Pour Francis Claudepierre, président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) « favoriser et pérenniser une agriculture durable » est un enjeu majeur de la méthanisation qui doit être pris en compte dans l’élaboration de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), comme le coût du captage du CO2.
« Pour élaborer la trajectoire de la PPE, il semble que seul le prisme du prix de l’énergie soit pris en compte, indique d’entrée de jeu Francis Claudepierre. On oppose en effet le coût du biométhane à celui du gaz fossile. Mais, d’une part, ce prix ne reflète pas le coût réel de l’énergie, celui du nucléaire ou des énergies fossiles étant sous-estimé ; d’autre part, les externalités positives ne sont pas prises en compte. » Or, pour l’agriculture, les apports de la méthanisation constituent une occasion extraordinaire de développer une autre trajectoire agricole.
Vers une agriculture durable
Francis Claudepierre a mis en service la première unité de méthanisation en France il y a 18 ans. « Grâce à cela, nous avons pu nous lancer dans l’agriculture biologique il y a 17 ans, car la méthanisation, outre la production d’énergie, permet d’obtenir un digestat qui constitue un fertilisant de très bonne qualité. Avec cet engrais qui peut être mis en place au bon moment, nous n’avons plus besoin d’en importer. Avec un pH de 8, il améliore la vie des sols sans autre apport. Simple exemple : lors de la sécheresse de l’an dernier, notre digestat nous a permis d’avoir de l’herbe pour nos vaches durant trois bonnes semaines de plus que nos voisins qui utilisaient des engrais azotés liquides. Par ailleurs, les intrants sont constitués dans notre unité à 70 % d’effluents d’élevage (lisier et fumier de bovins) et à 30 % de résidus de l’industrie agroalimentaire (issues de céréales, restes d’amidonnerie…) ainsi que de quelques hectares de cultures et intercultures (CIVE). Outre la captation du CO2, ces CIVE permettent d’empêcher l’érosion des sols. Nous pouvons nourrir les hommes, ce qui est notre vocation de paysans, en quantité, avec une nourriture de qualité en améliorant la biodiversité des sols et le tout en étant économiquement rentable ! De plus, à quel coût chiffre-t-on le captage du CO2, le maintien de la biodiversité et la restauration des sols ? Et sans la méthanisation, qui paiera les couvertures végétales intermédiaires qui permettent de réduire les produits phytosanitaires ? Les paysans, corvéables à merci ? À l’AAMF, nous allons nous battre pour que ces services rendus à l’environnement par l’agriculture soient pris en compte dans le prix de revient réel du gaz vert.
Territoires à énergie positive
Indépendamment de la PPE, le problème de la méthanisation est surtout d’ordre administratif, car le montage d’une unité nécessite de multiples autorisations dans des domaines différents : agrément sanitaire, environnement, eau, riverains, construction, installations classées… Une simplification serait bienvenue.
À l’AAMF, nous fondons beaucoup d’espoir sur le bioGNV, soit en injection, soit en station de biocarburant locale en cas d’éloignement du réseau. Avec leurs gisements de matière, les agriculteurs peuvent être excédentaires en énergie et joueront un rôle indispensable pour la mise en place de territoires à énergie positive. Certaines collectivités locales en sont bien conscientes et nous suivent. Ainsi, en février, nous avons signé avec la région Grand-Est une charte qui vise à fédérer tous les acteurs de la filière pour développer la méthanisation.