Biogaz Magazine Biogaz

La pyrogazéification : techniques et potentiel

La pyrol­yse et la gazéi­fi­ca­tion sont des procédés de traite­ment ther­mique de matières rel­a­tive­ment sèch­es, à haute tem­péra­ture et en absence ou défaut d’oxygène. Ces procédés trans­for­ment la matière car­bonée en gaz (syn­gaz), huile et/ou char­bon, avec un poten­tiel de pro­duc­tion d’énergie impor­tant cou­plé à une économie cir­cu­laire de territoire.

La pyrogazéi­fi­ca­tion est un traite­ment ther­mochim­ique qui per­met, en absence ou défaut d’oxygène et à haute tem­péra­ture (entre 400 et 1 500 °C), de con­ver­tir des matières organiques rel­a­tive­ment sèch­es (bio­mass­es ligneuses – con­nex­es de sci­eries, bois en fin de vie, résidus de cul­tures, etc.), mais aus­si des déchets divers (com­bustibles solides de récupéra­tion, pneus usagés, boues de sta­tions d’épurations séchées, etc.) en com­posés énergé­tiques, qui se présen­tent selon les procédés sous forme solide, liq­uide ou gazeuse (gaz de syn­thèse ou syn­gaz com­posé prin­ci­pale­ment d’hydrogène, de car­bone, de dioxyde de car­bone et de méthane), mais aus­si de biochar util­is­able pour un retour au sol. Cette con­ver­sion de la matière en com­posés énergé­tiques ouvre la voie à une mul­ti­tude de modes de val­ori­sa­tion : pro­duc­tion de chaleur et/ou d’électricité, de gaz de syn­thèse renou­ve­lables (méthane et hydrogène injecta­bles dans le réseau de gaz) ou de car­bu­rants. Elle s’appuie sur les procédés de pyrol­yse et de gazéi­fi­ca­tion qui imi­tent en accéléré (de quelques sec­on­des à quelques heures) le procédé à l’origine de la for­ma­tion des éner­gies fossiles.

Ces nou­veaux com­posés peu­vent ain­si être util­isés directe­ment en aval ou sur un autre site, soit sous forme énergé­tique, par exem­ple dans une chaudière ou un moteur à com­bus­tion interne en sub­sti­tu­tion d’une énergie fos­sile ou après injec­tion dans le réseau de gaz, soit sous forme chim­ique pour la pré­pa­ra­tion de bio­car­bu­rants ou de molécules à haute valeur ajoutée.

Source : Club ATEE Pyrogazéification

La pyrol­yse

La pyrol­yse est le procédé de décom­po­si­tion ther­mique de la matière car­bonée rel­a­tive­ment sèche, à haute tem­péra­ture (entre 400 et 1 500 °C), en absence d’oxygène, per­me­t­tant d’obtenir trois phases :

• une phase solide (char­bon, char ou coke) ;
• une phase liq­uide (huile de pyrolyse) ;
• une phase gazeuse com­bustible, dite gaz de syn­thèse ou syngaz.

Cette opéra­tion néces­site une faible quan­tité d’énergie. La pro­por­tion entre ces trois phas­es dépend essen­tielle­ment des prin­ci­paux paramètres opéra­toires, notam­ment de la tem­péra­ture, du temps de séjour et de la vitesse de chauffage. À rel­a­tive­ment faible tem­péra­ture, long temps de séjour et faible vitesse de chauffage, la phase char­bon sera majori­taire : c’est le proces­sus naturel à l’origine de la for­ma­tion des éner­gies fos­siles. À plus haute tem­péra­ture, faible temps de séjour et haute vitesse de chauffage, la phase liq­uide ou gazeuse sera prédominante.

