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Hydrogène et éolienne : le couple vertueux ?

Dans le plan de relance annon­cé par le gou­verne­ment français le 3 sep­tem­bre 2020, le développe­ment de l’hydrogène décar­boné béné­fi­cie à lui seul de 7 mil­liards d’euros. Mais la pro­duc­tion d’hydrogène « vert » implique la pro­duc­tion en amont d’électricité dite renou­ve­lable et notam­ment d’origine éoli­enne. Celle-ci pour­rait donc indi­recte­ment sen­tir le vent de la relance ! Rap­pel et perspectives.

Pri­or­ité du plan de relance : décar­bon­er l’industrie ; prin­ci­pal vecteur envis­agé : la pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné ; moyens mis en avant : pro­duc­tion avec de l’électricité « verte ». Le ton est don­né : la stratégie de développe­ment de l’hydrogène décar­boné va de pair avec le développe­ment des champs solaires et des éoliennes.

Décar­bon­er par électrolyse

La pri­or­ité annon­cée dans le plan de relance avec l’hydrogène est de décar­bon­er l’industrie en faisant émerg­er une fil­ière française de l’électrolyse. Ce procédé, qui con­siste à pro­duire de l’hydrogène en faisant cir­culer de l’électricité dans de l’eau, doit, pour être décar­boné, repos­er sur une pro­duc­tion élec­trique elle-même décar­bonée, dont l’éolien peut être l’un des fers de lance. Le marché de la pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné par élec­trol­yse doit évoluer vers des pro­jets de plus grande taille et de plus impor­tante capac­ité, ce que per­met l’éolien. La France se fixe ain­si un objec­tif de 6,5 GW d’électrolyseurs instal­lés en 2030.

Appels à projets

Cette fil­ière, qui s’inscrit aus­si dans un plan européen plus large, va béné­fici­er d’actions à venir, notam­ment tournées vers la pro­duc­tion. Ain­si, dès 2020 l’ADEME va lancer :

– des appels à pro­jets « hubs ter­ri­to­ri­aux d’hydrogène » pour le déploiement, par des con­sor­tiums réu­nis­sant des col­lec­tiv­ités et des indus­triels four­nisseurs de solu­tions, d’écosystèmes ter­ri­to­ri­aux de grande enver­gure regroupant dif­férents usages (indus­trie et mobil­ité), pour favoris­er au max­i­mum des économies d’échelle. Cet appel à pro­jets sera doté de 275 mil­lions d’euros d’ici à 2023 ;

– des appels à pro­jets « briques tech­nologiques et démon­stra­teurs » (dotés de 350 mil­lions d’euros d’ici à 2023) qui visent à dévelop­per ou à amélior­er les com­posants et sys­tèmes liés à la pro­duc­tion et au trans­port d’hydrogène, et à ses usages tels que les appli­ca­tions de trans­port ou de four­ni­ture d’énergie ;

– une mobil­i­sa­tion des dis­posi­tifs d’investissement en fonds pro­pres du pro­gramme d’investissements d’avenir (PIA) des­tinés à financer les entre­pris­es néces­si­tant un sou­tien au développe­ment de tech­nolo­gies inno­vantes (fonds écotech­nolo­gies), à l’industrialisation (fonds des sociétés de pro­jets indus­triels – SPI) ou au lance­ment de pre­mières com­mer­ciales dans le domaine des infra­struc­tures énergé­tiques (ADEME Investissements).

En 2021 sont prévus :

– la con­struc­tion d’un pro­jet impor­tant d’intérêt européen com­mun (PIIEC/IPCEI) sur l’hydrogène, à l’instar du pro­jet européen sur les bat­ter­ies. Ce pro­jet pour­ra par exem­ple soutenir la R&D et l’industrialisation d’électrolyseurs pour pro­duire de l’hydrogène décar­boné et déploy­er ces solu­tions dans l’industrie. Ce pro­jet pour­ra égale­ment con­cern­er des pro­jets de « gigafac­to­ry » d’électrolyseurs en France, ain­si que l’industrialisation d’autres briques tech­nologiques (piles à com­bustible, réser­voirs, matéri­aux…), dans une logique d’intégration de la chaîne de valeur au niveau européen. La France réservera une dota­tion finan­cière excep­tion­nelle de 1,5 mil­liard d’euros dans le cadre de cette action ;

