Photovoltaïque / Solaire / Eolien

L’industrie du photovoltaïque entre croissance et difficultés

Selon les chiffres avancés par l’Association Européenne du Pho­to­voltaïque (EPIA), en 2030, l’utilisation de l’énergie solaire per­me­t­tra de réduire l’émission de gaz à effet de serre de 1,6 mil­liard de tonnes par année. Fin 2012, l’Europe comp­tait déjà près de 7 000 000 tonnes de pan­neaux pho­to­voltaïques instal­lés. D’ici 2015, ce chiffre devrait doubler. 

Compte tenu de l’impact envi­ron­nemen­tal des éner­gies pro­duites par voie con­ven­tion­nelle et des besoins d’énergie élec­trique tou­jours plus grands, l’industrie du pho­to­voltaïque est en fort développe­ment depuis les années 1990. L’énergie solaire revient en effet moins cher que le chauffage au fuel et s’impose de plus en plus dans les régions les plus ensoleil­lées du monde. Depuis 2005, des cen­trales pho­to­voltaïques puis­santes s’installent dans les pays lead­ers du marché : aux États-Unis, en Inde, en Chine, en France, en Alle­magne ou encore au Por­tu­gal, et devi­en­nent ain­si un enjeu majeur pour le développe­ment de la fil­ière photovoltaïque.

Cepen­dant, les fail­lites récentes de plusieurs fab­ri­cants spé­cial­isés révè­lent la fragilité de ce marché. Le nom­bre des entre­pris­es ayant déposé le bilan au cours des deux dernières années (Q‑Cells, Solon, Solarhy­brid en Alle­magne, Eva­sol, Pho­towatt ou Area-France­r­am en France, Ever­green Solar et Solyn­dra aux États-Unis) est en forte aug­men­ta­tion du fait de graves dif­fi­cultés finan­cières et d’une con­cur­rence crois­sante à l’échelle inter­na­tionale, notam­ment face aux fab­ri­cants chi­nois. Les entre­pris­es alle­man­des Bosch et Siemens ont ain­si annon­cé l’arrêt de leurs activ­ités liées à l’énergie solaire.

Un marché mon­di­al haute­ment concurrentiel

En 2010, 50 % du marché mon­di­al du secteur pho­to­voltaïque était partagé par seule­ment six grandes firmes : Q‑Cells (Alle­magne), Sun­tech Pow­er, JA Solar, Tri­na Solar et Ying­ly (Chine) et First Solar (États-Unis). En 2013, plus de la moitié des cel­lules et des pan­neaux pho­to­voltaïques fab­riquées dans le monde étaient conçues et assem­blées en Chine… Face à cette sit­u­a­tion, le 4 juin dernier, la Com­mis­sion européenne rendait pub­lic la déci­sion d’imposer des mesures antidump­ing pro­vi­soires pour les impor­ta­tions de mod­ules pho­to­voltaïques en sili­ci­um cristallin et les com­posants clés (cel­lules et pla­que­ttes) en prove­nance de Chine. Selon les infor­ma­tions pub­liées sur le site de l’EPIA, même si le Con­seil représen­tant les 27 mem­bres de l’Union européenne doit finalis­er sa déci­sion au mois de décem­bre 2013, une taxe tran­si­toire de 11,8 % est d’ores et déjà appliquée depuis le 6 juin dernier sur les pan­neaux solaires importés de Chine. À par­tir du 6 août 2013, les droits de douane aug­menteront jusqu’à 47,6 %.

Un an après les États-Unis (où la taxe d’importation atteint 250 % de la valeur de marchan­dise), l’Union européenne pro­pose ces mesures de rétor­sion et compte ain­si sauver ses PME d’une fail­lite pro­gram­mée sur un marché très con­cur­ren­tiel. Selon le com­mis­saire européen au Com­merce, Karel de Gucht, cette action vise à main­tenir une con­cur­rence loyale et con­tribuer au respect des règles com­mer­ciales inter­na­tionales de l’Organisation mon­di­ale du com­merce aux­quelles l’Europe et la Chine ont souscrit. Ain­si, ces nou­velles tax­es devraient ralen­tir l’afflux des pan­neaux chi­nois excé­den­taires ven­dus à prix bradés sur le marché européen. Par­al­lèle­ment à ces mesures, l’Union européenne a lancé en juin 2013 un nou­veau pro­jet bap­tisé « MED DESIRE » (MEDiter­ranean DEvel­op­ment of Sup­port schemes for solar Ini­tia­tives and Renew­able Ener­gies), réal­isé dans le cadre du pro­gramme de coopéra­tion trans­frontal­ière. MED DESIRE vise à sup­primer les bar­rières juridiques, régle­men­taires et économiques pour con­tribuer au décol­lage de l’énergie solaire dans tout le Bassin méditerranéen.

