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Tourisme durable : relever le niveau d’ambition

Selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) et du Forum international des transports (ITF) rendu public lors de la COP25, en décembre 2019, les émissions du tourisme liées aux transports devraient atteindre 5,3 % du total des émissions anthropiques de CO2 d’ici à 2030. Elles en représentaient 5 % en 2016. En revanche, alors que les volumes de touristes augmentent, les voyages bas carbone se développent. Les émissions par voyageur-kilomètre devraient donc baisser d’ici à 2030.

Dans ce contexte fragile, l’OMT pousse pour une coopération plus franche entre les secteurs du transport et du tourisme. L’objectif est de transformer le tourisme en profondeur pour une action climatique plus efficace.

Pour une plus grande collaboration entre les secteurs du tourisme et des transports

Le fameux rapport « Transport-related CO2 Emissions of the Tourism Sector » (Les émissions de CO2 du secteur du tourisme liées aux transports) a été présenté lors d’une manifestation parallèle au programme officiel de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques COP25 qui s’est tenue à Madrid. Ce rapport fait état des émissions produites par différents modes de transport dans le secteur du tourisme. Les données ont été présentées alors que le nombre de touristes internationaux et nationaux est en constante progression et que les effets très négatifs du tourisme dit de masse soulèvent des vagues de mécontentements.

Manuel Butler, directeur général de l’OMT, a ainsi indiqué : « Cette étude exhaustive analyse l’impact sur l’environnement des différents modes de transport dans le secteur du tourisme. Il incombe maintenant au secteur du tourisme, et en particulier aux responsables des politiques de tourisme, d’utiliser efficacement ces données de sorte que le secteur tienne un rôle de premier plan pour combattre l’urgence climatique. »

Ovais Sarmad, secrétaire exécutif adjoint de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a pour sa part indiqué qu’il était nécessaire de redoubler d’efforts : « Le tourisme est mentionné dans de nombreuses contributions déterminées au niveau national comme une préoccupation majeure, mais il reste beaucoup à faire. Le secteur doit faire plus, mais il faut que les gouvernements aient des politiques concertées de façon à permettre l’action collective au niveau international pour relever le niveau d’ambition. Le programme Tourisme durable du réseau “One Planet” représente à cet égard un mécanisme vital actuellement pour promouvoir le tourisme durable partout dans le monde. »

L’étude conclut, entre autres points, que :

– d’après le niveau actuel d’ambition, les émissions de CO2 du tourisme liées aux transports devraient passer de 1 597 en 2016 à 1 998 millions de tonnes en 2030, soit une hausse de 25 % ;

– entre 2016 et 2030, le nombre d’arrivées internationales et nationales devrait passer de 20 à 37,4 milliards. Le tourisme interne passerait de 8,8 à 15,6 milliards d’arrivées tandis que le tourisme international passerait de 1,2 à 1,8 milliard d’arrivées ;

– les émissions du tourisme liées aux transports passeront de 5 % du total des émissions anthropiques en 2016 à 5,3 % en 2030, ce total augmentant lui-même de près de 18 % ;

– au total, les émissions des transports dans le tourisme ont représenté 22 % du total des émissions des transports en 2016 et devraient encore légèrement augmenter d’ici à 2030 (estimation à 23 %).

Les émissions de CO2 du tourisme liées aux transports représentent ainsi un véritable défi. Le secteur du tourisme n’a d’autre choix que de coopérer avec celui des transports. L’objectif commun est bien d’accélérer le processus de décarbonation et ainsi de relever encore le niveau d’ambition.

Le tourisme, priorité des Nations unies

Le tourisme est devenu une priorité des Nations unies. Depuis la signature en 2015 par 197 pays de l’accord de Paris, le tourisme s’est imposé comme l’un des secteurs mondiaux parmi les plus importants pour la réalisation des objectifs de développement durable tels que proposés par le Programme des Nations unies pour la durabilité.

