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Territoire de Redon à la confluence de l’hydrogène

© Christopher GUILLOU

Redon Agglomération et la société H2X-Ecosystems mettent en place un modèle territorial innovant à la confluence de la mobilité durable et de la production d’hydrogène. Une énergie qui est une opportunité pour repenser l’économie et l’organisation du territoire avec un objectif zéro émission en 2050. Entretien croisé sur un projet qui fait déjà des émules.

Dans notre Plan Climat Énergie, nous avons fixé comme objectif à long terme d’être un territoire zéro émission, explique Christophe Bidaud, directeur général du développement de Redon Agglomération. En plus des économies d’énergie sur les bâtiments, parmi nos axes de travail, la mobilité représente une importance particulière. Notre territoire de 70 000 habitants regroupant 31 communes situées à la confluence de Nantes, Rennes et Vannes est qualifié de peu dense (64 habitants/km2). Les familles ont ici une, deux, voire trois voitures. Par ailleurs, 60 cars scolaires sont utilisés par 4 500 élèves chaque jour à Redon, sans compter l’ensemble des autres lignes du territoire. Enfin nos neuf bennes à ordure sont de grosses consommatrices d’énergie avec 70 à 100 l/100  km. Aujourd’hui, nous sommes fortement dépendants pour notre énergie, car nous n’en produisons que 20 %, avec une dépendance accrue aux énergies fossiles pour les besoins de mobilité. Nous avons donc cherché une solution pour produire localement de l’énergie pour la mobilité. Les 20  éoliennes du territoire contribuent à production locale et pourront alimenter un nouvel écosystème hydrogène pour stocker et redistribuer de l’énergie, notamment pour les mobilités. » L’entreprise H2X-Ecosystems propose une approche très innovante : repenser en circuit court l’intégralité de la production et de la consommation sur un territoire, produire de l’énergie en même temps que les usages de cette énergie.Un électrolyseur devrait pouvoir produire 100 kg, puis 150 kg d’hydrogène par jour grâce à l’électricité éolienne et solaire, un minimum pour une pérennité économique selon H2X. Il faut compter 50 kW pour produire 1 kg d’hydrogène. L’agglomération va développer aussi la production d’électricité verte sur son territoire, notamment par des toitures photovoltaïques sur les bâtiments publics et en incitant aussi les entreprises privées à s’équiper. Point important, H2X projette aussi d’implanter sur le territoire une usine de fabrication d’électrolyseurs.

Business model circulaire

Au-delà de la production, H2X apporte un business model totalement nouveau. « Au lieu de vendre des véhicules, nous allons vendre un service de mobilité, explique Stéphane Paul, son président. Notre approche est d’accompagner le territoire qui reste le pilote du projet. » En fait, H2X-Ecosystems propose un écosystème autour de l’hydrogène avec une mobilité décarbonée et une production d’hydrogène à partir des EnR du territoire. La mobilité décarbonée se fait notamment grâce à une voiture hybride solaire/hydrogène, mais aussi par l’investissement en véhicules à hydrogène : cars, bus ou encore bennes à ordures.

Le tout est géré par une société d’exploitation qui vendra l’hydrogène et les services de mobilité. Cette société est ouverte aux acteurs des territoires : collectivités, syndicats d’énergie, industriels, commerçants artisans, mais aussi citoyens. Elle comprend aussi toute la chaîne d’exploitation nécessaire aux acteurs économiques. « La gouvernance du projet est très importante pour nous, précise Christophe Bidaud. H2X prendra des parts, mais les autres industriels du territoire et nous en tant que collectivité (c’est possible depuis la loi de transition énergétique) aussi, sans oublier l’ouverture à la participation de nos citoyens. Ceux-ci sont déjà pour certains impliqués dans les parcs éoliens. L’objectif est de garder la chaîne de production de valeur sur le territoire. » Une solution de monétisation est également en cours de réflexion.

