Magazine Blue Innovation

Le Togo et l’économie bleue

Blue Inno­va­tion. Le 15 octo­bre 2016, à l’initiative de l’Union africaine, les chefs d’État et de gou­verne­ment africains se sont réu­nis à Lomé, au Togo, pour un Som­met extra­or­di­naire sur la sécu­rité et la sûreté mar­itimes et le développe­ment en Afrique. Quels furent les résul­tats de ce sommet ?

Robert Dussey. Je voudrais de prime abord rap­pel­er que l’objectif affiché du Som­met de Lomé a été de rassem­bler, sous le con­trôle de l’Union africaine, les gou­ver­nants des États mem­bres, les com­mu­nautés économiques régionales, les insti­tu­tions et organ­i­sa­tions africaines et inter­na­tionales spé­cial­isées dans les ques­tions mar­itimes et con­nex­es pour dis­cuter et trou­ver des solu­tions aux maux qui minent le secteur mar­itime africain.

Au vu de cet objec­tif, les résul­tats sont très sat­is­faisants étant don­né que Lomé a accueil­li plusieurs mil­liers d’experts mar­itimes qui se sont penchés sur plusieurs ques­tions, notam­ment la lutte con­tre la pira­terie mar­itime, la pêche INN [NDLR : illicite, non déclarée et non régle­men­tée], l’économie bleue entre autres. D’importantes recom­man­da­tions ont été faites au cours de ces échanges et sont com­pilées dans les actes fin­aux du Som­met de Lomé. Ces actes con­stituent un vivi­er impor­tant de solu­tions aux dif­férents défis aux­quels le secteur mar­itime africain est con­fron­té. Le plus pré­cieux des résul­tats est bien évidem­ment la sig­na­ture à Lomé, par 33 pays, de la Charte africaine sur la sécu­rité et la sûreté mar­itimes et le développe­ment, dite Charte de Lomé. Il s’agit d’un out­il impor­tant de coor­di­na­tion de l’action des États africains dans le secteur mar­itime, le pre­mier du genre sur le continent.

Blue Inno­va­tion. Le pre­mier Forum sur l’économie bleue en Afrique s’est déroulé en juin 2018 à Lon­dres. Pensez-vous que l’Afrique prenne suff­isam­ment con­science des oppor­tu­nités que lui con­fèrent ses richess­es marines ?

Robert Dussey. L’Afrique a tou­jours con­science des oppor­tu­nités que lui con­fèrent ses richess­es marines. Cette prise de con­science a été exprimée lors du som­met de l’Union africaine de jan­vi­er 2014 à Addis Abe­ba à tra­vers l’adoption de la Stratégie africaine inté­grée pour les mers et les océans à l’horizon 2050 (Stratégie AIM 2050). Elle a été con­fir­mée à Lomé et il suf­fit de voir, pour ce faire, l’intérêt et l’engouement que les travaux ont sus­cités auprès des divers­es délé­ga­tions, experts et autres par­tic­i­pants. Le 1er Forum sur l’économie bleue en Afrique qui s’est déroulé à Lon­dres est une illus­tra­tion de plus de cette prise de con­science. Un forum qui a regroupé plusieurs experts africains du secteur mar­itime dans cette cap­i­tale mar­itime mon­di­ale pour un échange d’expériences. Avec, 38 pays dis­posant d’une façade mar­itime, l’Afrique ne peut se per­me­t­tre d’ignorer ses richess­es marines. La prise de con­science est une réal­ité et, avec l’adoption de la Charte de Lomé, nous avons les instru­ments néces­saires pour une bonne ges­tion de ces richess­es. Il reste aux États à rat­i­fi­er cette charte pour que, une fois entrée en vigueur, elle pro­duise les résul­tats escomptés.

Blue Inno­va­tion. L’émergence d’une véri­ta­ble économie bleue togo­laise con­stitue l’une des pri­or­ités de votre gou­verne­ment. Que représente ce secteur d’activité dans l’économie togo­laise ? Et quelles sont les per­spec­tives de crois­sance atten­dues en ce domaine ?

