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Une nouvelle famille de matériaux pour la production solaire d’hydrogène renouvelable

L’util­i­sa­tion de l’hydrogène comme vecteur énergé­tique pour pro­duire de l’électricité et de la chaleur sur demande est une solu­tion pour le stock­age de l’énergie presque idéale dans le cadre de la lutte con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et du développe­ment durable, pour les besoins domes­tiques, dans le trans­port, ou à grande échelle dans des cen­trales de pro­duc­tion d’énergie.

En effet, com­biné avec l’oxygène de l’air, l’hydrogène per­met de pro­duire de l’énergie ther­mique ou élec­trique en ne dégageant aucune émis­sion pol­lu­ante (prin­ci­pale­ment de l’eau). C’est par exem­ple le cas dans les piles à com­bustible util­isées dans les véhicules fonc­tion­nant à l’hydrogène, qui com­bi­nent hydrogène et oxygène pour pro­duire du courant élec­trique et ali­menter un moteur électrique.

Néan­moins, l’hydrogène util­isé actuelle­ment est essen­tielle­ment pro­duit à par­tir d’énergies fos­siles, et il est donc néces­saire de trou­ver d’autres modes de pro­duc­tion décar­bonés. L’une des pos­si­bil­ités est d’utiliser directe­ment l’énergie solaire pour pro­duire de l’hydrogène à par­tir d’eau dans des cel­lules pho­to-élec­tro-chim­iques. Ces cel­lules sont com­posées de pho­to-élec­trodes, sortes de cel­lules solaires plongées directe­ment dans de l’eau qui per­me­t­tent de col­lecter l’énergie solaire, et cette énergie est util­isée pour cass­er les molécules d’eau pour for­mer des molécules d’hydrogène et d’oxygène.

Une nou­velle approche

C’est l’approche choisie par notre con­sor­tium con­sti­tué de sci­en­tifiques ren­nais, avec Nico­las Bertru et Yoan Léger (Insti­tut FOTON-CNRS, INSA Rennes) et Bruno Fab­re (Insti­tut des sci­ences chim­iques de Rennes-CNRS, Uni­ver­sité de Rennes 1), et en col­lab­o­ra­tion avec des mem­bres de l’Institut de physique de Rennes-CNRS à l’Université de Rennes 1.

Dans le tra­vail qui vient d’être pub­lié dans la revue Advanced Sci­ence, nous pro­posons d’utiliser une nou­velle famille de matéri­aux avec des pro­priétés pho­to-élec­triques tout à fait éton­nantes pour pro­duire de l’hydrogène solaire effi­cace­ment, à faibles coût et impact envi­ron­nemen­tal. Cette propo­si­tion est accom­pa­g­née de plusieurs démon­stra­tions de pho­to-élec­trodes fonc­tion­nant sous illu­mi­na­tion solaire.

Les semi-con­duc­teurs sont des matéri­aux ayant des pro­priétés inter­mé­di­aires entre les con­duc­teurs élec­triques (le plus sou­vent des métaux), et les isolants. Ces pro­priétés peu­vent être par exem­ple util­isées pour laiss­er pass­er ou non le courant élec­trique sur demande, comme dans le cas du sili­ci­um, matéri­au abon­dant et peu cher, for­mant la base de toutes les puces élec­tron­iques actuelles.

Mais elles peu­vent aus­si être util­isées pour l’émission, ou l’absorption de la lumière, comme dans le cas des semi-con­duc­teurs dits « III‑V » qui sont util­isés dans une large gamme d’applications, allant des émet­teurs laser ou LED et autres cap­teurs optiques jusqu’aux cel­lules solaires pho­to­voltaïques pour l’aérospatial. On les nomme « III‑V », car ils se com­posent d’un ou de plusieurs élé­ments de la colonne III et de la colonne V du tableau péri­odique de Mendeleïev.

Si ces matéri­aux « III‑V » sont très per­for­mants, ils sont aus­si égale­ment plus coû­teux. C’est dans ce con­texte que de nom­breux chercheurs ten­tent depuis les années 1980 de dépos­er de très fines couch­es de ces matéri­aux sur des sub­strats de sili­ci­um pour obtenir de hautes per­for­mances optiques, néces­saires pour garan­tir pas exem­ple une bonne absorp­tion du ray­on­nement dans une cel­lule solaire, ou pour garan­tir une émis­sion de lumière effi­cace dans un laser, tout en réduisant ain­si dras­tique­ment le coût de fab­ri­ca­tion et l’empreinte envi­ron­nemen­tale des com­posants développés.

