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BioGNV : décarboner le transport lourd

© Romine TAndia .fr

Une solution pour décarboner tout de suite le transport lourd ? Utiliser des véhicules bioGNV. Leur bilan CO2 en analyse de cycle de vie est très performant, les véhicules sont opérationnels, les stations de distribution se multiplient. Alors que le règlement européen CO2 est en révision, la filière professionnelle du biogaz rappelle quelques fondamentaux à travers une note. Pour accélérer une transition énergétique réelle.

CO2 : analyse en cycle de vie

La confusion est fréquente entre moteur thermique et moteur à énergie fossile, jusque dans la législation européenne. Car si un moteur thermique peut utiliser des énergies fossiles, il peut aussi utiliser du bioGNV ou de l’hydrogène vert avec des bilans CO2 radicalement différents. Car un vrai bilan CO2 ne se calcule pas au pot d’échappement, mais en analyse de cycle de vie. Et le bioGNV est alors dans les meilleures places. Il ne faudrait pas que la législation passe à côté des vraies émissions de GES par erreur.

(Source : Plan de développement à 10 ans de la filière GNV-bioGNV)

Or la nouvelle réglementation européenne mesurerait le CO2 au niveau du pot d’échappement, avec une trajectoire de baisse drastique qui condamne la filière bioGNV. Pourtant, un véhicule électrique utilisant l’électricité d’une centrale à charbon ou à gaz est beaucoup plus émetteur de CO2 que le bioGNV. « Si vous ajoutez à cela un prix du gaz en très forte hausse, c’est toute une filière qui s’arrête, indique Gilles Durand de l’AFGNV. Plus personne n’investit dans des camions GNV, alors que la seule réponse d’ici à 2035 pour décarboner le transport lourd est l’usage du biométhane. Nous avons prévu un plan de déploiement à l’horizon 2033 qui permettrait d’atteindre les 120 000 poids lourds fonctionnant à 100 % au bioGNV, soit 20 % du parc actuel ! Nous demandons de favoriser l’augmentation de la production de biométhane avec un mécanisme de prix stables sur 15 ans, avec une aide de l’État pour que les transporteurs puissent investir. Nous voulons aussi que les futures réglementations tiennent compte des émissions de CO2 réelles, c’est-à-dire en analyse de cycle de vie et non au pot d’échappement. Sinon, cela ferme la possibilité pour le biométhane de venir en complément des moteurs électriques, mal adaptés au transport lourd, et à hydrogène, qui ne sont pas à maturité.

Emissions de CO2 sur le cycle de vie d’un véhicule (ACV) : positionnement du GNV. (Source : Plan de développement à 10 ans de la filière GNV-bioGNV)

Sans cette compréhension législative et cette aide, les camions et véhicules légers seront interdits dès 2040 et nous raterons la transition énergétique dans le transport, quand le tout électrique atteint déjà ses limites. C’est pourquoi toute la filière a signé une note de rappel et fait des propositions concrètes. »

Plan filière AFGNV — Croissance du parc de véhicules GNV-bioGNV sur la période 2023–2033. (Source : Plan de développement à 10 ans de la filière GNV-bioGNV)

La note

De nombreuses associations professionnelles, des collectivités et des syndicats d’énergie, acteurs économiques (producteurs, transporteurs, chargeurs, fabricants…) ont écrit une note d’explication et d’actions précises pour une reconnaissance européenne du bioGNV comme carburant décarboné en tenant compte de l’analyse de cycle de vie et non pas seulement des émissions au pot d’échappement. En effet, la confusion est fréquente entre moteur thermique et moteur à énergie fossile, or le bilan CO2 est totalement différent. La prochaine révision du règlement européen CO2 (UE) 2019/1242 pour les véhicules utilitaires lourds neufs ouvre l’opportunité de reconnaître le caractère renouvelable des biocarburants, et en particulier du bioGNV. C’est pourquoi, avec le concours d’associations, de fédérations professionnelles de chargeurs et de transporteurs, de collectivités, de syndicats d’énergie et d’acteurs économiques, l’AFGNV a rédigé une note qui plaide pour comptabiliser les émissions de CO2 des véhicules en analyse de cycle de vie. Cette note a été envoyée aux autorités françaises pour qu’elles soutiennent cette méthode auprès des institutions européennes.

La filière en danger

Signée par 57 acteurs de la mobilité, cette note propose une reconnaissance de l’efficacité du biométhane à usage carburant dans le « Règlement (UE) 2019/1242 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs ».

