À la tête de Genvia, Florence Lambert revient sur son parcours et partage sa vision d’une transition énergétique innovante, inclusive et porteuse de progrès pour les territoires.
Un parcours visionnaire au service de la mobilité hydrogène
Florence Lambert débute sa carrière en 2000 au sein du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) où elle occupe différentes fonctions managériales liées aux systèmes de stockage des énergies renouvelables.
En 2006, elle contribue à la création de l’Institut national de l’énergie solaire (CEA-INES), en initiant la première plateforme de recherche européenne dédiée au stockage stationnaire. Trois ans plus tard, elle prend la tête de la division transport du CEA-LITEN, travaillant sur les batteries lithium-ion et les piles à combustible pour accompagner le développement de la mobilité bas carbone.
En 2013, elle est nommée directrice du CEA-LITEN, un institut de 1 000 chercheurs à l’avant-garde de la transition énergétique qui développe des innovations dans le solaire photovoltaïque, l’hydrogène, le transport décarboné ou encore le recyclage.
En parallèle, elle pilote les plans industriels pour le stockage de l’énergie dans le cadre de « La Nouvelle France industrielle ».
En 2018, elle contribue à l’élaboration de la feuille de route nationale pour l’hydrogène et prendra cette même année, la présidence de la commission Industrie du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Première femme en 35 ans, à présider la conférence mondiale de l’énergie solaire EU PVSEC en 2019, elle reçoit l’année suivante le prix de « Femme de l’année » catégorie Innovation, décerné par GreenUnivers.
Depuis 2021, elle préside la société Genvia qui industrialise la technologie d’électrolyse à haute température avec un consortium d’actionnaires complémentaires (SLB et le CEA ainsi que Vicat, Vinci et la Région Occitanie) et sera nommée en 2022, académicienne à l’Académie des technologies.
Le déclic de l’engagement
Mon intérêt pour le monde de la science et de la technique est né très tôt, en grandissant à proximité du CEA de Grenoble. Une visite scolaire d’une centrale hydroélectrique a été un déclic : j’ai compris que l’énergie était un moteur essentiel pour les sociétés humaines. L’idée que l’accès à l’énergie rend possible le développement économique local et améliore la vie des populations a profondément marqué mes premiers pas en tant qu’ingénieure. C’est pourquoi j’ai saisi une opportunité de thèse appliquée à l’énergie qui m’a conduit à Cadarache pour travailler sur le stockage de l’énergie solaire.
Dans ce contexte, j’ai eu la chance de travailler sur un concept novateur de « fontaine de l’électricité » destiné à l’électrification rurale au Maroc. Ce système permettait de recharger localement des batteries grâce à des panneaux solaires installés au cœur des villages.
Ce projet m’a profondément marquée. Il permettait non seulement d’améliorer les conditions de vie des habitants, mais aussi de redonner de l’autonomie et de la fierté aux femmes des villages qui n’avaient plus à parcourir de longs kilomètres pour recharger leur batterie aux villages voisins. A mes yeux, la transition énergétique n’est pas seulement un enjeu environnemental mais également un levier de progrès social et d’émancipation.
Genvia : technologie de rupture au service de la décarbonation
La mission de Genvia est d’accélérer la décarbonation des industries lourdes et des mobilités grâce à l’industrialisation et à la commercialisation à grande échelle d’une technologie de rupture d’électrolyse de l’eau à haute température (SOEC).
Cette technologie se distingue par son efficacité énergétique supérieure, car elle fonctionne entre 700 et 850 °C, réduisant significativement la consommation d’électricité par rapport aux électrolyseurs classiques et augmentant ainsi tout autant le rendement de production d’hydrogène pour une même quantité d’électricité utilisée.
Elle valorise la chaleur fatale des sites industriels ou des sources thermiques renouvelables optimisant ainsi l’efficacité globale du processus et la performance énergétique totale des sites industriels. En utilisant de l’électricité issue de sources décarbonées, notre technologie permet de produire de l’hydrogène avec une empreinte carbone quasi nulle.
Autre atout majeur : elle repose sur des matériaux non critiques.
Des défis à relever collectivement
Le premier défi est économique : le coût de l’hydrogène électrolytique reste plus élevé que celui de l’hydrogène gris (produit à partir d’énergies fossiles via un procédé de vaporeformage du gaz). L’innovation et les économies d’échelle sont des leviers clés pour combler cet écart.
C’est tout une chaîne de valeur qui doit progresser avec également des infrastructures de transport et de stockage et des hubs territoriaux, notamment autour des grandes industries, qui se constituent.
Créer une demande internationale structurée pour stimuler la production d’hydrogène décarboné est tout aussi essentiel. Cela passe par le développement des marchés et des applications concrètes dans divers secteurs comme l’industrie et la production de molécules de synthèse qui sont soutenues par des politiques publiques incitatives à l’échelle française et européenne.
L’innovation technologique doit se poursuivre en parallèle du développement industriel. Chez Genvia, nous veillons à avancer sur ces deux fronts simultanément.
Le cadre réglementaire doit aussi être clarifié, avec des normes techniques des certifications d’origine et des réglementations harmonisées. Ces dernières sont indispensables pour garantir la sécurité, la qualité et la traçabilité de l’hydrogène bas carbone et pour favoriser les investissements.
Enfin, la formation et le développement des compétences : la filière aura besoin de compétences nouvelles à tous les niveaux. C’est pourquoi nous avons lancé l’association EDEN (Écosystème durable et énergies naturelles) à Béziers, pour structurer des formations locales adaptées aux besoins industriels. Grâce à ce réseau, une école d’ingénieurs (Polytech) s’implante dans la ville, après plusieurs ouvertures de formations par le lycée Jean Moulin et l’IUT de Béziers. Ce sont des signaux très encourageants.
Relever ces défis nécessite une collaboration étroite entre les pouvoirs publics, les industriels, les centres de recherche, les organismes de formation et la société civile. C’est un effort collectif essentiel pour faire de l’hydrogène décarboné un pilier de notre avenir énergétique… j’y crois plus que jamais !
Vers une industrie plus inclusive
La place des femmes dans l’industrie de l’énergie est aussi un enjeu qui progresse, mais des efforts restent nécessaires pour atteindre une véritable parité. La diversité, notamment de genre, est un levier d’innovation et de performance reconnu. Il est donc crucial d’encourager les jeunes filles à s’orienter vers les filières scientifiques et techniques, de promouvoir une culture d’entreprise inclusive et de faciliter l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle.
Des équipes plus mixtes sont souvent plus créatives, plus innovantes, plus performantes… Et parfois plus humaines ! En tant que femme et dirigeante dans ce secteur, je me sens particulièrement concernée par cette question et je m’efforce, à mon niveau, de promouvoir une plus grande égalité des chances, une meilleure représentation des femmes et de les aider à lutter contre cette notion de « plafond de verre » que l’on a presque toutes ressenti !



























