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Les éoliennes en mer entrent pour la première fois en France dans le mix énergétique

L’année 2022 a été marquée par l’un des enjeux majeurs que constitue la sécurité énergétique. Les risques géopolitiques ont pris une ampleur qui, malgré le fait qu’ils n’ont pas été sous-estimés depuis le début de la guerre en Ukraine, n’a pas permis d’éviter que l’Europe (au-delà de l’Union européenne) se retrouve dépendante des énergies fossiles de la Russie, notamment de son gaz. Depuis plus de 40 ans, les scientifiques, relayés par le GIEC, ont donné l’alerte sur le dépassement de 1,5 degré de hausse de la température qui aura des conséquences irréversibles sur la planète.

En effet, tous les continents voient progresser les effets du changement climatique sur la vie humaine et celle de la faune et de la flore terrestres et marines. L’utilisation des énergies fossiles ne fait qu’accélérer le processus avec les émissions de gaz à effet de serre et les polluants qui lui sont liés comme le soufre ou l’azote rejetés dans l’atmosphère.

Le mix énergétique et la production bas carbone

Le nucléaire, une énergie à bas carbone, n’est pas à l’abri des incidents industriels successifs qui, récemment, ont réduit considérablement la disponibilité du parc nucléaire français alors que celui-ci est considéré comme un élément clé dans la production d’électricité à l’horizon 2050 (rapport de RTE « Perspectives à 2050 »).

Les énergies renouvelables (hydroélectricité, éolien terrestre, biocarburants, solaire, biogaz…), dont la production d’électricité progresse régulièrement depuis le milieu des années 2000, subissent également des aléas. Les exemples les plus récents en sont la production hydroélectrique particulièrement touchée à la suite de la sécheresse du dernier été 2022, ou encore le réchauffement des fleuves qui ne permet plus un refroidissement suffisant des centrales nucléaires.

Pourtant, l’accélération du développement du mix énergétique avec les énergies renouvelables (EnR) se présente comme incontournable et indispensable pour lutter contre l’utilisation des énergies fossiles et notamment le charbon. Dans ce mix, les énergies marines renouvelables sont appelées à jouer un rôle important.

L’apport des énergies marines renouvelables

Après l’inauguration de l’usine marémotrice de la Rance en 1966, d’une puissance de 238 MW, la France s’apprête (23 novembre 2022) à mettre en service son premier parc éolien en mer. Implanté sur le banc de Guérande, au large de Saint-Nazaire et de La Baule, l’une des « plus belles baies du monde », le parc éolien en mer de Saint-Nazaire (codétenu par EDF Renouvelables et EIH SARL., filiale d’Enbridge Inc. et CPP Investments) entre dans le mix français. Il apportera à la production électrique française 480 MW. La production provient de 80 éoliennes Haliade de 6 MW chacune, posées en mer. Ces éoliennes ont été conçues et construites par General Electric à Montoir-de-Bretagne, à proximité de Saint-Nazaire.

Après Saint-Nazaire suivra la mise en service des prochains parcs en mer tel que prévu pour 2023 : Saint-Brieuc, détenu par Ailes Marines, filiale d’Iberdrola, puis Fécamp…

Qu’entend-on par mix électrique et mix énergétique ?

Le « mix électrique » donne une information sur l’origine de l’électricité, et donc sur les impacts de sa production sur l’environnement et le climat. Par exemple, 1 kWh d’électricité issue d’une centrale thermique au charbon émet bien plus de polluants et de CO2 que 1 kWh issu d’une usine hydroélectrique au fil de l’eau.

Il faut savoir que, pour la stabilité d’un réseau, la consommation et la production d’électricité doivent en tout temps être équilibrées. Ainsi, les producteurs et les fournisseurs d’électricité européens et suisses se vendent et s’achètent continuellement du courant, en fonction de leurs capacités de production, de la demande de leurs consommateurs, des prix de l’électricité sur le marché international, et de la disponibilité des énergies renouvelables.

