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Emploi, innovation, transition : pourquoi le biogaz sera l’un des piliers de l’énergie française

Alors que la France traverse une période de doutes sur sa stratégie énergétique, une filière avance sans bruit, mais avec constance : le biogaz. Depuis plus de dix ans, Jean-Philippe Burtin observe depuis le terrain — et aux côtés des agriculteurs, industriels et collectivités — la transformation d’un secteur devenu l’un des leviers les plus crédibles pour la souveraineté énergétique française.

« Dans les territoires, le biogaz n’est plus une promesse : c’est déjà une réalité »

Innovation24.news : Comment évolue aujourd’hui l’emploi dans la filière biogaz en France et en Europe ?

Jean-Philippe Burtin : Depuis 2020, nous avons connu une accélération spectaculaire. Dans des régions comme les Hauts-de-France, le Grand-Est, l’Occitanie ou la Bretagne, on voit des dizaines d’unités qui ont permis à des agriculteurs, des collectivités et même à des industriels d’atteindre une forme d’indépendance énergétique.

Certes, 2025 marque un ralentissement, notamment parce que certains projets n’ont pas abouti. Mais cela ne doit pas masquer l’essentiel :

La demande reste forte, l’employabilité est excellente, et la filière est l’une des plus stables du paysage énergétique européen.

Pour atteindre les 44 TWh visés par la France — alors que nous produisons aujourd’hui autour de 15–16 TWh — nous allons devoir multiplier par quatre notre production. On parle d’un changement d’échelle comparable à celui qu’a connu le solaire il y a dix ans.

En Europe, certains ont déjà enclenché la seconde : l’Italie, l’Allemagne, la Belgique… En Flandre par exemple, des sites injectent déjà du biométhane directement dans les réseaux industriels. C’est concret, visible, mesurable.

Des métiers d’avenir : « Ceux qui nous rejoignent aujourd’hui auront un emploi sûr pendant 20 ans »

Quels sont aujourd’hui les profils les plus recherchés ?

Nous avons deux poumons essentiels :

  • la conduite et l’exploitation des unités,

  • la maintenance des installations.

Pour comprendre la réalité du terrain, il suffit de visiter une unité comme celle de Château Gontier en Mayenne ou celle d’Agesy Methavert en Vendée : on y trouve des opérateurs, des techniciens itinérants, des ingénieurs, des responsables de site… tous nécessaires pour maintenir les installations, optimiser la production et garantir la sécurité.

La pénurie vient principalement :

  • des astreintes,

  • de l’isolement des sites,

  • et de l’itinérance.

En revanche, les métiers d’ingénierie, d’études et de construction affichent une demande régulière et solide.

Un paradoxe français : des formations qui existent mais des classes qui restent vides

Les formations actuelles répondent-elles aux besoins ?

Le paradoxe est là. Nous avons des formations très pertinentes — je pense notamment au BTS Maintenance des Systèmes, aux cursus d’électrotechnique ou aux spécialisations biogaz du CNAM et de certaines écoles d’ingénieurs — mais elles manquent cruellement de candidats.

Nous avons même vu certaines formations de maintenance en méthanisation incapables de remplir une promotion complète.
→ le problème n’est pas l’offre, mais la visibilité.

Aujourd’hui, dans l’imaginaire collectif, “énergies renouvelables” = solaire + éolien.
Mais lorsque des jeunes visitent une unité de méthanisation et découvrent :

  • comment les biodéchets sont valorisés,

  • comment les gaz sont épurés,

  • comment le CO₂ est récupérable,

  • et comment tout cela génère de l’énergie locale…

… ils repartent souvent convaincus.
Il faut juste faire entrer la filière dans le champ du possible pour les jeunes et les personnes en reconversion.

Un secteur en pleine mutation : « Un technicien qui arrive aujourd’hui ne fera plus le même métier dans 5 ans »

Comment attirer davantage de talents ?

En racontant ce qu’est vraiment notre filière : un secteur en évolution permanente.

Il y a dix ans, on parlait surtout cogénération.
Il y a six ans, biométhane.
Aujourd’hui, pyrogazéification & Gazéification hydrothermale
Demain, bioCO₂, méthanation, gaz verts industriels.

Des innovations très concrètes émergent déjà :

  • À Obernai, un site valorise le CO₂ pour l’industrie agroalimentaire.

  • Dans l’Oise, une filière locale teste la conversion de bioCO₂ en e‑méthane.

  • En Auvergne, une unité pilote récupère la chaleur fatale pour chauffer un réseau communal.

C’est un secteur où un opérateur ou un ingénieur peut évoluer sans cesse, sans jamais subir la routine.

« Si la France veut 6 000 sites, elle peut les avoir. La question n’est pas technique : elle est politique. »

Quelles perspectives pour l’emploi sur les prochaines années ?

Elles sont clairement positives.
Si nous voulons passer de 1 400 sites à 6 000, la progression sera régulière, année après année.
J’estime une croissance de la masse salariale d’environ 5 % par an sur les cinq prochaines années.

Mais il y a un enjeu clé : la stabilité.

Les politiques publiques : « Arrêtons de changer les règles tous les six mois »

La transition énergétique française se fera dans les territoires, pas dans les ministères. Les intrants sont dans les exploitations agricoles, les industries locales, les collectifs territoriaux.

Le biométhane est d’ailleurs la seule énergie renouvelable à avoir atteint ses objectifs nationaux.
Et pourtant, la filière reste souvent sous-exposée médiatiquement et politiquement.

Ce que j’attends des pouvoirs publics est simple :

  • une écoute active,

  • une stabilité durable,

  • la fin des changements de règles permanents,

  • des autorisations plus rapides,

  • une visibilité tarifaire fiable.

L’Allemagne et l’Italie n’ont pas fait mieux technologiquement :

→ elles ont juste offert de la visibilité.
La France peut faire la même chose.

Le message final : « La filière n’attend plus. Elle est prête. Nous avons tout : les talents, la technologie et l’envie. »

Pour celles et ceux qui envisagent de rejoindre cette filière, je retiens trois mots :
→ innovante, territoriale, pérenne.

Travailler dans les gaz renouvelables, c’est :

  • exercer un métier ancré dans la réalité des territoires,

  • participer à l’indépendance énergétique,

  • contribuer à la décarbonation,

  • évoluer dans un secteur où les innovations arrivent tous les ans,

  • rejoindre une filière qui a faim d’accélération.

Les ressources sont là.
La technologie est maîtrisée.
Les compétences sont prêtes.
Il ne manque qu’une chose : les bons leviers politiques et la reconnaissance que mérite cette énergie profondément française.

À propos de l'auteur

Jean-Philippe Burtin

CEO de borea, cabinet de recrutement spécialisé dans l’environnement et les filières décarbonées des énergies renouvelables.
Président de Biogaz Vallée®.

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