Dans ce contexte, l’OMT, institution spécialisée des Nations unies, joue un rôle moteur de premier plan pour promouvoir le tourisme comme facteur essentiel du développement durable. L’OMT, dirigée par son secrétaire général, Zurab Pololikashvili, a d’ailleurs tenu une manifestation parallèle au programme officiel de la COP25 et qui avait pour ambition de replacer le débat sur le tourisme au centre la COP.

Réunissant des responsables politiques engagés en faveur de la transition vers un secteur du tourisme bas carbone, cette manifestation a été l’occasion de présenter le rapport sur les émissions de CO2 liées aux transports dans le secteur du tourisme. Zurab Pololikashvili a d’ailleurs indiqué que l’OMT était très fière d’être « à la tête des efforts du secteur mondial du tourisme pour riposter aux changements climatiques. L’Espagne est un leader mondial du tourisme et Madrid offre un cadre idéal. Je remercie le gouvernement chilien d’avoir organisé ce sommet de haut niveau et l’Espagne de l’accueillir. La COP25 est une fabuleuse occasion de mettre en relief le rôle important joué par le tourisme pour un monde meilleur, et plus durable, pour tous ».

L’arrêt de l’intergroupe « Tourisme durable » au Parlement européen

Si le tourisme est une priorité des Nations unies, beaucoup ont été surpris de voir l’initiative du groupe de travail « Tourisme durable » au Parlement européen purement et simplement stoppée. Active durant cinq ans, cette initiative avait permis aux eurodéputés de mettre en avant des sujets capitaux comme la durabilité, la numérisation, l’économie, l’alimentation ou encore la santé dans le tourisme.

C’est tout le paradoxe de ce secteur qui occupe le haut du spectre aux Nations unies, mais trouve peu d’échos favorables dans les gouvernements. Pourtant, le poids de ce secteur dans l’économie est énorme. Selon l’OMT, les recettes liées au tourisme en France s’élevaient à 34,37 milliards d’euros en 2016. Ce secteur représente 7,3 % du PIB (contre 10 % au niveau mondial). Or, malgré son poids économique et les nombreux enjeux environnementaux qui y sont liés, l’Europe a décidé de mettre de côté le groupe de travail des eurodéputés. De leur côté, les représentants de l’industrie du tourisme demandent son rétablissement. Cet intergroupe avait travaillé sur plusieurs dossiers importants comme la gestion des visas et des frontières, la durabilité, la numérisation, la protection des consommateurs, la taxe de tourisme, un tourisme plus inclusif avec la question de l’accessibilité, etc. Le secteur espère que la récente nomination de Thierry Breton changera la donne et permettra à ce groupe d’être reformé.

D’autant que le tourisme durable connaît un nouvel essor. Il y a quelques années encore, beaucoup pensaient qu’il était l’apanage de quelques « bourgeois bohèmes ». D’autres y voyaient d’énormes contraintes liées à l’écologie. Enfin, ce type de tourisme était onéreux. Si la clientèle n’était pas très enthousiaste, l’industrie du tourisme était de son côté relativement « frileuse » et hésitait beaucoup à investir avec le risque de résultats incertains.

Mais l’ensemble de la société s’est emparé des sujets liés au changement climatique, au développement et à la mobilité durables, à l’inclusion, à la santé et au bien-être. Du côté des professionnels, le développement de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) pousse dorénavant l’industrie du secteur, par choix et par obligation, à développer de véritables stratégies liées au développement durable et à proposer des voyages « verts ». Le secteur des transports propose maintenant des moyens moins polluants ou aux énergies renouvelables : GNL pour les croisiéristes, compensation des émissions de carbone pour le secteur aérien, etc. D’un bout à l’autre de la chaîne, tous les acteurs ont enclenché la marche vers le tourisme durable.

Légende de la photo ci-dessus : Un touriste dans un brouillard de pollution, près de Chang Mai, en Thaïlande. © Shuttertock

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