte 60 fois moins cher. De même, la réduction de la quantité de matériaux nécessaire à la fabrication d’un panneau constituant un élément clé de la compétitivité des fabricants, on peut s’attendre à ce que le verre, matériau peu coûteux, devienne de plus en plus prépondérant, aux dépens du silicium et des autres matériaux, de valeur supérieure.

Ceci signifie que le recyclage va coûter de plus en plus cher aux usines, et donc à l’utilisateur, à travers l’écotaxe. Cette écotaxe varie actuellement de 2 à 90 centimes d’euro par tranche de poids (de 1 à 50 kg), en fonction du poids des panneaux.

L’autre problème est l’impact environnemental des solvants utilisés lors du démantèlement des panneaux, ainsi que du brûlage des plastiques. Sa réduction demeure un enjeu majeur pour les acteurs du secteur. En effet, bien que l’incinération soit encadrée par la réglementation, elle émet toutefois des polluants dans l’air, certes normés, mais pas à « zéro ».

Les acteurs du recyclage sont également confrontés à la question des effluents. Si la transformation du film plastique en EVA [éthylène-acétate de vinyle] que l’on retrouve à l’intérieur du panneau en granulés est d’ores et déjà réalisable techniquement, il demeure en revanche plus économique de le brûler.

À l’avenir, seul le CO2 supercritique permettra de séparer efficacement les différentes couches des modules. Si son impact environnemental est nul, sa viabilité économique reste cependant à démontrer.

Malgré les incertitudes, et compte tenu des hypothèses de développement de la filière, de nouvelles technologies ainsi que des unités locales de traitement sont à l’étude et devront être mises en œuvre assez rapidement afin de répondre aux ambitions de la filière.

Des incertitudes économiques et techniques pèsent sur le secteur

À l’horizon 2030, le recyclage des panneaux solaires au niveau mondial devrait, selon l’IRENA [Agence internationale pour les énergies renouvelables], permettre de fabriquer, sur la base de matériaux presque entièrement recyclés, près de 60 millions de nouveaux panneaux solaires. À cet effet seraient réutilisées plus de 900 000 tonnes de verre, 75 000 tonnes d’aluminium, 100 000 tonnes de polymères, 29 500 tonnes de silicium, 7 200 tonnes de cuivre, 310 tonnes de semi-conducteurs, 90 tonnes d’argent et environ 390 tonnes d’autres métaux, tels le nickel, le plomb, le zinc, le cadmium, le gallium, l’indium ou encore le sélénium. La valeur de l’ensemble des matériaux recyclés serait, à cet horizon, de l’ordre du demi-milliard d’euros.

Il existe cependant de nombreuses incertitudes sur ces chiffres, notamment du fait du prolongement des durées de vie des panneaux. Il s’avère en effet que, loin de perdre 20 % de leur capacité au bout de 25 ans, la plupart des panneaux ne perdraient que 8 à 9 % de leurs capacités à cet horizon, grâce aux avancées technologiques de ces dernières années.

Si toutefois les puissances installées venaient à atteindre 4 500 gigawatts à l’horizon 2050, comme annoncé dans le scénario « haut » de l’IRENA, alors la valeur de marché des matériaux recyclés pourrait atteindre plus de 15 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Cet article a été publié sur le site : theconversation.fr

À propos de l'auteur

Serge Besanger

Professeur à l’ESCE International Business School, INSEEC U Research Center, OMNES Education.

À propos de l'auteur

The Conversation

Lancé en 2015, The Conversation France est un média généraliste en ligne qui fédère, sous la forme d'une association à but non lucratif, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche francophones. Issu d'une étroite collaboration entre journalistes, universitaires et chercheurs, il propose d'éclairer le débat public grâce à des analyses indépendantes sur des sujets d'actualité.

Bienvenue sur Innovation24.news,
le portail d'information dédié à l'innovation et au développement durable des publications de Consilde Media Group. Ce site regroupe une sélection d'articles et d'entretiens rédigés par des spécialistes des questions environnementales et publiés dans nos différents magazines.