Robert Dussey. L’économie bleue con­stitue un puis­sant levi­er de développe­ment de nos États et ce secteur d’activité est bien présent dans l’économie togo­laise. Vous n’êtes pas sans savoir que le port autonome de Lomé fait par­tie des meilleurs ports en eau pro­fonde de la sous-région. Avec les dif­férentes réformes qui y ont été faites, le port de Lomé se posi­tionne aujourd’hui comme l’un des ports les plus mod­ernes du con­ti­nent africain, par lequel tran­si­tent plusieurs types de marchan­dis­es aus­si bien pour les pays voisins que pour ceux de l’hinterland. Il est donc évi­dent qu’avec tous ses atouts, le port autonome de Lomé con­tribue effi­cace­ment à l’économie du pays. Nous n’allons pas pass­er sous silence l’apport du secteur de la pêche dans cette économie. Même si ce secteur d’activité n’est pas assez indus­tri­al­isé et dévelop­pé, il four­nit 22 000 emplois, dont 15 000 directs, ce qui n’est pas nég­lige­able. En ter­mes de per­spec­tives, le gou­verne­ment, sous l’impulsion du prési­dent de la République, met tout en œuvre pour tir­er le meilleur du secteur mar­itime. En témoigne la con­struc­tion en cours du nou­veau port de pêche de Gbétchog­bé, une local­ité située à 24 kilo­mètres de Lomé. Ce nou­veau port de pêche servi­ra de base mod­erne pour les dif­férentes activ­ités de pêche et per­me­t­tra d’accroître la pro­duc­tion halieu­tique annuelle du Togo, qui est estimée à 25 000 tonnes. Par ailleurs, nous pou­vons égale­ment relever l’ouverture, à l’université de Lomé, de l’Institut des métiers de la mer qui va for­mer les étu­di­ants aux mod­ules en rela­tion avec les métiers de la mer et ren­forcer les capac­ités des pro­fes­sion­nels du secteur mar­itime. Il s’agit de met­tre à la dis­po­si­tion du secteur mar­itime des agents nationaux com­pé­tents qui pour­ront œuvr­er à son épanouisse­ment. Autant de per­spec­tives dont nous espérons voir l’accomplissement et les résul­tats à court et moyen ter­mes afin de con­sacr­er l’économie bleue comme moteur de développe­ment au Togo.

Blue Inno­va­tion. Les autorités togo­lais­es ont annon­cé le 7 sep­tem­bre 2017 la mise en place d’un fonds bleu des­tiné à val­oris­er les ressources mar­itimes du pays. Pou­vez-vous nous détailler ses grands axes ?

Robert Dussey. Le Togo a effec­tive­ment engagé la procé­dure de mise en place d’un fonds bleu des­tiné à val­oris­er les ressources mar­itimes du pays. L’objectif de ce fonds est de pro­mou­voir une économie bleue avec des ressources finan­cières suff­isantes et sus­cep­ti­bles de soutenir de grands pro­jets d’investissement dans notre pays. Il servi­ra à financer, entre autres, la préser­va­tion et l’exploitation des eaux flu­viales et mar­itimes ; la con­ser­va­tion, la ges­tion et l’exploitation durable des stocks de pois­sons et autres ressources biologiques ; la pro­mo­tion du tourisme côti­er et mar­itime ; le développe­ment des ressources humaines à tra­vers la for­ma­tion et la créa­tion d’emplois. Le fonds bleu pour­rait être con­sti­tué des ressources du Fonds pour l’environnement, du Fonds de ges­tion inté­grée des ressources en eau et des tax­es sur les activ­ités por­tu­aires. Nous comp­tons bien évidem­ment sur les finance­ments inter­na­tionaux de nos parte­naires, dont le Fonds vert pour le cli­mat ain­si que sur les dons et legs des fon­da­tions de pro­tec­tion de la nature et de l’environnement. Pour mémoire, il s’agit en réal­ité d’un fonds prévu par la Charte de Lomé en son chapitre 4. Le Togo n’a fait que com­mencer par met­tre en place les insti­tu­tions prévues par ladite charte en atten­dant son entrée en vigueur, que le gou­verne­ment togo­lais souhaite vivement.

À propos de l'auteur

S.E.M. Robert Dussey

Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de l’Intégration africaine de la République togolaise.

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