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Le conseiller à la sécurité, 20 ans déjà !

Le 1er janvier 2001, la réglementation ADR (Accord for dangerous goods by road) rendait obligatoire la nomination d’un conseiller à la sécurité pour le transport de marchandises dangereuses (CSTMD) pour toute entreprise qui charge, transporte, décharge des marchandises dangereuses. Le conseiller à la sécurité peut être interne à l’entreprise ou externe (sous-traitance). Cette disposition s’applique à tous les pays signataires de l’accord ADR.

Malgré cette réglementation, chaque pays a la possibilité de définir l’étendue des entreprises concernées par cette obligation. La France a fait le choix dans son arrêté TMD (Transport de marchandises dangereuses) de ne pas appliquer l’obligation de nomination du CSTMD aux entreprises expédiant de faibles quantités (au-dessous du seuil de l’article 1.1.3.6 de l’ADR), des marchandises emballées en quantité limitée et exceptées, etc. Toutes les exemptions et obligations, notamment pour les ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement), les expéditeurs (obligatoire au plus tard au 31/12/2022), sont mentionnées dans l’article 6 de « l’arrêté TMD » disponible sur le site www.legifrance.gouv.fr. Si vous avez des doutes ou des questions sur vos obligations, vous pouvez vous rapprocher d’une association de conseillers à la sécurité, www.conseillersecurite.org (Association nationale des conseillers à la sécurité – ANCS).

Pour ceux qui sont concernés par cette obligation, l’absence de nomination d’un conseiller à la sécurité dans l’entreprise est un délit punissable d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 €.

Rôle du conseiller à la sécurité

Le conseiller à la sécurité a des missions bien définies qu’il exerce sous la responsabilité du chef d’entreprise. Ses tâches sont de vérifier le respect des règles relatives au TMD par route, par voie ferrée et par voie navigable. Il conseille l’entreprise dans les opérations concernant le TMD (emballage, rédaction du document de transport, choix du transporteur, étiquetage, chargement, déchargement, transport, etc.). En cas d’accident (cas définis dans la réglementation), il devra rédiger un rapport d’accident à destination de la direction de la société. Il doit également remettre à la direction de l’entreprise un rapport annuel reprenant un certain nombre de points à vérifier. En France, ce rapport est un tableau de bord utile pour le chef d’entreprise afin de faire un état de son activité TMD et un bilan du respect des obligations de l’année écoulée.

Certaines entreprises voient dans cette obligation de nomination du CSTMD une nouvelle contrainte qui leur est imposée et d’autres une occasion d’améliorer la sécurité de leur activité et la pérennité de leurs affaires. Les transports Dachser ont fait de cette obligation un atout pour conquérir de nouveaux clients. Bruno Guillard, des transports Dachser, résume la philosophie de son entreprise : « La place du conseiller à la sécurité (CSTMD) est devenue primordiale au sein du réseau Dachser en France et en Europe. Ce dernier a la responsabilité d’analyser en amont les produits dangereux de nos clients afin de vérifier si ces derniers sont autorisés au sein de notre réseau. Il a ainsi toute autorité pour valider/refuser le démarrage avec un client. Son rôle est également de vérifier les conditionnements (emballages homologués), la conformité de l’étiquetage ainsi que des déclarations lors des remises des produits auprès de nos conducteurs. Nous avons décidé d’internaliser cette fonction stratégique, avec près de 235 CSTMD, afin d’être en maîtrise tous les jours de l’année sur l’intégralité de notre réseau. Nos CSTMD ont donc une grande légitimité et sont un garde-fou apprécié de nos clients pour qui leur rôle de conseil et d’expert joue à plein. » Cette stratégie de Dachser au niveau européen consistant à transformer une obligation réglementaire en un avantage concurrentiel lui a permis de devenir un partenaire privilégié des industries de la chimie et du cosmétique.

Conseiller interne ou externe

D’autres entreprises ont fait le choix de faire appel à un conseiller externe. Cette question de l’interne ou de l’externe revient régulièrement. Le CSTMD interne a l’avantage d’être en permanence dans l’entreprise et de bien connaître son activité. Il est toutefois rare, excepté dans les grandes entreprises, d’avoir un CSTMD interne à plein temps. Il occupe régulièrement d’autres fonctions : responsable logistique, responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement), chef d’entreprise, etc. Quand ces fonctions de CSTMD interne ne représentent qu’une faible part de leur temps de travail annuel, certains CSTMD internes ont du mal à se maintenir à niveau et à suivre les évolutions réglementaires. A contrario, le CSTMD externe exerce ce métier à plein temps toute l’année. Il possède une expérience acquise par la diversité de sa clientèle. Il est certes moins présent sur les sites, mais il est disponible par e‑mail ou par téléphone. La plupart se tiennent également informés des réglementations connexes aux réglementations routière, ferroviaire et fluviale que ce sont les réglementations aérienne et maritime, le Code l’environnement ou le règlement européen CLP pour pouvoir répondre de manière éclairée aux questions de leurs clients.