– un appel à man­i­fes­ta­tion d’intérêt (AMI) dans le cadre du pro­gramme pri­or­i­taire de recherche (PPR) « appli­ca­tions de l’hydrogène » : opéré par l’ANR, ce PPR per­me­t­tra de soutenir la recherche en amont et de pré­par­er la future généra­tion de tech­nolo­gies de l’hydrogène (piles, réser­voirs, matéri­aux, élec­trol­y­seurs…). Il sera doté de 65 mil­lions d’euros.
Un appel d’offres dans le cadre du mécan­isme de sou­tien à la pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné, par com­plé­ment de rémunéra­tion, est égale­ment prévu en 2022.

Taille cri­tique locale

Les éoli­ennes ter­restres et en mer sem­blent idéales pour ce déploiement annon­cé d’électrolyseurs de fortes capac­ités. Le prob­lème d’intermittence de pro­duc­tion de l’électricité éoli­enne est ain­si résolu par le stock­age de l’énergie élec­trique sous forme d’hydrogène. On peut donc s’attendre à voir se mul­ti­pli­er les ini­tia­tives de cou­plage électrolyseur/champ éolien ter­restre ou marin dans nos ter­ri­toires. Des « hubs ter­ri­to­ri­aux d’hydrogène » qui seront aus­si l’occasion de dévelop­per la mobil­ité ou l’usage indus­triel de l’hydrogène.

À ce sujet, le pro­jet pio­nnier éolien/électrolyseurs de Bouin, en Vendée, dont la pre­mière pierre a été posée le 26 sep­tem­bre, est révéla­teur. Ce pre­mier site de pro­duc­tion indus­trielle d’hydrogène vert directe­ment con­nec­té aux éoli­ennes (exis­tantes) du parc de Bouin réu­nit Lhyfe, pro­duc­teur et four­nisseur d’hydrogène, le Syn­di­cat départe­men­tal d’énergie et d’équipement de la Vendée et sa société d’économie mixte Vendée Énergie, la com­mu­nauté de com­munes de Chal­lans Gois, avec le sou­tien du départe­ment de la Vendée, de Bpifrance, de la région des Pays de la Loire et de l’Etat, pour un hydrogène 100 % vert et local assor­ti d’un usage ter­ri­to­r­i­al. La tech­nolo­gie est évo­lu­tive : pour aug­menter la pro­duc­tion, il suf­fit de met­tre en ligne plusieurs élec­trol­y­seurs. Les 300 kg en Vendée sont une étape et la deux­ième tranche de 300 kg est déjà validée. Matthieu Gues­né, prési­dent fon­da­teur de Lhyfe, annonce d’ailleurs le déploiement de cette solu­tion éolienne/électrolyseur sur une quar­an­taine de pro­jets en France et en Europe.

Élec­trol­y­seur intégré ?

Lhyfe tra­vaille sur un pro­to­type conçu adap­té aux éoli­ennes… off­shore, avec une résis­tance à l’air salin et une util­i­sa­tion… d’eau salée ! « Économique­ment, la pro­duc­tion d’électricité de l’éolien marin est 5 à 16 fois plus impor­tante avec un vent con­stant, indique Matthieu Gues­né. Cela nous per­met d’envisager une tra­jec­toire du coût du kilo d’hydrogène équiv­a­lent à un litre d’essence à 0,50 €, ce qui le place au niveau du gasoil (sans les tax­es). Avec un élec­trol­y­seur inté­gré à l’éolienne (en cours d’étude), nous économis­erons en plus le prix du câblage de l’éolienne au réseau (sou­vent 20 à 25 % des investisse­ments), avec une récupéra­tion de l’hydrogène par ramas­sage en bateau. Une plate­forme pour­ra pro­duire des mil­liers de tonnes d’hydrogène. Cela coûte dix fois moins cher de ramen­er du gaz que des élec­trons, ce qui com­pense les sur­coûts liés à l’offshore. Mais, en plus, grâce au développe­ment d’éoliennes flot­tantes et à cet affran­chisse­ment du réseau, nous mul­ti­plions les sites d’implantation poten­tiels pour ces éoli­ennes ! » Les éoli­ennes pour­raient donc devenir des usines de pro­duc­tion d’hydrogène ! 

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