L’un des prin­ci­paux prob­lèmes de cette approche était lié à l’apparition de défauts cristallins dans le matéri­au semi-con­duc­teur, c’est-à-dire à la présence d’un ou de plusieurs atom­es mal posi­tion­nés par rap­port à l’arrangement par­faite­ment réguli­er que devraient idéale­ment avoir les atom­es du cristal. Cela a pour con­séquence de dégrad­er les per­for­mances des lasers ou des cel­lules solaires ain­si dévelop­pées, et c’est pourquoi les efforts en recherche por­taient essen­tielle­ment sur la réduc­tion ou la sup­pres­sion de ces défauts.

A con­trario, notre équipe a démon­tré que ces irrégu­lar­ités du cristal, con­sid­érées usuelle­ment comme des défauts, avaient des pro­priétés physiques très orig­i­nales (des inclu­sions avec un car­ac­tère métallique), qui pou­vaient être util­isées effi­cace­ment pour la pro­duc­tion d’hydrogène solaire, et pour bien d’autres appli­ca­tions photo-électriques.

De sur­prenantes propriétés

Notre tra­vail mon­tre donc que la présence de parois d’antiphase (l’acronyme anglais « APB » est util­isé sur l’illustration), qui sont des défauts cristallins bien spé­ci­fiques inver­sant locale­ment l’arrangement des atom­es dans les matéri­aux III‑V déposés sur sili­ci­um, leur con­fère des pro­priétés physiques tout à fait remar­quables et sans précé­dent. En par­ti­c­uli­er, nous mon­trons que ces parois se com­por­tent locale­ment (à l’échelle atom­ique) comme des inclu­sions métalliques, dans un matéri­au qui est, lui, semi-conducteur.

Cela per­met au matéri­au d’être à la fois pho­to-act­if (absorp­tion de la lumière et con­ver­sion en charges élec­triques), et métallique locale­ment (trans­port des charges élec­triques). Plus sur­prenant encore, le matéri­au peut con­duire à la fois les charges pos­i­tives et néga­tives (car­ac­tère ambipo­laire). Dans ce tra­vail, une preuve de con­cept est présen­tée à tra­vers la réal­i­sa­tion de plusieurs pho­to-élec­trodes III‑V/Si (cf. pho­tos de la fig­ure ci-dessous) pour la pro­duc­tion d’hydrogène solaire, avec des per­for­mances com­pa­ra­bles aux meilleures pho­to-élec­trodes III‑V con­ven­tion­nelles, mais avec un coût de pro­duc­tion et un impact envi­ron­nemen­tal beau­coup plus faibles du fait de l’utilisation du sub­strat de silicium.

Pour l’instant, ces échan­til­lons ont per­mis de pro­duire de l’hydrogène à l’échelle de la cel­lule de lab­o­ra­toire, mais il sem­ble pos­si­ble d’imaginer que si la sta­bil­ité de ces matéri­aux est améliorée, elles pour­ront, dans le futur, servir de sub­strat pour une con­ver­sion de l’énergie solaire en hydrogène à plus grande échelle.

De nou­velles pro­priétés pour de nou­velles applications

Dans cette étude, la démon­stra­tion de pho­to-élec­trodes pour la pro­duc­tion d’hydrogène solaire per­met d’une part de mieux appréhen­der les pro­priétés du matéri­au, et d’autre part de valid­er son appli­ca­tion dans un sys­tème fonc­tion­nel. Mais, au-delà de cette appli­ca­tion démon­trée, les pro­priétés intrin­sèques de cette nou­velle famille de matéri­aux, qui peu­vent être élaborés assez sim­ple­ment, per­me­t­tent aus­si d’envisager de nom­breuses autres appli­ca­tions. La capac­ité du matéri­au à con­ver­tir effi­cace­ment la lumière en charges élec­triques en fait par exem­ple un can­di­dat de choix pour les cel­lules solaires pho­to­voltaïques, ou les cap­teurs optiques. Ses pro­priétés de trans­port des charges élec­triques et de con­duc­tion anisotrope pour­raient être util­isées pour l’électronique et le cal­cul quan­tique. Enfin, les phénomènes physiques liés à la lumière et au courant élec­trique se déroulant à l’échelle nanométrique, ce matéri­au pour­rait aus­si être con­sid­éré pour envis­ager de nou­velles archi­tec­tures pho­toniques intégrées.

L’ar­ti­cle a été pub­lié sur le site : theconversation.fr

À propos de l'auteur

Charles Cornet

Professeur des universités en physique des matériaux, INSA Rennes.

À propos de l'auteur

Gabriel Loget

Senior research scientist, Université de Rennes 1.

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