Source : Club Pyrogazéification

La gazéi­fi­ca­tion

La gazéi­fi­ca­tion est le procédé de trans­for­ma­tion de la par­tie car­bonée solide et de la phase liq­uide pro­duites par la pyrol­yse en gaz de syn­thèse (syn­gaz) par ajout d’une petite quan­tité d’un agent oxy­dant (air, oxygène, eau, gaz car­bonique). La com­po­si­tion du syn­gaz est fonc­tion de la nature de la ressource entrante et des con­di­tions opéra­toires. Il est com­posé prin­ci­pale­ment d’hydrogène, de monoxyde de car­bone et de dioxyde de car­bone et, dans une moin­dre mesure, de méthane.

La pyrogazéi­fi­ca­tion est une étape de pyrol­yse suiv­ie d’une étape de gazéi­fication. Les procédés dits de « gazéi­fication » sont sou­vent en pra­tique des procédés de pyrogazéi­fi­ca­tion. Il existe de très nom­breux procédés en fonc­tion des paramètres choi­sis qui per­me­t­tent de trans­former les déchets ou la bio­masse en syn­gaz sub­sti­tu­able par exem­ple au gaz naturel, en bio­car­bu­rant, en biochar ou en d’autres molécules spécifiques.

Source : Gaz verts : Ren­forçons nos synergies.

Un procédé ancien

La mise en œuvre des procédés de pyrolyse/gazéification est anci­enne, comme en témoigne la fab­ri­ca­tion sécu­laire de char­bon de bois, ou de gaz à par­tir de char­bon et/ou de bois (gaz de houille pour l’éclairage de villes au XIXe siè­cle, gazogène comme car­bu­rant de véhicules de trans­port au début du XXe siècle).

Pour les déchets, le développe­ment des tech­nolo­gies est plus récent. Une pre­mière généra­tion de procédés a été dévelop­pée à par­tir des années 1980–1990 en alter­na­tive aux tech­nolo­gies d’incinération. Les procédés de cette époque visaient avant tout à traiter des ordures ménagères en mélange, dans une logique de san­té publique plutôt que de val­ori­sa­tion énergé­tique, et con­cer­naient prin­ci­pale­ment des unités de grande capac­ité (plus de 100 000 tonnes par an). Depuis une quin­zaine d’années, des procédés inno­vants de sec­onde généra­tion pour le traite­ment des déchets ont com­mencé à appa­raître. Ces procédés sont « non inté­grés », ce qui sig­ni­fie que l’étape de trans­for­ma­tion de la ressource est tech­nique­ment séparée de l’étape de val­ori­sa­tion. Ces procédés pro­duisent donc en pre­mier lieu des com­posés énergé­tiques gazeux (syn­gaz), liq­uides (hydro­car­bu­res) et solides (char ou coke).

Poten­tiel

Dans dif­férents scé­nar­ios (ADEME 2050, Negawatt), le poten­tiel de pro­duc­tion de biogaz par la pyrogazéi­fi­ca­tion est estimé pour 2050 à 75 TWh/an. « Aujourd’hui, on s’intéresse en pri­or­ité à trans­former tous les déchets organiques en énergie, mais avec des unités ter­ri­to­ri­ales qui évi­tent les déplace­ments de ces déchets, explique le respon­s­able du groupe pyrogazéi­fi­ca­tion de l’ATEE. Les dif­férentes tech­niques, dont la pyrogazéi­fi­ca­tion, per­me­t­tent de répon­dre à ces enjeux de ges­tion des déchets et de pro­duc­tion d’énergie locale avec des déchets ter­ri­to­ri­aux de bois et de sylvi­cul­ture, mais aus­si de CSR (refus de tri) aux capac­ités calori­fiques intéres­santes. Cela per­met en plus de ne pas enfouir ces déchets, mais de les inté­gr­er dans une économie cir­cu­laire locale. C’est pourquoi la dynamique de la fil­ière vient des por­teurs de pro­jets, mais aus­si des ges­tion­naires de déchets et des acteurs et des élus locaux, avec des pro­jets d’autoconsommation par exemple. »