« Nous, associations et fédérations professionnelles, collectivités, syndicats d’énergie, acteurs économiques croyons fermement au principe de neutralité technologique et à la place du bioGNV/GNV dans un mix énergétique où chaque carburant alternatif aura un rôle à jouer. Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par le Paquet Vert européen, la Commission européenne doit promouvoir toutes les technologies pouvant décarboner efficacement le transport routier, et ne pas se limiter aux technologies dites à “émission zéro” à l’échappement. Nous reconnaissons pleinement les avantages que pourront offrir ces solutions, à condition que l’énergie qu’elles utilisent soit renouvelable ou à faible teneur en carbone. Elles ne sauraient néanmoins suffire à l’atteinte des objectifs fixés. Par ailleurs, se limiter à des technologies encore peu suffisamment matures et abordables pour répondre aux besoins des transporteurs (poids lourds et autocars notamment) conduirait à perdre du temps dans un secteur ayant besoin d’une décarbonation rapide et adaptée. En outre, une approche orientée sur une analyse “du réservoir à la roue” n’est pas cohérente avec d’autres législations européennes soutenant la décarbonation des transports, à savoir la directive sur les énergies renouvelables (RED) et la directive sur la taxation de l’énergie (ETD). »

« Afin de rétablir le principe de subsidiarité, permettant aux États membres de décider de leur mix énergétique – tant que les économies d’émissions requises sont atteintes –, et en vue d’atteindre l’objectif de l’UE de réduire les émissions du secteur des transports, nous proposons qu’une approche holistique, tirant parti des avantages de toutes les solutions de décarbonation durables disponibles soit mise en place, en priorité. Reconnu par la directive RED, le biométhane peut être utilisé comme un carburant renouvelable, contribuant à atteindre des niveaux d’émissions de CO2 en analyse de cycle de vie comparables aux émissions des véhicules électriques et à hydrogène (1). »

Projection du nombre de points d’avitaillement GNV publics nécessaires pour permettre l’augmentation du parc de véhicules. (Source : Plan de développement à 10 ans de la filière GNV-bioGNV)

D’ores et déjà mature pour un usage dans la mobilité en Europe, le biométhane soutient également le développement d’économies circulaires locales, car il est généré à partir de résidus organiques et de flux de déchets produits localement. Il contribue ainsi concrètement à l’indépendance énergétique de la France et de l’Europe : la Commission européenne, dans la communication RePowerEU récemment publiée (2), a clairement identifié le potentiel de production de biométhane et fixé un objectif de production de 35 milliards de mètres cubes pour 2030. Ainsi, complémentée à l’avenir par d’autres gaz renouvelables et bas carbone, la production de biométhane atteindra rapidement des niveaux qui permettront de répondre aux besoins de GNV du secteur du transport. Enfin, l’usage gaz dans la mobilité est pertinent pour accompagner la transition de la filière du transport et ses emplois. Le bioGNV/GNV demeure une technologie très proche de nos fondements industriels, technologiques et structurels sur l’ensemble de la chaîne de valeur du transport en France et plus largement en Europe, et contribue à maintenir et à créer de nombreux emplois. »

Recommandations

« Nous, associations et fédérations professionnelles, collectivités, syndicats d’énergie, acteurs économiques appelons ainsi les institutions françaises à soutenir les recommandations suivantes auprès des institutions européennes :

1. Harmoniser l’approche des émissions de CO2 dans toutes les politiques de transport de l’UE en passant d’une approche “du réservoir à la roue” à une approche en cycle de vie plus complète et fondée sur des données scientifiques, comme l’a évalué la Commission européenne dans sa proposition FuelEU for Maritime ;

2. Reconnaître la réduction des émissions de la mobilité apportée par le biométhane dans le cadre des Règlements CO2 véhicules européens. Plusieurs méthodes d’incorporation de carburants alternatifs peuvent être mises en place, permettant de garantir l’incorporation effective de biométhane sur la durée de vie des véhicules, et la Commission européenne doit rester ouverte à la discussion pour identifier le mécanisme le plus adéquat pour les constructeurs ;

3. Remplacer progressivement dans l’utilisation des carburants pour la mobilité les combustibles fossiles par des gaz renouvelables et bas carbone et des biocarburants produits de manière durable, comme évalué dans la directive RED.

Investir dans le bioGNV, c’est s’appuyer sur une solution disponible aujourd’hui et dans la durée pour décarboner, préserver la qualité de l’air et répondre aux besoins des transporteurs. »                       <

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