En conséquence, le « mix électrique » délivré par une même prise varie constamment, aussi bien au cours d’une même journée qu’au fil des mois (source : energies- environnement.ch).

Le terme de « mix énergétique » (ou bouquet énergétique) désigne la répartition des différentes sources d’énergie primaire utilisées pour les besoins énergétiques dans une zone géographique donnée. Il inclut les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon), le nucléaire et les diverses énergies renouvelables (bois-énergie et autres bioénergies, hydraulique, éolien, solaire, géothermie et à terme l’hydrogène). Ces énergies primaires sont utilisées pour produire de l’électricité, des carburants pour les transports, de la chaleur ou du froid pour l’habitat ou l’industrie.

La composition du mix énergétique est très variable d’un pays ou d’une région à l’autre et peut évoluer fortement d’une période à l’autre (source : Planète Énergies). Afin de satisfaire ses besoins, chaque pays utilise dans une proportion différente les types d’énergies en fonction de ce dont il dispose.

Planifier est la clé

En mer, comme à terre, si ce n’est la différence fondamentale d’un espace commun en trois dimensions, le besoin croissant d’espace qui en découle nécessite la planification stratégique des usages.

Aujourd’hui, cette planification, qui relève notamment d’une directive de l’Union européenne (2014), est en apprentissage. Comme mentionné par le géographe et professeur à Nantes Université, Brice Trouillet dans un entretien donné à la revue Sésame (Inrae), « il est important d’avoir une vision d’ensemble et c’est bien ce qu’est censée faire la planification maritime. Y parvient-elle pour autant ? En 2020, j’ai passé au crible le projet de planification spatiale marine d’une quarantaine de pays : soit la planification est orientée sur les aspects environnementaux et vient habiller une stratégie autour des aires marines protégées ; soit, à l’inverse, elle vient asseoir le développement de la croissance bleue – ce qui est clairement le cas de l’Europe. Finalement, la planification ne fonctionne pas vraiment. Pensée pour concilier des objectifs parfois contradictoires, elle n’agit que dans un sens – environnement – ou dans un autre – croissance bleue. De mon point de vue, elle n’est pas l’outil intégrateur qu’elle prétend être, du moins pas encore (1) ».

En lien avec les industries maritimes, les gouvernements ont promu la Planification stratégique des espaces maritimes (PEM) comme l’instrument servant les besoins sociétaux via une organisation mieux coordonnée et efficace des espaces maritimes de plus en plus sollicités.

Dans un tel contexte, comme l’a rappelé Yves Henocque, vice-président Plan Bleu et membre du bureau de LittOcean, lors de la convention des maires de la région Sud, la question est de savoir si la PEM peut contribuer à un réel changement des pratiques. Alors que l’on assiste à une prise de conscience généralisée de la crise écologique, les pratiques de PEM peuvent-elles dépasser le simple « état de fait » (données scientifiques et techniques) en prenant aussi en compte les contextes historique et socioculturel de l’occupation de cet espace par une multitude d’acteurs ? Actuellement, la compréhension du public, y compris les acteurs du littoral, de ce qui se passe en mer est très limitée et la représentation spatiale des nouvelles activités comme l’éolien en mer commence seulement à être discutée dans les débats publics. Les modèles prédictifs d’impact des activités comme l’éolien offshore ne suffisent pas à combler l’incertitude quant à l’impact des décisions de planification sur les écosystèmes, dont la vision et la compréhension (structure et fonctionnement) sont particulièrement biaisées par l’existence des frontières totalement artificielles que sont les zones économiques exclusives. Pourtant, le développement de l’économie bleue est devenu le leitmotiv de nombreux pays, plus particulièrement à travers le développement des énergies renouvelables, de l’aquaculture, du tourisme côtier et maritime, des biotechnologies, et peut-être demain de l’exploitation des ressources marines profondes, pour l’avancement duquel la primeur est donnée aux connaissances scientifiques et à l’innovation technologique. Dans ce contexte, quelle est la part consacrée à la consultation et à l’engagement des acteurs du littoral et de la mer ainsi que du public en général ?