Approche nouvelle mobilité

Plusieurs industriels du solaire et de l’hydrogène se sont associés pour développer un nouveau business model pour une transition économique de la société. H2X est un assembleur de ces solutions. « Nous vendons les éléments, mais le territoire reste pilote du projet. Au début, nous partons de solutions techniques à notre disposition ou que nous développons. Le modèle consiste donc à offrir un service et non à vendre un produit, à créer une société de territoire avec la participation des acteurs privés et publics et des citoyens, et à gérer les flottes de véhicules et la production et la distribution d’énergie. Pour ce qui concerne la production, le potentiel est immense : des industriels peuvent équiper leur installation de panneaux et d’électrolyseurs et produire leur énergie. »H2X accompagne aujourd’hui une quinzaine de collectivités dans des projets adaptés pour résoudre une problématique de territoire liée à la transition énergétique avec l’hydrogène. « Nous devons prendre en compte les potentiels du territoire ; c’est donc une nouvelle aventure à chaque fois », se réjouit Stéphane Paul.La société a préalablement mené une enquête approfondie sur le territoire pour repérer tous les usages de la mobilité durable. Citoyens, EHPAD, étudiants : les demandes de mobilité sont nombreuses et diverses, la possession d’une voiture est coûteuse et ne répond plus forcément aux besoins de la population. Or H2X a dans son offre un véhicule hydrogène performant, développé par la société bordelaise Gazelle Tech. Cette voiture hybride solaire/hydrogène de 4 places pèse 600 kg (avec un châssis composite) pour une autonomie annoncée de 500 à 800 km avec 1 kg d’hydrogène. Le solaire assure une autonomie complémentaire de 30 à 40 km. Elle se recharge grâce à un système de capsules préremplies qu’il suffit d’insérer.

Par ailleurs, cette voiture peut être directement assemblée sur le territoire grâce à une technologie développée par Gazelle Tech. L’intérêt de H2X est aussi d’apporter sur le territoire toute la chaîne de valeur avec l’assemblage et la maintenance des voitures. L’idée est de proposer ces véhicules à l’abonnement, pour un coût de trajet qui serait aujourd’hui de l’ordre de 0,50 € à 0,80 €/km. « Ce coût, déjà inférieur à celui de possession d’une voiture, devrait fortement diminuer avec la baisse du coût des électrolyseurs, possible rien qu’en réalisant une économie d’échelle, précise Stéphane Paul. Nous achetons aujourd’hui l’électricité à Enercoop en acceptant de payer plus cher une électricité verte. » Un parc de 50 véhicules à terme va être ainsi mis à disposition sur le territoire de l’agglomération de Redon. La gestion de celui-ci est également prévue (personnel et site internet) concomitamment à la production d’hydrogène. « Ce service permet de repenser la vie sociale d’un territoire, par exemple en permettant plus de maintien à domicile. Nous avons l’opportunité, en repensant l’énergie, de réinventer un modèle plus solidaire et une économie circulaire, en gardant la valeur sur le territoire. »

L’axe hydrogène breton

D’autres véhicules plus gros utilisant l’hydrogène vont aussi être mis en place. « Les bennes à ordures de l’agglomération, très consommatrices, vont être remplacées au fur et à mesure », indique Christophe Bidaud qui prévoit un retour sur investissement en dix ans, du fait du coût du carburant. Les bennes à hydrogène coûtent environ 600 000 euros, contre près de la moitié en diesel. « Élément important, en tant que directeur général du développement de l’agglomération, je devais avoir la certitude que nos véhicules et la station puissent bénéficier de maintenance, car une benne peut tomber en panne et doit être réparée au plus vite ! Cela est aussi prévu, car nous prenons en considération l’ensemble de la chaîne de valeur, formation comprise. Nous en profitons pour développer notre campus, déjà spécialisé sur la logistique achat et l’électronique, dans ce domaine des nouvelles énergies ».

Objectif : devenir un pôle d’excellence dans le domaine

Nous travaillons également avec des sociétés de transport et des logisticiens de grands groupes industriels implantés sur le territoire pour assurer une transition de leurs flottes vers des modèles décarbonés (petits utilitaires, engins de manutention, autocars) », répond Stéphane Paul.

« Les aides de l’État et des régions seront essentielles au démarrage de cette révolution de l’hydrogène, comme elles l’ont été pour les mobilités électriques. Ce sont des investissements majeurs pour le climat, mais qui génèrent une nouvelle dynamique économique créatrice de valeur. D’autres projets se développent dans les territoires voisins. Nous voyons se dessiner un arc économique hydrogène breton entre Saint-Malo, Rennes, Redon et Saint-Nazaire », conclut Christophe  Bidaud.

À propos de l'auteur

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