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Motorisation hydrogène : PAC pour les petits, MCI pour les gros ?

Le déploiement de l’hydrogène vert passe par la mobilité. Mais ce vecteur énergétique peut être utilisé sous plusieurs formes : pile à combustible ou moteur à combustion interne pour hydrogène (100 % ou en mélange avec du diesel ou du méthane). Quelles motorisations se dessinent pour quels usages ? Éléments de réponse.

Le moteur à combustion interne (MCI) hydrogène est avant tout un moteur dit « thermique » utilisant l’hydrogène comme carburant. Des motorisations MCI sont également disponibles avec un mélange hydrogène/GNC (gaz naturel compressé) ou hydrogène/gasoil.

100 % hydrogène ou mix ?

Le rendement du MCI va dépendre du type d’application et de la puissance installée (entre 25 et 40 %), mais il faut noter que l’hydrogène permet une vitesse de flamme importante dans la chambre de combustion et donc une meilleure efficacité. Facile à démarrer avec un mélange pauvre en hydrogène, il doit toutefois être bien régulé et sécurisé pour éviter le phénomène de préallumage et de retour de flamme. Le MCI hydrogène émet des oxydes d’azote du fait des hautes températures de combustion, mais ils sont neutralisés aujourd’hui par l’urée (normes Euro VI). Utilisé pur, l’hydrogène ne rejette pas de CO2. Ce moteur fonctionnant avec de l’hydrogène liquide à des températures très froides ou stocké dans des réservoirs sous très haute pression nécessite cependant une attention particulière : vigilance sur les fuites, matériaux spécifiques pour haute pression ou froid intense.

Différents carburants peuvent être utilisés sur ce type de moteur. Le mix diesel/hydrogène nécessite très peu de modifications du moteur, mais reste émetteur de CO2 malgré tout. À noter que le 100 % hydrogène permet d’utiliser un hydrogène moins pur que pour une pile à combustible, ce qui peut aider à diminuer le coût du carburant à l’usage. Autre possibilité, l’utilisation d’Hytane, un mélange hydrogène/méthane testé à Dunkerque par le projet Althytude en prévision d’un futur mélange similaire dans le réseau national de gaz. À noter également que ce type de moteur peut utiliser des syngaz (gaz de pyrolyse et de combustion partielle CO et H2).

En matière de motorisation, le choix existe également entre un moteur neuf et la possibilité de rétrofit depuis un camion thermique. Cette approche permet de diminuer les coûts à l’achat le temps que les solutions neuves s’industrialisent.

Pour ce qui est des usages, les moteurs MCI semblent assez peu adaptés aux voitures individuelles du fait de la complexité de la gestion de l’hydrogène et de l’absence de distribution actuelle. BMW a travaillé sur les MCI à hydrogène jusqu’en 2013 avant d’abandonner, principalement à cause de problèmes de coûts et de freins techniques (manque d’infrastructures pour la recharge, problèmes écologiques posés par l’extraction d’hydrogène, quantité d’énergie nécessaire au stockage de l’hydrogène liquide à − 253 °C, et taille du réservoir d’hydrogène liquide) pour se concentrer sur l’hybride et l’électrique, puis sur les piles à combustible en s’associant avec Toyota. La Mazda RX‑8 (2003) et la Ford Focus C‑MAX H2 ICE (2004) furent également dotées de MCI.

Avec l’injection directe, l’hydrogène sous pression dans la chambre de combustion, les nouvelles technologies d’allumage, le traitement des oxydes d’azote, le développement de l’infrastructure hydrogène, ces motorisations reprennent toutefois une place dans le paysage, mais c’est surtout sur des puissances importantes : véhicules utilitaires, camions, mais aussi bateaux et trains et, en statique, groupes électrogènes semblent mieux adaptés à ces moteurs.

MCI VS PAC

En effet, plus une pile à combustible est grande, plus le système devient complexe et plus les pertes sont élevées. Pour les MCI, c’est l’inverse. On privilégiera donc le MCI sur des applications de fortes puissances là où la pile n’est pas encore présente et se démarquera moins par ses performances et son coût.

Les PAC à technologie PEM sont actuellement adaptées à de petites et moyennes puissances, allant jusqu’à 600 kW unitaire. Des puissances unitaires de l’ordre du mégawatt sont en développement, mais encore absentes du marché. Les piles à combustible engendrent des températures plus basses que les MCI (qui demandent toujours du refroidissement). Bien entendu, l’avantage des PAC par rapport aux MCI reste qu’elles ne rejettent que de l’eau et aucun GES. De même, le rendement des PAC est plus élevé (de l’ordre de 50 %) que celui des MCI, ce qui nécessite d’embarquer moins d’hydrogène à bord du véhicule. Mais, sur le marché, les moteurs électriques de faibles et moyennes puissances dotés de PAC peuvent être plus facilement concurrencés par des véhicules à batterie qui, du fait des volumes, afficheront sans doute des prix plus compétitifs.

Au-delà des émissions, les PAC nécessitent des métaux rares comme le platine alors que les MCI en utilisent très peu (uniquement pour le pot catalytique qui en contient une portion faible). Autre avantage des MCI : ils bénéficient d’une industrie existante permettant un volume important et une baisse de coût rapide. C’est d’ailleurs un enjeu de reconversion industrielle pour la filière historique des motorisations thermiques. On observe ainsi que des acteurs industriels mettent en œuvre une stratégie double, comme Toyota qui pousse la pile à combustible tout en adaptant ses modèles thermiques à l’hydrogène.

Il existe donc de réelles perspectives de marché pour le MCI, de manière complémentaire à la PAC sur les très fortes puissances, mais aussi concurrentielle sur les moyennes puissances (bus, camions). Ces moteurs peuvent bénéficier de la mise en place des infrastructures hydrogène (une station hydrogène peut alimenter un bus à PAC comme un bus à MCI).

Reste, pour les MCI comme pour les PAC, la problématique du choix politique du tout électrique batterie qui pourrait freiner la mise en place d’une mobilité hydrogène.

Article réalisé en collaboration avec Karel Hubert, président du cabinet d’études hydrogène Enerka (karel.hubert@enerka-conseil.com).

À propos de l'auteur

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