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Hydrogène bas carbone 

Au rythme actuel des pro­jets déclarés, l’objectif de la stratégie nationale hydrogène établi à 6 500 MW de pro­duc­tion en France à l’horizon 2030 pour­rait être atteint, voire dépassé. Le poten­tiel de pro­duc­tion estimé se situe, en ter­mes de ton­nages, sur la tra­jec­toire du scé­nario Ambi­tion+ avec env­i­ron 1 070 000 tonnes d’hydrogène à 2030. L’électrolyse est très large­ment priv­ilégiée par les acteurs de la fil­ière (à plus de 95 %), mais au moins une dizaine de pro­jets d’écosystèmes reposent sur la pyrogazéi­fi­ca­tion de bio­masse (avec la tech­nolo­gie d’Haffner par exem­ple), autre tech­nique de pro­duc­tion per­me­t­tant de s’intégrer dans une dynamique d’économie cir­cu­laire. D’autres modes de pro­duc­tion sont en cours de recherch­es ou de démon­stra­tion comme cette intéres­sante ini­tia­tive de pro­duc­tion d’hydrogène par bac­térie dévelop­pé par Athé­na Recherche.

Ce déploiement doit s’accompagner d’une réflex­ion sur les ressources en fonci­er, en eau et surtout en énergie.

Côté fonci­er : les sta­tions de dis­tri­b­u­tion et les usines de pro­duc­tion ont besoin de sur­face au sol pour s’implanter. À titre d’exemple, une sta­tion de recharge pour une flotte de plusieurs dizaines de bus a une empreinte au sol moyenne com­prise entre 900 et 1200 m2. De plus, les sur­faces néces­saires au développe­ment de la fil­ière hydrogène se trou­vent régulière­ment dans des espaces déjà sous con­trainte, avec par­fois des régle­men­ta­tions spé­ci­fiques : zones indus­trielles dens­es, espaces por­tu­aires ou aéro­por­tu­aires, aggloméra­tions, etc. La disponi­bil­ité du fonci­er est donc une forte con­trainte pour les pro­jets de la fil­ière hydrogène.

Con­cer­nant les ressources en eau pour l’électrolyse, les prélève­ments et la con­som­ma­tion d’eau générés par la pro­duc­tion d’un mil­lion de tonnes d’hydrogène renou­ve­lable et bas car­bone sont com­pris entre 10 et 20 mil­lions de mètres cubes d’eau. En com­para­i­son des niveaux de prélève­ment et de con­som­ma­tion d’eau totaux en France, ces scé­nar­ios représen­tent moins de 0,1 % des prélève­ments et moins de 0,2 % de la con­som­ma­tion d’eau. De tels niveaux sont donc sig­ni­fi­cat­ifs, mais pas par­ti­c­ulière­ment mas­sifs à l’échelle de la France, ain­si qu’à celle du secteur de l’énergie qui représente la moitié des prélève­ments totaux et le tiers de la con­som­ma­tion en France. L’impact de la fil­ière hydrogène sur le stress hydrique n’est donc pas prépondérant à l’échelle nationale, mais les spé­ci­ficités ter­ri­to­ri­ales et saison­nières doivent faire l’objet de la plus grande atten­tion, notam­ment pour les risques d’impact sur la chaine d’approvisionnement de la pro­duc­tion d’hydrogène.

Élec­tric­ité bas car­bone ou verte 

Toutes les méth­odes de pro­duc­tion seront toute­fois néces­saires pour attein­dre les objec­tifs fixés par la France et l’Union européenne. Mais l’électrolyse étant pour le moment la prin­ci­pale source de pro­duc­tion d’hydrogène, reste à voir quelle ressource élec­trique est néces­saire à cette production.

Pour pro­duire plus d’un mil­lion de tonnes d’hydrogène par an à l’horizon 2030, en con­sid­érant que la pro­duc­tion poten­tielle de plus de 1 mil­lion de tonnes d’hydrogène renou­ve­lable et bas car­bone se ferait majori­taire­ment par élec­trol­yse, cela requiert plus de 50 TWh d’électricité, soit 10 % de la con­som­ma­tion totale d’électricité prévue par RTE dans son scé­nario de référence (M23) à 2030 (500 TWh), ce qui représente une part non nég­lige­able d’électricité allouée à la pro­duc­tion d’hydrogène. Il est donc néces­saire de favoris­er la pro­duc­tion d’hydrogène par élec­trol­yse à par­tir du réseau élec­trique français, d’accélérer le déploiement des éner­gies renou­ve­lables (EnR) mais aus­si de soutenir la val­ori­sa­tion de la bio­masse et des déchets afin de diver­si­fi­er les modes de pro­duc­tion d’hydrogène et les intrants néces­saires. Mais la seule élec­tric­ité renou­ve­lable ne sera pas suff­isante, c’est pourquoi attein­dre ces objec­tifs sup­pose de per­me­t­tre l’usage de l’électricité bas car­bone, autrement dit l’électricité d’origine nucléaire. Comme nous le ver­rons plus loin, cet aspect pri­mor­dial demandé par France Hydrogène est actuelle­ment en plein cœur des enjeux de la direc­tive RED 3 et de la direc­tive gaz et hydrogène.