Pour con­tre­bal­ancer les mesures pris­es par l’Union européenne, la Chine cherche égale­ment à stim­uler son marché domes­tique de l’électricité solaire. Un récent plan nation­al vise à pro­mou­voir en Chine le développe­ment des éner­gies solaires ain­si que la R&D en la matière. L’envergure des mesures pris­es par les prin­ci­pales puis­sances pho­to­voltaïques (Chine, États-Unis, Europe) mon­tre que l’industrie solaire est aujourd’hui con­sid­érée comme une ini­tia­tive stratégique que l’action publique essaie d’encadrer, de struc­tur­er et d’accompagner sur les marchés inter­na­tionaux. La pro­duc­tion des pan­neaux solaires chi­nois est ain­si sub­ven­tion­née à hau­teur de 80 % par Pékin. Des inci­ta­tions finan­cières (déduc­tions fis­cales, tar­ifs de rachats bonifiés de l’électricité pro­duite pour le réseau pub­lic, etc.) encour­a­gent l’installation de pan­neaux pho­to­voltaïques dans de nom­breux autres pays (Alle­magne, Japon, Espagne, États-Unis, Aus­tralie, etc.) sou­vent à des con­di­tions très attractives.

Le marché français du photovoltaïque

En France, mal­gré l’intérêt des acteurs publics et privés, le développe­ment du pho­to­voltaïque reste lent : d’après les don­nées pub­liées par EDF, l’énergie solaire représen­tait seule­ment 3,7 % de l’ensemble de l’électricité pro­duite en France en 2011. Fin mars 2013, on recen­sait seule­ment 271 011 instal­la­tions pho­to­voltaïques rac­cordées au réseau géré par ERDF, et 32 723 instal­la­tions restaient en attente de rac­corde­ment. Pour­tant, l’intérêt des Français envers les éner­gies renou­ve­lables aug­mente : d’après le baromètre sur les éner­gies renou­ve­lables de l’IFOP, 96 % des Français sont favor­ables à leur développe­ment. Or, si la pro­duc­tion française d’électricité pho­to­voltaïque est en pro­gres­sion, elle demeure tou­jours large­ment en retrait par rap­port aux lead­ers mon­di­aux (Alle­magne, Ital­ie, Espagne). Il en va de même face aux pays pro­duc­teurs de pan­neaux pho­to­voltaïques, la Chine, le Japon et Taïwan ayant une impor­tante longueur d’avance face à l’industrie pho­to­voltaïque française. Le rap­port de la mis­sion CGEIET/CGEDD sur l’éolien et le pho­to­voltaïque daté de sep­tem­bre 2012 chiffre ain­si le déficit com­mer­cial français dans le secteur à 1,35 mil­liard d’euros. Pour remédi­er au prob­lème, les mesures ne man­quent pas. En 2011, le gou­verne­ment français a d’abord procédé à une révi­sion des tar­ifs d’achat de l’électricité pho­to­voltaïque et à la mise en place d’appels d’offres pour les sys­tèmes de plus de 100 kW. En jan­vi­er dernier, la min­istre de l’Écologie Del­phine Batho a présen­té un plan de sauve­tage du pho­to­voltaïque français avec pour ambi­tion de dou­bler la capac­ité de pro­duc­tion dans le pays. Avec le même plan, le min­istère de l’Écologie a fait évoluer les critères d’appels d’offre pour grandes, moyennes et petites entre­pris­es afin de soutenir les pro­duc­teurs français dans un con­texte de « con­cur­rence déloyale » (selon la min­istre). L’intégration des instal­la­tions pho­to­voltaïques dans la con­struc­tion de loge­ments fait égale­ment par­tie des pri­or­ités gou­verne­men­tales. Selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), les appli­ca­tions pour rési­dences indi­vidu­elles (puis­sance nom­i­nale inférieure ou égale à 9 KW) et col­lec­tives (puis­sance nom­i­nale de 9 kW à 120 kW) gag­nent du ter­rain, ain­si que les appli­ca­tions sur bâti­ments ter­ti­aires et indus­triels (puis­sance nom­i­nale de 120 kW à 250 kW). Peu à peu, on avance vers la réal­i­sa­tion de l’objectif du Grenelle de l’Environnement visant à met­tre en place une oblig­a­tion de con­cevoir tous les bâti­ments neufs « à énergie pos­i­tive » en 2020, en inté­grant notam­ment le pho­to­voltaïque sur les nou­veaux pro­jets de construction.