Mal­gré des briques tech­nologiques très matures, la tech­nolo­gie est assez com­plexe et demande encore des développe­ments pour opti­miser la pro­duc­tion. La fil­ière souhaite être éli­gi­ble aux mécan­ismes exis­tants (comme le fonds chaleur) pour pou­voir dévelop­per ce poten­tiel impor­tant, com­plé­men­taire de la méthani­sa­tion et de la gazéi­fi­ca­tion hydrother­male du fait de gise­ments de ressources dif­férents. « Nous sommes en dis­cus­sion à ce sujet avec l’ADEME sur des mécan­ismes d’appel à pro­jets, de tarif d’achat… Nous souhaitons l’intégration à long terme dans les objec­tifs de la PPE et avoir des objec­tifs pérennes avec des busi­ness plans per­me­t­tant le développe­ment de pro­jets. » La pyrogazéi­fi­ca­tion fait par­tie des solu­tions pour attein­dre l’indépendance énergé­tique et créer une économie territoriale.

Per­spec­tives

Les procédés de pyrolyse/gazéification se pla­cent au cœur de trois grandes prob­lé­ma­tiques actuelles et expliquent le fort regain d’intérêt pour ces technologies :

• lut­ter con­tre les pol­lu­tions et mieux gér­er les déchets résidu­els dans le cadre d’un mod­èle d’économie cir­cu­laire. La volon­té affir­mée de réduire l’enfouissement va ain­si dévelop­per les opéra­tions de tri en vue de la val­ori­sa­tion de la matière, ce qui va génér­er une aug­men­ta­tion sig­ni­fica­tive du gise­ment des refus de tri à pou­voir calori­fique élevé, qu’il sera judi­cieux d’orienter vers une val­ori­sa­tion énergé­tique optimisée ;

• dis­pos­er d’une énergie non inter­mit­tente, plus sûre sur le plan géopoli­tique que les éner­gies fos­siles, et à un prix abor­d­able et sta­ble. La pro­duc­tion de com­posés énergé­tiques à par­tir de ressources locales per­me­t­tra d’améliorer l’indépendance énergé­tique de la France tout en dimin­u­ant les impacts de la volatil­ité des prix ;

• pro­duire une énergie renou­ve­lable, notam­ment à par­tir des ressources bio­mass­es non ali­men­taires. Ain­si, les bio­mass­es lig­no­cel­lu­losiques sont dif­fi­cile­ment méthanis­ables, mais se prê­tent très bien à la pyrolyse/gazéification pour la pro­duc­tion par exem­ple de bio­car­bu­rants de deux­ième génération.

Économie cir­cu­laire

La pyrogazéi­fi­ca­tion est une fil­ière s’adaptant à un large spec­tre de con­jonc­tures ter­ri­to­ri­ales, en ter­mes de ressources val­oris­ables, de capac­ités et de modes de val­ori­sa­tion. Un écosys­tème dynamique d’entreprises inno­vantes est aujourd’hui prêt à déploy­er ces tech­nolo­gies sur le ter­ri­toire et pro­pose des solu­tions mod­u­la­bles per­me­t­tant de val­oris­er une large gamme d’intrants via une pro­duc­tion d’énergie (renou­ve­lable ou de récupéra­tion) locale.

En par­al­lèle, les acteurs des ter­ri­toires (indus­triels, ges­tion­naires de ressources en recherche d’exutoires pour leurs sous-pro­duits, etc.) recon­nais­sent dans les tech­nolo­gies de pyrogazéi­fi­ca­tion une nou­velle solu­tion pour val­oris­er des ressources locales et décar­bon­er leur con­som­ma­tion d’énergie.

Pour impulser son déploiement à grande échelle, la fil­ière a cepen­dant besoin d’une régle­men­ta­tion adap­tée à l’échelle et à la vie des pro­jets et d’un sou­tien assumé de la part des pou­voirs publics (ex. : appels à pro­jets pour l’injection dans les réseaux, appels d’offres en cogénéra­tion et pro­duc­tion de bio­car­bu­rants, de char, etc.).