Comment consulte-t-on ?

Depuis le mois d’octobre 2022, deux débats nationaux ont été lancés, sur le futur mix énergétique de la France et sur la relance du nucléaire.

L’un est organisé par le gouvernement, l’autre, « Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly » (2), par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la relance du nucléaire. Pour ce dernier, Michel Badré a été désigné président de la commission particulière du débat public le 6 avril dernier. « La possibilité de débattre publiquement et collectivement de la relance du nucléaire en France, à un moment où la décision n’est pas encore prise, est inédite », s’était-il félicité.

Ces deux débats vont conditionner les choix énergétiques. Ils font suite aux annonces du président de la République, Emmanuel Macron, successivement le 10 février 2022 sur le nucléaire à Belfort, et le 11 février sur les énergies renouvelables à Brest, suivies de sa récente visite en mer, le 22 septembre, du parc éolien offshore de Saint-Nazaire (3).

Avant le 1er juillet 2023, une nouvelle loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) devra fixer les grands objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, voté en première lecture au Sénat, devrait être débattu à l’Assemblée nationale le 5 décembre prochain.

Afin de faire face à l’urgence climatique, la France s’est fixé des objectifs ambitieux : atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et devenir le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance des énergies fossiles. Pour y parvenir, la stratégie du gouvernement consiste, d’une part, à diminuer nos consommations d’énergie grâce à des mesures de sobriété et d’efficacité énergétiques, et d’autre part, à décarboner totalement notre mix énergétique grâce aux énergies renouvelables et au nucléaire.

Alors que l’atteinte de ces objectifs implique de véritables choix de société sur notre façon de consommer et de produire, de se déplacer, de se loger, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et Olivier Véran, ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement, ont lancé une concertation sur l’avenir du mix énergétique français, comme annoncé par le président de la République en février dernier. Cette concertation lancée le 20 octobre dernier est organisée selon des modalités proposées par la CNDP présidée par Chantal Jouanno, et est programmée jusqu’au 31 décembre 2022. Durant cette première phase, chaque citoyen pourra donner son avis via :

• Une plate-forme participative en ligne (https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/) ;

• Un « tour de France » avec des réunions dans chaque région, qui rassembleront le grand public, l’ensemble des parties prenantes locales, des étudiants, ainsi que des membres du gouvernement.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de presse spécialisé de notre partenaire média energiesdelamer.eu

Article de la rédaction d’energiesdelamer.eu//MerVeille Énergie

Notes

(1) « La planification maritime n’est pas encore l’outil intégrateur qu’elle prétend être », entretien avec Brice Trouillet, revue Sesame (en ligne), 17 octobre 2022. Brice Trouillet et membre du réseau européen qui réunit des scientifiques, des décideurs et des praticiens engagés dans le développement constructif de la PEM. (https://www.msprn.net/home)

(2) Débat CNDP depuis le 22 novembre 2022 (https://www.debatpublic.fr/nouveaux-reacteurs-nucleaires-et-projet-penly/qui-organise-le-debat-3368)

(3https://www.energiesdelamer.eu/2022/09/23/discours-demmanuel-macron-a-saint-nazaire ; MerVeille Énergie ; Green Innovation no 39, septembre-novembre 2022, p. 32 à 36.

* Reportage sur les Pilotes du port du Havre-Fécamp à la manœuvre pour Fécamp dans energiesdelamer.eu et Jeune Marine. Remerciements à Aymeric Avaysse et https://www.energiesdelamer.eu/2022/11/07/eolien-offshore-en-manche-reportage-sur-les-pilotes-du-havre-fecamp-a-la-manoeuvre-pour-fecamp2/

Légende de la photo en première page : Les Pilotes de la Station de Pilotage Le Havre — Fécamp ont partagé leurs compétences pour une opération hors normes, le transfert des fondations gravitaires en béton destinées au champ éolien de Fécamp d’EDF Renouvelables.*  © Jeune Marine

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