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Transport maritime : le retour d’Éole

Indispensable dans l’économie mondiale, le fret maritime renoue avec la croissance après une année 2018 marquée par de fortes tensions internationales et un ralentissement de l’activité. Dans ce contexte favorable, la question écologique est bien sûr au cœur des réflexions. Parmi les innovations imaginées pour limiter les émissions des navires, le retour de la voile est envisagé.

Depuis plus de cent ans, toutes les marines du monde fonctionnent avec l’hélice. Mais la voile fait un retour étonnant dans la marine marchande. Le but : limiter les émissions polluantes.

Le 22 octobre 2019, la Royal Institution of Naval Architects (RINA) britannique a accueilli une conférence sur la propulsion à voile. Cette réunion d’experts internationaux devait démontrer aux armateurs et affréteurs que le retour de la voile était bénéfique à la fois pour l’économie et pour la planète grâce à une baisse substantielle de la consommation de carburant des navires. Les ingénieurs présents ne s’y sont pas trompés, en affirmant que le vent était « une énergie infinie et gratuite ». Et d’ajouter non sans un certain humour : « 5 000 ans de retour sur expérience ».

Gavin Allwright, secrétaire général de l’International Windship Association (IWA), qui organisait l’événement, a d’ailleurs souligné que nous sommes dans « une période passionnante » et que « tout est encore possible, nous sommes en pleine transition ».

Tankers pétroliers, porte-conteneurs, vraquiers pleins de céréales, rouliers transportant des voitures, 60 000 à 90 000 bâtiments marchands naviguent sur les mers du globe chaque année. Ce chiffre est en constante augmentation. Mais le fret maritime est aussi responsable de 3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), mais également de gaz carbonique, d’oxydes de soufre (SOx) et d’azote (les fameux NOx), de particules fines. Si aucune mesure n’est prise, le pourcentage des émissions de GES pourrait grimper à 17 % d’ici à 2050.

L’Organisation maritime internationale (OMI) s’est emparée de ce dossier. À partir du 1er janvier 2020, les navires devront réduire leurs émissions de soufre avec l’utilisation de carburant plus propre. Pour Gavin Allwright, « cette décision de l’OMI a donné une vraie impulsion à la propulsion vélique ». Le secrétaire général de l’IWA compte aussi sur l’instauration d’une taxe carbone. Selon une étude du gouvernement britannique, le marché de la propulsion à voile est estimé à 2,3 milliards d’euros en 2050. Selon le cabinet indépendant CE Delft, 3 700 à 10 700 bateaux pourraient être équipés de voiles d’ici à 2030.

Depuis quelques années, des navires de commerce, dont un pétrolier, utilisent de grands cerfs-volants, les kites. En réalité, la voile peut se décliner en plusieurs modèles, comme les rotors Flettner, turbines éoliennes inventées par l’ingénieur allemand Anton Flettner, dans les années 1920. Ce procédé a été modernisé par la société finlandaise Norsepower et est utilisé sur le ferry Viking Grace qui fait la navette entre la Finlande et la Suède. Ville Paakkari, représentant de Norsepower présent à la conférence de la RINA, à Londres, indique d’ailleurs que l’investissement est amorti au bout de trois à huit ans.
Ces rotors peuvent être installés sur les navires en quelques heures seulement. Ils permettent des économies de carburant allant de 5 à 10 % avec une réduction des émissions polluantes. Pour que ce système fonctionne, il est nécessaire de profiter du vent, ce qui n’est pas possible sur toutes les routes maritimes commerciales du monde.

Avec les cargos à voiles, la marine marchande va évoluer dans une autre dimension, avec des gains économiques majeurs, de l’ordre de 40 à 80 % et donc des émissions de GES considérablement réduites. Les voiles seront entièrement automatisées, accrochées sur des mâts rétractables pour permettre aux navires de passer sous les ponts. Ces bâtiments seront en outre équipés de systèmes de navigation très sophistiqués qui calculeront le meilleur itinéraire en fonction des vents les plus favorables, et avec une dérive minimale.

Plusieurs constructeurs se sont donc lancés dans la construction de ces navires d’un nouveau genre, mais aussi dans une véritable course à l’innovation. Le cargo à propulsion hybride Canopée a été conçu par le cabinet VPLP pour le constructeur Alizés. Ce bâtiment, long de 121 mètres, est doté d’un moteur et de quatre ailes de 30 mètres de haut. Cette imposante voilure a d’ailleurs intéressé Ariane Group qui a choisi le Canopée pour transporter les éléments du nouveau lanceur Ariane 6 entre l’Europe et la Guyane.

La start-up Neoline est également sur les rangs dans la course à l’innovation. Formée par un groupe d’officiers de la marine marchande, cette société envisage de nouveaux modes de propulsion pour relever les défis climatiques dans le transport maritime. Pour Neoline, la voile est bien la seule solution viable, immédiatement disponible et durable pour propulser les navires de charge. Son cargo roulier, le Neoliner, est long de 136 mètres et dispose d’une surface de voilure de 4 200 m². Il est donc à propulsion vélique et diesel-électrique. Neoline prévoit l’ouverture d’une première ligne de transport Saint-Nazaire — Bilbao — côte Est américaine — Saint-Pierre et Miquelon — Saint-Nazaire, dès 2021. Durée du voyage complet : 13,5 jours.

Tout cela aura néanmoins un coût, élevé. Par ailleurs, ces navires iront moins vite que les bâtiments entièrement motorisés, à hélice. Cela pose un véritable problème pour les armateurs, les affréteurs, les fournisseurs et les clients, dans une économie mondiale qui doit aller vite pour satisfaire l’ensemble des acteurs. Il n’en demeure pas moins que ce système vélique dispose de nombreux atouts, avec en premier lieu la réduction des émissions de GES, voire la suppression totale des émissions de SOx et de NOx.

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