Les procédés de pyrol­yse et de gazéi­fi­ca­tion peu­vent apporter des répons­es inno­vantes et per­for­mantes pour mieux val­oris­er énergé­tique­ment de façon non inter­mit­tente de nom­breux déchets et bio­mass­es au niveau des ter­ri­toires et pour dévelop­per de nou­veaux mod­èles d’économie cir­cu­laire. Au vu de son poten­tiel et de son dynamisme, signe de l’attente du marché, cette fil­ière mérite et néces­site un encadrement régle­men­taire plus adap­té et un sou­tien pub­lic afin de l’accompagner dans son développe­ment et lui per­me­t­tre de devenir une référence mon­di­ale sur ce secteur d’avenir.

Cette fil­ière, qui traite les déchets résidu­els secs non fer­mentesci­bles sou­vent des­tinés à l’enfouissement ou à l’incinération, est par­faite­ment com­plé­men­taire de la fil­ière méthani­sa­tion, des autres fil­ières de pro­duc­tion de gaz renou­ve­lables en cours de développe­ment, mais aus­si des autres éner­gies renouvelables.

Les acteurs de la fil­ière con­sid­èrent qu’à l’horizon 2028 le gaz injec­té issu des procédés de pyrogazéi­fi­ca­tion per­me­t­trait de val­oris­er près d’un demi-mil­lion de tonnes de déchets par an, d’injecter 1 TWh de gaz par an et ain­si de réduire les émis­sions de CO2 d’environ 165 000 tonnes, avec à la clé, la créa­tion dans les ter­ri­toires de 500 emplois nou­veaux essen­tielle­ment non délo­cal­is­ables, en sou­tenant du même coup le ray­on­nement des tech­nolo­gies français­es en dehors de nos frontières.

Le club Pyrogazéification
Le club Pyrogazéi­fi­ca­tion, asso­ci­a­tion pro­fes­sion­nelle créée en 2014, a rejoint l’ATEE fin 2019 pour ren­forcer ses activ­ités de struc­tura­tion et d’animation. Il rassem­ble les prin­ci­paux acteurs de la fil­ière sur l’ensemble de sa chaîne de valeur (ges­tion­naires d’intrants, équipemen­tiers, bureaux d’études, ges­tion­naires de réseaux de gaz, lab­o­ra­toires, col­lec­tiv­ités locales…). Ses prin­ci­pales mis­sions sont de favoris­er l’échange entre ses mem­bres, de mieux faire con­naître les enjeux et le poten­tiel de cette fil­ière, de pro­mou­voir les intérêts com­muns des acteurs auprès des pou­voirs publics. Le club œuvre à l’élaboration d’un cadre favor­able au déploiement de ces tech­nolo­gies avec dif­férents groupes de tra­vail (bonnes pra­tiques, injec­tion de gaz de synthèse…).

À propos de l'auteur

Biogaz Magazine

Par la rédaction de Biogaz Magazine.
Créé en 2018, le média professionnel Biogaz Magazine est rapidement devenu un support d’information et de communication de référence, consacré à l’innovation technologique et au développement de la filière biogaz, mais aussi de l’ensemble des valorisations énergétiques : pyrogazéification, méthanation, power to gas

À destination des acteurs économiques et industriels du secteur, du monde agricole et des pouvoirs publics (ministères, collectivités territoriales, etc.) Biogaz Magazine, membre du cluster Biogaz Vallée, est partenaire des principaux événements professionnels en France et en Europe, ainsi que des principales fédérations et organisations du secteur. La revue permet ainsi à ses annonceurs de bénéficier d'une surface de diffusion large et unique auprès d’un public cible constitué d’acteurs et de décideurs de la filière, mais également du relais nécessaire auprès des décideurs politiques, économiques et des ministères concernés.

Bienvenue sur Innovation24.news,
le portail d'information dédié à l'innovation et au développement durable des publications de Consilde Media Group. Ce site regroupe une sélection d'articles et d'entretiens rédigés par des spécialistes des questions environnementales et publiés dans nos différents magazines.

.