Grâce à ces divers­es mesures, l’offre se diver­si­fie. Depuis quelques temps, EDF pro­pose aux par­ti­c­uliers des pan­neaux solaires sur-mesure inté­grés au bâti. Les par­ti­c­uliers sont égale­ment encour­agés à pro­duire de l’électricité solaire en réal­isant des investisse­ments écologiques et renta­bles. N’importe qui peut ain­si devenir pro­duc­teur de l’électricité solaire pour injecter une par­tie ou l’intégralité de sa pro­duc­tion dans le réseau. Celle-ci peut sur sim­ple demande être achetée par EDF ou par une entre­prise locale de dis­tri­b­u­tion d’électricité à un tarif d’achat déter­miné par l’État.

Cepen­dant, l’expansion à grande échelle du pho­to­voltaïque est encore freiné par un fac­teur d’ordre économique : les coûts par kW d’électricité solaire restent net­te­ment plus élevés par rap­port aux autres fil­ières con­ven­tion­nelles ou renou­ve­lables. Les recherch­es tech­nologiques per­me­t­tant des ren­de­ments plus élevés et des coûts de pro­duc­tion plus faibles restent donc une pri­or­ité pour que ce secteur puisse durable­ment se développer.

Mal­gré les mesures récentes du gou­verne­ment français, le Groupe Solaire de France, l’un des lead­ers du secteur, se dit tou­jours mis à mal par les tar­ifs bas de rachat et une boni­fi­ca­tion tar­i­faire en dan­ger. Face à cette sit­u­a­tion, David Haïun, prési­dent du groupe leader du pho­to­voltaïque rési­den­tiel en France, s’adressait le 31 mai 2013, dans une let­tre pub­liée dans la presse, à la min­istre de l’Écologie, du Développe­ment durable et de l’Énergie pour lui pro­pos­er de met­tre en place un dis­posi­tif d’autoliquidation de la TVA pour les instal­la­teurs des pan­neaux solaires résidentiels.

Quelles per­spec­tives pour l’énergie pho­to­voltaïque ?

Si la part du pho­to­voltaïque a aug­men­té ces dernières années dans la pro­duc­tion mon­di­ale d’électricité, elle demeure néan­moins très lim­itée par rap­port aux autres éner­gies renou­ve­lables. Pour attein­dre les objec­tifs de pro­duc­tion d’électricité solaire fixés pour 2030, l’Union européenne a mis en œuvre un pro­gramme de recherche pour le développe­ment tech­nologique et l’optimisation de l’utilisation des ressources ad hoc. Ce pro­gramme a pour voca­tion d’assurer la pro­mo­tion du pho­to­voltaïque auprès des investis­seurs, à favoris­er la com­mu­ni­ca­tion et le com­merce entre les pays mem­bres de l’Union dans ce domaine.

Pen­dant que les dif­fi­cultés per­sis­tent sur le Vieux Con­ti­nent, aux États-Unis et en Chine, le Japon « post-Fukushi­ma » est en passe de devenir le plus grand marché mon­di­al du solaire. Durant le pre­mier trimestre 2013, le nom­bre d’installations pho­to­voltaïques y a aug­men­té de près de 270 %. Après les trem­ble­ments de terre et les tsunamis de 2011 ayant causé la fer­me­ture défini­tive des cen­trales nucléaires et une pénurie d’électricité dans tout le pays, le gou­verne­ment japon­ais a mis en place un ensem­ble de mesures pour dévelop­per l’industrie et la pro­duc­tion pho­to­voltaïques, et prévoit un investisse­ment de 20 mil­liards de dol­lars en 2013 dans ce secteur (con­tre 11 mil­liards investis en 2012). Un marché par­ti­c­ulière­ment attrac­t­if s’ouvre du côté du pays du Soleil-Lev­ant, même si les obsta­cles pro­tec­tion­nistes (préférence pour les mar­ques nip­ponnes, cer­ti­fi­ca­tions et normes dras­tiques, etc.) risquent de restrein­dre l’accès à ce marché en plein développement.

Ain­si, pour la pre­mière fois dans l’histoire du pho­to­voltaïque, le moteur de la crois­sance de ce marché économique se déplac­era de l’Europe vers l’Asie qui con­cen­tre désor­mais 45 % de la demande mondiale.

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