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« Autour de nos unités se dessine la nouvelle économie locale et durable »

Biogaz Mag­a­zine. Entre infla­tion et tra­jec­toire de baisse des tar­ifs, com­ment se porte la méthanisation ?

Jean-François Delaitre. Un dou­ble effet de ciseaux entre l’augmentation des OPEX dû à l’inflation et aux nou­velles régle­men­ta­tions et la baisse des tar­ifs con­duit aujourd’hui à l’arrêt de nom­breux pro­jets, y com­pris cer­tains béné­fi­ciant du tarif his­torique de 2011. Nous avions prévenu que cette baisse allait trop vite, mais l’objectif du min­istère à l’époque sem­blait être de frein­er la fil­ière. On nous dis­ait que le biogaz était cher. Le para­doxe, c’est qu’aujourd’hui le gaz vert est moins cher que le gaz fos­sile : le gaz vert acheté 100 €/MW est reven­du 130–150 € en gaz naturel. Il faut égale­ment pren­dre en compte les effets béné­fiques de la tran­si­tion agri­cole, de la ges­tion des déchets et de la créa­tion d’une économie territoriale.

Le min­istère est en train de réalis­er que sa vision « compt­able » était celle de l’ancien temps ! D’autant que les bases des études économiques réal­isées il y a deux ou trois ans com­por­taient des erreurs. À l’AAMF, nous avons tou­jours indiqué que nous voulions par­tir sur la base de la réal­ité des pro­jets et non sur un dogme et que nous n’étions pas en accord avec cette tra­jec­toire non réal­iste qui con­duit aujourd’hui au blocage de pro­jets et donc de la future pro­duc­tion de gaz vert. Alors que la con­jonc­ture met actuelle­ment en lumière l’importance de l’indépendance énergé­tique et agri­cole, toute la fil­ière redis­cute, en plein Salon de l’agriculture, avec le min­istre pour remet­tre le sujet sur la table.

Face à cette men­ace, quelles sont les pistes pour réduire les coûts ?

La pre­mière chose à faire est de flu­id­i­fi­er les régle­men­ta­tions de la fil­ière méthani­sa­tion. Alors que les pro­jets alle­mands pre­naient 13 ou 14 mois pour voir le jour, en France, il faut de 3 à 5 ans, voire plus ! Imag­inez le busi­ness plan fait il y a 3 ans avec les prix et les tar­ifs d’alors ! Pour baiss­er les coûts, ce sont d’abord les sujets régle­men­taires, qui entraî­nent de nom­breuses démarch­es coû­teuses, qu’il faut traiter. Sur le sujet ICPE, qui provoque des sur­coûts, sur les plans d’épandage, nous deman­dons une sou­p­lesse de l’administration, des moyens d’accompagnement avec nos régions. L’État devrait jouer un rôle de facil­i­ta­teur et entretenir la flamme de ces pro­jets de vraie tran­si­tion énergé­tique. Il serait néces­saire égale­ment de clar­i­fi­er le sys­tème d’aides, entre aides de l’État, de l’ADEME, des régions… La créa­tion d’un sys­tème de garanties finan­cières, de fonds biogaz pour­rait être utile. Il faudrait aus­si que la BPI, sup­posée jouer la carte de l’investissement, ne soit pas finale­ment l’organisme de finance­ment le plus frileux. Notre fil­ière a con­sti­tué des groupes de tra­vail pour opti­miser nos unités et celles à venir. Nous gérons des déchets mul­ti­ples et nous par­tions il y a quelques années d’une page qua­si blanche. Mais avec le retour d’expérience et le tra­vail accom­pli par la fil­ière, nous par­venons à stan­dard­is­er, à sécuris­er et à opti­miser les intrants et notre pro­duc­tiv­ité, avec des pro­grès encore à venir.

L’industrialisation de la fil­ière est-elle com­pat­i­ble avec une méthani­sa­tion « à la ferme » ?

Avec une méthani­sa­tion portée par des agricul­teurs, sûre­ment ! Nos unités cou­vrent une var­iété de ter­ri­toires et la méthani­sa­tion agri­cole a juste­ment cette sou­p­lesse et cette réac­tiv­ité pour inté­gr­er une diver­sité d’intrants tout en stan­dard­is­ant les équipements de sécu­rité, d’épuration, de pré­pa­ra­tion des matières. Il faut bien sûr trou­ver la bonne taille. Pour l’injection, par exem­ple, on peut faire des unités viables dès 100 Nm3. Et puis, il faut aus­si être inven­tif, nous avons des pistes d’avenir : ajouter par exem­ple de la cogénéra­tion à l’injection, en util­isant la chaleur pour le process ou des sta­tions bioGNV à la cogénéra­tion, cou­pler des pan­neaux solaires, mailler nos unités de sta­tions bioGNV pour la mobil­ité ter­ri­to­ri­ale… Autour de nos unités se des­sine, au-delà de la pro­duc­tion de biogaz, un nou­veau mod­èle de tran­si­tion énergé­tique, d’agriculture durable, de mobil­ité douce. Un véri­ta­ble renou­veau économique local ! 

À propos de l'auteur

Jean-François Delaitre

Président de l’AAMF.

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