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Épandage et CIVE : des matériels spécifiques

La méthanisation entraîne de nouvelles pratiques agricoles, qui tendent vers une gestion durable de la mise en culture et de l’amendement. L’épandage des digestats, les cultures de CIVE et la préparation des intrants nécessitent des matériels spécifiquement adaptés. Comme tous les matériels, ceux-ci peuvent être acquis directement ou gérés par une CUMA.
Focus sur le matériel d’épandage et présentation d’une gamme spécifique pour les CIVE.

L’épandage des digestats, qui possèdent des caractéristiques différentes des fumier et lisier, avec une volatilité, implique l’utilisation de matériels spécifiques que nous détaillons ci-après.

Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) sont des cultures implantées et récoltées entre deux cultures principales dans une rotation culturale. Récoltées pour être utilisées en tant qu’intrant dans une unité de méthanisation agricole, elles ne bénéficient pas toujours de conditions climatiques optimales et d’une durée d’implantation très longue. Celle-ci doit donc être particulièrement soignée pour un démarrage rapide et une production de biomasse suffisante. Leur coût doit aussi être minimisé pour rester compétitif. De ce fait, l’itinéraire technique des CIVE doit être limité au strict minimum : implantation, fertilisation, récolte, désherbage éventuel.

Comme les CIPAN, les CIVE jouent un rôle de couvert végétal, ne laissant pas la terre à nu pendant l’interculture, ce qui est bénéfique pour les sols. Mais cette couverture quasi permanente du sol et ces séquences de cultures spécifiques exigent une adaptation du travail du sol (strip-till, semis direct, matériel de récolte…) pour limiter les coûts et garantir les implantations avec l’utilisation de matériels bien spécifiques.

Épandage du digestat : quels matériels ?

Le digestat est une matière riche pour fertiliser et amender, mais aussi très volatile. Son épandage doit donc être fait de manière à éviter les pertes en ammoniac et avec un dosage adapté. L’apport de digestat à l’exploitation agricole nécessite donc un choix du matériel d’épandage qui est primordial, avec un coût d’investissement parfois, mais une baisse des achats d’engrais minéraux.

« Les digestats ont des valeurs fertilisantes plus élevées et des risques de volatilisation plus importants que les effluents d’élevage », rappelle la fiche technique « Bien épandre son digestat issu de méthanisation » réalisée en 2018 par la CUMA Ouest (http://www.ouest.cuma.fr). « Plus l’azote de l’engrais ou d’un produit organique sera présent sous forme d’ammonium ou d’urée, plus le risque de volatilisation sera important », poursuit cette fiche qui rappelle combien les analyses du digestat sont importantes. Or la perte se fait principalement dans les heures qui suivent l’épandage.

Maîtriser le digestat

Maîtriser cet épandage est primordial et la filière, avec France gaz renouvelables et le groupe de travail « Nouveaux Systèmes énergétiques », s’est mobilisé sur ce sujet pour approfondir les connaissances sur le fonctionnement et les impacts du digestat. C’est ainsi que l’AAMF, AgroParisTech, Engie, l’INRAE, ACE méthanisation et l’ATEE Club biogaz ont publié en 2021 un guide intitulé « L’utilisation des digestats en agriculture – les grands principes et enjeux ».

Ce guide (à retrouver sur http://www2.agroparistech.fr/) les passe en revue à travers trois fiches complètes : « Les digestats de méthanisation et leurs intérêts agronomiques », « Le contexte réglementaire », « Enjeux environnementaux et technico-économiques liés à l’épandage de digestat », ainsi que deux fiches complémentaires : « Piloter les apports de digestat » et « Utiliser le matériel adéquat ». Cet « outil d’information dresse un état des lieux des connaissances en la matière », indique dans son éditorial Servane Lecollinet, pilote du groupe de travail AAMF Agronomie et retour au sol du digestat. Côté matériel, cette fiche et ce guide passent en revue les différentes techniques d’épandage de digestats avec leurs avantages et inconvénients. Retour sur quelques points clés.

La clé de la régularité

La gestion du digestat implique bien souvent la séparation de phase pour obtention de digestat solide et liquide. Pour le premier, le guide conseille l’enfouissement avant implantation d’une culture pour une meilleure valorisation du phosphore et d’épandre de manière régulière en tenant compte de la météo. Pour le digestat liquide, le guide rappelle l’importance d’avoir une grande capacité de stockage qui permet de mieux gérer les périodes d’épandage.