Chacune des entreprises fera le choix d’internaliser ou d’externaliser cette profession en fonction de son activité, de son historique et de sa stratégie. Il y a 20 ans, les conseillers externes étaient peu nombreux. Le choix était donc faible. Aujourd’hui, vous pouvez en trouver un assez facilement proche de votre entreprise sur le site www.solutionsmtd.com. Une nouvelle tendance apparaît depuis 5 ou 6 ans. Certaines entreprises développent une nouvelle hybridation en associant un conseiller interne et un conseiller externe pour tirer une synergie des deux profils.

Un bilan mitigé

Cependant, après 20 ans, les professionnels de la chimie ont dressé un bilan mitigé du CSTMD. Son rôle n’est pas remis en cause. Mais après 20 ans, France Chimie souhaitait que le niveau d’expertise augmente et que la profession soit plus attractive. Christian Rose, responsable « Transports & Logistique » au sein de la fédération France Chimie, explique : « France Chimie a considéré qu’après 20 ans d’existence des conseillers à la sécurité, il était nécessaire de procéder à un état des lieux global du dispositif, en s’interrogeant notamment sur son efficacité et sur sa capacité à répondre aux attentes des entreprises. »

Il ajoute que deux constats sont plus particulièrement ressortis de l’analyse menée par France Chimie :

– Le contenu de l’examen de CSTMD est apparu comme ne répondant pas suffisamment aux exigences en termes de compétences requises pour un CSTMD en activité dont les missions sont très opérationnelles, et n’illustrait pas suffisamment les aspects essentiels de gestion de la sécurité liée au transport de marchandises dangereuses.

– Le manque d’attractivité de la fonction de CSTMD, avec de nombreux collaborateurs ne souhaitant pas embrasser cette fonction à responsabilité, sachant qu’ils n’en tireront vraisemblablement pas suffisamment de gratitude et qu’ils devront, pour y accéder, passer un examen qui nécessite un investissement en temps important. France Chimie a pour autant défendu la nécessité de maintenir un haut niveau de l’examen, assurant que le certificat soit le garant de la maîtrise de la fonction de CSTMD, et ne souhaitait donc pas le rendre plus « facile ». En revanche, France Chimie souhaitait pallier les lacunes constatées en proposant de simplifier l’examen afin qu’il ne freine aucun volontaire et, surtout, qu’il ne pénalise pas des personnes compétentes, parfois dans l’incapacité de se soumettre au format actuel.

Ce constat était partagé par l’ANCS. Cette association de CSTMD souhaitait que l’examen soit simplifié dans son organisation, avec des sessions plus nombreuses, sans toutefois en abaisser le niveau. Brader l’examen aurait pu faire courir le risque d’avoir de nouveaux CSTMD avec un niveau connaissance non conforme aux souhaits des professionnels en matière de sécurité. D’après une étude de l’ANCS et du Comité interprofessionnel pour le développement de la formation dans les transports de marchandises dangereuses (CIFMD), organisateur de l’examen (www.cifmd.fr), la France a un niveau d’exigence parmi les plus élevés en Europe. La qualité et le niveau de difficulté de l’examen ont été un facteur de l’amélioration notable du traitement de la marchandise dangereuse dans la supply chain. Mais il faut se rendre à l’évidence : le métier n’attire plus vraiment. Ces dernières années, le nombre de candidats à l’examen était en baisse permanente ainsi que le taux de réussite, avec dans le même temps une érosion des premiers CSTMD. La première conséquence se ressent sur le recrutement de CSTMD internes. Ces derniers deviennent une denrée rare.

Le ministère de la Transition écologique et solidaire a pris note de ces problèmes rencontrés par les professionnels et a demandé au CIFMD de réfléchir à une refonte de l’examen du conseiller à la sécurité pour répondre aux besoins des entreprises concernées. Une large consultation a été menée par le CIFMD auprès de tous les acteurs (fédérations professionnelles, organismes de formation, associations de conseillers à la sécurité) pour recueillir leurs attentes et leurs idées. À partir de ces informations, des contraintes réglementaires et budgétaires, les nouvelles modalités de l’examen ont été fixées par arrêté du 25 novembre 2020.

Le conseiller à la sécurité est un acteur efficace dans la prévention des risques et un interlocuteur averti de la sécurité du TMD. En 20 ans, il a su devenir incontournable dans la gestion opérationnelle des marchandises dangereuses et plus personne ne remet en cause sa légitimité. Gageons que les récentes réformes permettront de continuer dans cette voie.

À propos de l'auteur

Guillaume Le Coz

www.gmjphoenix.com

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