Source : Par­lons hydrogène ! © France Hydrogène

Source : Par­lons hydrogène ! © France Hydrogène

Recom­man­da­tions de la filière

L’étude illus­tre le dynamisme des acteurs de la fil­ière hydrogène – indus­triels et ter­ri­toires — et la diver­sité des approches adop­tées dans le cadre des pro­jets. La tra­jec­toire de déploiement est en ligne avec les objec­tifs de la stratégie nationale hydrogène avec un scé­nario cor­re­spon­dant à « l’Ambition+ » à 2030. Néan­moins, les pro­jets dévelop­pés sur l’ensemble du ter­ri­toire nation­al dans le cadre d’écosystèmes ter­ri­to­ri­aux et recen­sés dans cette étude sont, pour nom­bre d’entre eux, con­di­tion­nés par la mise en œuvre d’un cadre lég­is­latif et régle­men­taire com­plète­ment défi­ni et sta­bil­isé. Pour réalis­er la tra­jec­toire 2030, la fil­ière pro­pose de met­tre en œuvre en pri­or­ité les recom­man­da­tions suivantes :

- Sécuris­er l’approvisionnement en énergie pri­maire et les con­di­tions pour une pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné compétitive.

- Met­tre en place un cadre prop­ice au développe­ment des usages de l’hydrogène pour le trans­port routi­er. Cet effort est néces­saire pour adress­er l’ensemble des seg­ments et typolo­gies d’usages, relever le défi de la mise en place des zones à faibles émis­sions mobil­ités (ZFE‑m), en com­plé­men­tar­ité avec les véhicules à bat­terie ; et trans­former l’essai des investisse­ments indus­triels stratégiques réal­isés par l’État sur les équipemen­tiers de la mobil­ité routière hydrogène dans le cadre de la pre­mière vague PIIEC Hy2Tech. À ce titre, France Hydrogène pro­posera début 2023 une com­bi­nai­son de dis­posi­tifs com­plé­men­taires visant à déclencher la com­mande des 50 000 pre­miers VUL à hydrogène d’ici fin 2026. Cela impli­quera notam­ment de met­tre en place des modes de coor­di­na­tion de la com­mande publique et privée dans des logiques d’achat groupé.

- Accélér­er le déploiement des éner­gies renou­ve­lables et péren­nis­er les capac­ités de pro­duc­tion d’électricité bas car­bone. Des sché­mas d’approvisionnement et de con­trac­tu­al­i­sa­tion de long terme doivent être élaborés afin de don­ner vis­i­bil­ité, sécu­rité et assur­er une pro­duc­tion d’hydrogène compétitive.

- Établir un cadre inci­tatif pour faire décoller les pro­jets hydrogène de taille inter­mé­di­aire de pro­duc­tion (10 à 50 MW) comme d’usages, mail­lons essen­tiels et par­ti­c­ulière­ment per­ti­nents du développe­ment de l’hydrogène par bassins. Cela passe en pre­mier lieu par une con­cep­tion du mécan­isme de sou­tien à la pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné adap­tée et ne créant pas un dés­inci­tatif à l’investissement dans ce type de projets.

- Diver­si­fi­er les voies de pro­duc­tion d’hydrogène décar­boné pour aug­menter la résilience de notre sys­tème, sa capac­ité d’approvisionnement à terme en énergie pri­maire, et sa com­péti­tiv­ité. L’intégration des modes de pro­duc­tion d’hydrogène par bio­masse ou déchets dans les dif­férents appels à pro­jets et mécan­ismes de sou­tien est à ce titre essen­tielle, tout comme le développe­ment simul­tané de dif­férents mod­èles de rac­corde­ment des élec­trol­y­seurs, per­me­t­tant de mobilis­er des gise­ments inex­ploités d’énergies renou­ve­lables (ter­restres et/ou marines).

- Accélér­er la plan­i­fi­ca­tion et la con­struc­tion des infra­struc­tures de trans­port et stock­age d’hydrogène, notam­ment trans­frontal­ières, et ce, en artic­u­la­tion avec le plan CCUS ain­si que la plan­i­fi­ca­tion de la décar­bon­a­tion de l’industrie par grandes zones indus­tri­a­lo-por­tu­aires et flu­viales, annon­cés par le Prési­dent de la République le 8 novem­bre 2022.

- Finalis­er la mise en place du cadre régle­men­taire, enjeu majeur pour le démar­rage des pro­jets et la prise de déci­sions d’investissements.

 

À propos de l'auteur

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