En effet, la volatilisation sera plus ou moins importante selon la température et le temps, mais surtout selon le type de matériel utilisé. Autre élément important : l’épandage doit être régulier afin de fournir la même quantité (même dosage) transversalement sur la largeur de travail et longitudinalement (avancée du tracteur). Pour les digestats solides, précise le guide, « il faut une alimentation régulière des moulins ou hérissons ». D’autres équipements tels un fond mouvant à barrette avec un réglage de la vitesse d’avancement ou encore une porte guillotine permettent la régularité longitudinale. Côté régularité transversale, le guide rappelle que les épandeurs à table ont une meilleure régularité, suivis par les épandeurs à moulins ou hérissons verticaux, les épandeurs horizontaux ayant la moins bonne régularité.

Pour les digestats liquides, il est nécessaire d’obtenir une bonne homogénéisation avant épandage. Pour une répartition optimale, il faut ensuite une alimentation régulière, notamment grâce aux broyeurs répartiteurs. Là encore, des équipements optionnels tels que le débit proportionnel à l’avancement (DPA), le guidage par satellite et les mesures instantanées peuvent améliorer la régularité.

Performances des techniques d’épandage

La volatilisation sera plus ou moins importante selon la température et le temps, mais surtout selon la technique d’enfouissement et le type de matériel utilisé. Les buses palettes sont déconseillées, l’injection apportant la meilleure efficacité. Quant au pendillard, il demande à être utilisé en température fraîche, comme le montre le tableau du taux de volatilisation/température.

Quels matériels utiliser alors ? Pour les digestats solides, l’épandeur à hérissons verticaux apporte un bon débit et nécessite peu d’entretien pour une largeur d’épandage plus limitée. L’épandeur à table permet une grande largeur et un dosage plus faible, mais est plus sensible au vent et manque de polyvalence. En complément, une porte guillotine, un indicateur de vitesse du tapis, un DPA pour ajuster le débit à la vitesse d’avancement, un équipement de pesée, voire un pousseur, permettent un épandage régulier et un dosage optimisé.

Côté digestats liquides, c’est la rampe pendillard qui génère le plus de pertes en ammoniac et des risques de bouchage, même si elle permet une bonne répartition et une largeur de travail importante.

La rampe à patins permet une bonne répartition, mais elle est spécialisée pour les prairies et génère aussi des pertes.
Restent les enfouisseurs à chaume (strip-till) pour une bonne répartition et une volatilité limitée, mais ils demandent une bonne puissance et ont un débit de chantier limité. Enfin, les enfouisseurs automoteurs, pour une faible volatilité et une bonne répartition, permettent une bonne vitesse d’avancement, mais ces matériels très spécifiques sont onéreux.

En complément, le GPS et le brasseur de tonne sont également très utiles.

Avec ou sans tonne ?

Les épandages peuvent se faire avec ou sans tonne à lisier, cette dernière solution pouvant conduire à un plus fort tassement du sol. L’utilisation de tonnes implique de choisir une monte de pneus adaptée, de surveiller le poids total et d’utiliser éventuellement le télégonflage.

« L’épandage sans tonne est une solution qui permet un trafic moins impactant sur la parcelle (préservation de la structure des sols) et un besoin en traction moindre (100 à 120 ch) », indique la fiche de la CUMA Ouest.
• Il peut être réalisé à l’aide d’un automoteur ou d’un tracteur muni d’un pendillard. Les automoteurs permettent la marche en crabe ou les essieux décalés, qui assure une meilleure répartition des charges.
• Comme il préserve la structure du sol, il permet de valoriser le digestat sur céréales en sortie d’hiver.
• Il permet un débit de chantier important allant de 50 à 130 m3/h.

En revanche, il nécessite un parcellaire proche du point de pompage (fosse de stockage, camion, tonne ou caisson en bord de champ) ainsi qu’un réseau d’alimentation (avec une mise en place et rangement des tuyaux complexe) et une pompe. Pour ces raisons, il est peu adapté aux parcellaires petits et éclatés et le chantier peut être rendu difficile par l’existence d’obstacles.

Comme on le voit, l’épandage des digestats nécessite des matériels différents de l’épandage de fumier ou de lisier. Afin d’optimiser les coûts, ces matériels peuvent être achetés de manière mutualisée, dans le cadre de CUMA par exemple. 

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