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Infill radars : concilier défense, sécurité et énergie renouvelable

L’énergie éoli­enne est l’une des sources d’énergie dont la crois­sance en ter­mes de puis­sance et d’installation est en pro­gres­sion con­stante. Cela est vrai dans un grand nom­bre de pays tels la Chine, les États-Unis, l’Allemagne, le Roy­aume-Uni ou la France. Mais les éoli­ennes, qui ont besoin d’espace, brouil­lent les sig­naux des radars civils et mil­i­taires lorsqu’elles sont instal­lées à prox­im­ité de sites sen­si­bles. La parade ? Des sys­tèmes de radars de nou­velle généra­tion : les infill radars.

Les éoli­ennes sem­blent vic­times de leur suc­cès. Mais l’extension de cette énergie renou­ve­lable pose de sérieux prob­lèmes, car elles entrent en con­cur­rence avec des sites sen­si­bles comme les cen­trales nucléaires, les bases mil­i­taires et les sites météorologiques. En fait, elles encom­brent l’espace et provo­quent des inter­férences avec les sys­tèmes de radars util­isés par les con­trôleurs aériens, les météoro­logues et les armées.

Le risque le plus grand est l’effet dit « de masque » : un avion sur­v­ole une zone avec son transpon­deur (iden­ti­fi­ca­tion ami ou enne­mi) éteint volon­taire­ment ou non. Per­son­ne ne con­naît ses inten­tions. Seul le radar pri­maire peut le localis­er. Mais l’avion passe der­rière un parc éolien, qui le sépare du radar. Les ondes ne peu­vent se propager et l’avion est masqué par les éoli­ennes. La détec­tion peut être per­due sur de grandes dis­tances, jusqu’à 70 kilo­mètres. Lorsque l’avion sort de la zone de masque, il est de nou­veau vis­i­ble sur le radar pri­maire. Dans ce cas, la per­ma­nence opéra­tionnelle (avions prêts à décoller pour inter­cepter tout appareil poten­tielle­ment dan­gereux) aurait été déclenchée.

Les éoli­ennes peu­vent égale­ment causer une con­t­a­m­i­na­tion de la « réflec­tiv­ité ». Les pales changent en per­ma­nence d’orientation en fonc­tion de la direc­tion du vent. Elles peu­vent être détec­tées par le radar Doppler et con­fon­dues avec des objets vélo­ces. Ces sig­naux ren­voyés au radar par les éoli­ennes ne peu­vent être fil­trés et élim­inés comme le seraient les réflex­ions d’objets fix­es. Ce type de fauss­es infor­ma­tions peut induire les météoro­logues en erreur, notam­ment lors des tempêtes.

États-Unis : la coopéra­tion inter-agences

En 2014, aux États-Unis, un mémoran­dum a été signé entre plusieurs agences fédérales pour trou­ver la parade à ces prob­lèmes. Le « Field Test and Eval­u­a­tion radar mit­i­ga­tion test­ing cam­paigns » a réu­ni le départe­ment de la Défense (DoD) le départe­ment de l’Énergie (DoE), la Fed­er­al Avi­a­tion Admin­is­tra­tion (FAA) et la Nation­al Ocean­ic and Atmos­pher­ic Admin­is­tra­tion (NOAA).

Des travaux de sim­u­la­tion sont nées plusieurs options : mod­i­fi­er la taille, la forme et les matéri­aux des éoli­ennes, notam­ment les pales. L’objectif est de réduire la réflec­tiv­ité des éoli­ennes, source d’encombrement pour les radars ; de rem­plac­er les radars exis­tants par des sys­tèmes plus avancés, en réseaux, avec un fais­ceau 3D ; d’accroître le nom­bre de radars en ajoutant des infill radars dans les parcs éoliens ou autour pour accroître la cou­ver­ture des radars exis­tants. Les infill radars ont une portée moins impor­tante, mais une réso­lu­tion de bien meilleure qual­ité pour tra­quer des cibles dans des zones où les radars tra­di­tion­nels per­dent leurs signaux.

