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Innovation sociale. Une croissance « bleue » par la coopération et la solidarité

En 2002, la région de la Basse-Côte-Nord, au Québec, fut frap­pée par une crise de la pêche con­séc­u­tive à la fer­me­ture de l’usine locale de crabe et de maque­reau. Pour les petites com­mu­nautés isolées du golfe du Saint-Lau­rent, la sit­u­a­tion devint cat­a­strophique. Leur exis­tence repo­sait entière­ment sur l’usine, et elles furent for­cées de chercher d’autres moyens pour sub­venir à leurs besoins. Plus de deux cents pêcheurs et employés de l’usine se retrou­vèrent au chô­mage. Par­mi ces sans-emploi, un petit groupe de femmes se mit à iden­ti­fi­er les indus­tries durables de la région qui pou­vaient être dévelop­pées. Ces irré­ductibles, avec le sou­tien d’un groupe local pour le développe­ment région­al, la Coast­ers Asso­ci­a­tion, ont fondé la coopéra­tive de sol­i­dar­ité « Les Bio­pro­duits de la Basse-Côte-Nord ».

Avec pour valeur essen­tielle la dura­bil­ité, la coopéra­tive fut conçue en tant que mod­èle pour aug­menter le savoir, les capac­ités et le lead­er­ship local par la col­lab­o­ra­tion et le parte­nar­i­at avec des inter­locu­teurs mon­di­aux. Étant don­né les déf­i­ni­tions générales de la dura­bil­ité, qui intè­grent des fac­teurs soci­aux, économiques et envi­ron­nemen­taux, la coopéra­tive s’est don­né pour tâche de créer quelque chose de durable et de pérenne fondé sur les ressources de la région. Adop­tant une approche glob­ale, elle a con­cen­tré ses efforts sur l’éducation à tous les niveaux (uni­ver­sités, lycées, cours pour adultes, col­lèges et écoles élé­men­taires), sur le ren­force­ment de réseaux de parte­naires (région­al, nation­al et inter­na­tion­al), sur l’intégration et le développe­ment de groupes d’entreprises, et sur une vision d’ensemble des act­ifs locaux et des obsta­cles au développe­ment de ressources et d’infrastructures.

La péren­nité du mod­èle de la coopéra­tive de sol­i­dar­ité « Les Bio­pro­duits de la Basse-Côte-Nord » repose sur trois piliers :

Le pili­er social : pri­or­ité aux gens

Aug­menter les savoirs et les capac­ités locales est un besoin cri­tique du développe­ment des com­mu­nautés de la région. Au lieu de se tourn­er vers l’extérieur lors de la recherche de ressources humaines qual­i­fiées, la coopéra­tive cherche à offrir des pos­si­bil­ités en matière d’éducation aux habi­tants de la région. Cela per­met aux gens d’acquérir les com­pé­tences req­ui­s­es pour l’essor de la bioé­conomie et d’ainsi créer un lead­er­ship local pour la recherche, le développe­ment d’entreprises et l’identification de parte­nar­i­ats pos­si­bles. Une des plus grandes réus­sites en la matière fut la créa­tion d’un cours à dis­tance – une maîtrise en sci­ences de l’environnement – avec l’université du Québec à Trois-Riv­ières (UQTR) pour deux jeunes de la région. Ce pro­gramme per­met aux habi­tants locaux d’être for­més aux proces­sus de bioex­trac­tion de plantes ter­restres et marines. Le mod­èle de la coopéra­tive repose sur des mem­bres dis­posant tous du même droit de vote et sur une allo­ca­tion de ses béné­fices en fonc­tion de leur con­tri­bu­tion indi­vidu­elle à la coopérative.