En 2012, plusieurs tests ont été menés avec des infill radars. Entre 1 000 et 2 500 éoli­ennes étaient opéra­tionnelles dans les zones tests rel­a­tive­ment larges au Texas et dans le Minnesota.

Les radars de sur­veil­lance « pri­maires » ont subi des inter­férences majeures à l’intérieur et au-dessus des champs éoliens. En revanche, les tests ont mon­tré que les infill radars, grâce à une réso­lu­tion améliorée de leur sys­tème, ont été peu affec­tés par les éoli­ennes. En somme, la détec­tion de cibles a été bien meilleure dans les parcs éoliens et au-dessus, mais égale­ment dans les secteurs les plus éloignés de ces parcs. Si les ques­tions de l’évolutivité et de l’intégration des infill radars demeurent, ces sys­tèmes ont claire­ment mon­tré leur poten­tiel. Leurs tech­nolo­gies peu­vent donc être util­isées comme out­il de réduc­tion d’interférences pour des mis­sions de sur­veil­lance de sites sensibles.

L’Écosse met en ser­vice un radar nou­velle généra­tion, la France dans l’impasse ?

L’expérience améri­caine a fait école. L’aéroport de Glas­gow a récem­ment annon­cé la mise en ser­vice d’un nou­veau type de radar. Le dou­ble sys­tème infill radar Ter­ma SCANTER 4002 réduit l’impact du parc éolien de Kype Muir (26 éoli­ennes pour une capac­ité totale de 88,4 MW), situé à 50 kilo­mètres de Glas­gow. Ce nou­veau radar peut dis­tinguer les émis­sions d’un avion de celles d’une éoli­enne. Le sys­tème Ter­ma SCANTER est per­for­mant, à tel point qu’il devrait être util­isé pour les nou­veaux pro­jets de parcs éoliens écos­sais. D’ailleurs, l’aéroport de Glas­gow a approu­vé 90 % des 495 deman­des d’élévation d’éoliennes reçues entre octo­bre 2012 et août 2016. Ces pro­jets devraient génér­er plus de 700 MW.

En France, le min­istère des Armées met régulière­ment son veto à cause des vols à basse alti­tude des avions (SEBTA ou secteurs d’entraînement très basse alti­tude), des vols d’hélicoptères (VOLTAC ou vol tac­tique) et bien sûr des radars. Il est d’ailleurs impos­si­ble d’implanter des éoli­ennes à moins de 30 kilo­mètres d’un radar mil­i­taire. Le min­istère des Armées souhait­erait éten­dre cette zone à 70 kilomètres.

L’article 141 de la loi du 17 août 2015 rel­a­tive à la tran­si­tion énergé­tique pour la crois­sance verte prévoit qu’un décret du Con­seil d’État doit pré­cis­er les règles d’implantation des instal­la­tions de pro­duc­tion d’électricité éoli­enne vis-à-vis des instal­la­tions mil­i­taires et des équipements de sur­veil­lance météorologique et de nav­i­ga­tion aéri­enne. Le min­istère de la Défense avait lancé le développe­ment d’un sys­tème dit DEMPERE (démon­stra­teur de per­tur­ba­tions des éoli­ennes sur les radars élec­tro­mag­né­tiques) pour mesur­er les con­traintes exer­cées par l’installation d’éoliennes sur l’implantation des radars de la défense. En mars 2019, le min­istère des Armées a indiqué que les résul­tats issus de DEMPERE appa­rais­saient insuff­isants pour appréci­er la représen­ta­tiv­ité de la sim­u­la­tion. Les travaux vont donc se pour­suiv­re. Pour autant, en févri­er 2019, le min­istère des Armées avait libéré 9 000 km² de zones de sur­vol qui pour­raient accueil­lir des pro­jets de parcs éoliens.

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