Le pili­er envi­ron­nemen­tal : pri­or­ité à la planète

Avec une vision de proces­sus durables de récolte de toutes les ressources locales sur terre et en mer, la coopéra­tive a étudié la région en pro­fondeur, dres­sant ain­si un inven­taire détail­lé des biores­sources ayant une valeur pour les indus­tries phar­ma­ceu­tique, cos­mé­tique et agroal­i­men­taire. Elle a égale­ment mis en œuvre une poli­tique de « zéro déchet » et a pour objec­tif de devenir une entre­prise qui utilise 100 % des pro­duits qu’elle récolte. Lorsque les algues sont récoltées, par exem­ple, elles sont envoyées à un cen­tre de traite­ment et les déchets sont util­isés pour la fab­ri­ca­tion de com­post, qui sera à son tour util­isé dans l’agriculture, ren­forçant ain­si la sécu­rité ali­men­taire et créant une économie cir­cu­laire. Nous entre­prenons égale­ment des recherch­es en vue de fab­ri­quer des embal­lages biodégrad­ables à par­tir de résidus d’algues.

Le pili­er économique : pri­or­ité à la prospérité au sein de la communauté

En tant que région septen­tri­onale rurale et isolée, la Basse-Côte-Nord fait face à de nom­breux défis soci­aux et économiques. Dévelop­per une bioé­conomie régionale requiert un solide lead­er­ship local, des mod­èles com­mer­ci­aux favor­ables et des parte­nar­i­ats mon­di­aux forts. Assur­er une exploita­tion durable et rentable des ressources locales est un des objec­tifs prin­ci­paux de la coopéra­tive au sein de ses efforts pour con­stru­ire un bio­secteur local et favoris­er le développe­ment économique de la région. Ce mod­èle économique cible le développe­ment effi­cace et respon­s­able de pro­duits phar­ma­ceu­tiques, cos­mé­tiques et agroal­i­men­taires de haute valeur, capa­bles d’assurer des béné­fices et une rentabil­ité à long terme pour la région ain­si que pour les mem­bres et parte­naires de la coopéra­tive. Celle-ci a d’ailleurs créé « 51e par­al­lèle », une mar­que de pro­duits ali­men­taires, et est actuelle­ment en train de créer une autre mar­que de pro­duits cos­mé­tiques. Ces mar­ques offrent d’importants béné­fices à ses mem­bres. Par son approche glob­ale cen­trée sur des ques­tions sociales et envi­ron­nemen­tales, la coopéra­tive cherche à assur­er sa dura­bil­ité et sa rentabil­ité. Des ini­tia­tives sociales ont un impact sur le com­porte­ment des con­som­ma­teurs et la per­for­mance des employés, tan­dis que des ini­tia­tives envi­ron­nemen­tales telles l’efficacité énergé­tique et l’atténuation de la pol­lu­tion peu­vent avoir un impact direct sur la réduc­tion des déchets.

Bâtir un réseau bioé­conomique mon­di­al sur un mod­èle local

La coopéra­tive cherche main­tenant à partager son mod­èle avec d’autres régions, et est con­va­in­cue qu’une véri­ta­ble chaîne de valeur peut exis­ter au sein d’une col­lab­o­ra­tion mon­di­ale en matière de recherche, de développe­ment et d’innovation entre régions rurales et isolées. Une recherche sci­en­tifique rigoureuse fondée sur un savoir écologique tra­di­tion­nel apportera des pro­duits régionaux « bleus » de haute qual­ité et de haute valeur à l’industrie, et des réseaux et des col­lab­o­ra­tions seront d’une impor­tance essen­tielle pour per­me­t­tre à des régions d’identifier de pos­si­bles syn­er­gies, de meilleures pra­tiques à suiv­re et des oppor­tu­nités de parte­nar­i­at. Créer des liens et con­necter des coopéra­tives bioé­conomiques peut servir de plate-forme pour rassem­bler lead­ers locaux, chercheurs, décideurs, indus­tries et investis­seurs, per­me­t­tant ain­si un développe­ment bioé­conomique sûr et assur­ant le bien-être durable de régions rurales et isolées.

À propos de l'auteur

Kimberly Buffitt

Présidente de la Coopérative de solidarité des bioproduits de la Basse Côte-Nord (Canada).

À propos de l'auteur

Sheila Downer

Northern Liaison at Office of Public Engagement, Memorial University (Canada).

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