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Les couleurs de l’hydrogène 

Lorsque l’on parle d’hydrogène, on associe souvent la molécule à une couleur, alors que celle-ci est incolore dans la nature. Cette couleur correspond en fait à la fois au mode de production de la molécule, mais aussi à l’énergie primaire utilisée par ce mode de production. Ces deux éléments déterminent l’empreinte carbone de la molécule produite et la couleur que l’on attribue alors à l’hydrogène.

Le tableau ci-après synthétise ainsi les couleurs de l’hydrogène. Pour le mettre à jour, il serait nécessaire d’ajouter un process dans l’hydrogène vert (à côté de la thermolyse de la biomasse), celle de la technologie « biologique », pour inclure les nouveaux process de production d’hydrogène très bas carbone à partir de bactéries.

Pour le reste, on constate que la production par électrolyse peut être verte, rose ou jaune… selon la source de production de l’électricité utilisée pour produire l’hydrogène. Jaune pour le réseau électrique français ; gris ou noir pour l’allemand (centrale charbon, et à gaz). Enfin, l’hydrogène bleu correspond à une production d’hydrogène gris, mais avec un captage du CO2 qui de ce fait diminue l’empreinte carbone. 

Il serait cependant intéressant de placer la couleur de l’hydrogène plus largement dans un contexte d’économie circulaire en analysant un cycle de vie plus large de la production à l’usage, y compris l’usage des sous-produits.

Directives UE : réussir le déploiement

En parallèle, il est indispensable de garantir au niveau européen un traitement équitable de l’hydrogène bas-carbone avec l’hydrogène renouvelable, disposition pivot pour la reconnaissance de la légitimité de la stratégie hydrogène française. À ce titre, les cibles européennes d’utilisation d’hydrogène renouvelable définies dans la directive révisée sur les énergies renouvelables, RED 3, doivent pouvoir être ouvertes à l’hydrogène bas carbone. De la même manière, les critères de production doivent être appliqués uniformément à l’hydrogène produit domestiquement, et à l’hydrogène importé (renouvelable comme bas carbone). 

Une décision de l’UE en décembre semble aller dans ce sens avec un accord politique sur la mise en place d’un dispositif permettant d’appliquer aux importations de produits polluants (comme l’acier ou le ciment par exemple) les règles du marché européen du carbone, qui impose aux industriels européens d’acheter des quotas d’émission de dioxyde de carbone (CO2), autrement dit des « droits à polluer ».

Cet accord sur un « mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières » s’appliquera au fer et à l’acier, au ciment, à l’aluminium, aux engrais et à l’électricité mais aussi à l’hydrogène. L’arrêté sur les définitions de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, le décret sur les garanties d’origine et de traçabilité de l’hydrogène, ainsi que le décret portant application de l’inclusion de l’hydrogène bas-carbone dans la TIRUERT (après le 1er janvier 2023), sont vivement attendus par la filière.

Des clarifications et adaptations au cadre ICPE applicable aux installations d’hydrogène sont également attendues. Cela implique d’abord l’instauration d’un seuil à 6 MW sous lequel les projets de production par électrolyse (ICPE 3420) ne seraient pas soumis à une évaluation environnementale, et la création d’un régime d’enregistrement (autorisation simplifiée) au-delà d’une tonne stockée pour l’ICPE 4715 (réglementation relative au stockage d’hydrogène). De manière plus générale, les seuils applicables et procédures afférentes doivent être adaptés aux nouveaux usages de l’hydrogène, suivant les recommandations du « Pack réglementaire » en cours d’élaboration.

Électricité bas carbone

Ce que demande France Hydrogène c’est que dans les directives et lois concernant l’hydrogène (RED 3, mais aussi la directive gaz et hydrogène) soit prise en compte la production bas carbone induite par l’électricité nucléaire et donc l’empreinte carbone réelle de la production électrique française pour les électricités dites renouvelables (éolien, solaire) qui, malgré leur déploiement, ne suffiront pas à fournir l’énergie nécessaire aux objectifs de production d’hydrogène.

« La directive RED 3 concerne le déploiement des énergies renouvelables. Nous souhaitons que soit pris en compte dans cette directive l’hydrogène électrolytique dans son ensemble et pas seulement l’hydrogène dit “vert” ainsi que ses dérivés, notamment les carburants et l’ammoniac de synthèse. C’est en cours de discussion entre Parlement et conseil », nous indique Simon Pujau, en charge des relations institutionnelles à France Hydrogène. « Nous agissons pour faire reconnaitre l’électricité bas carbone pour que nous puissions faire tourner les électrolyseurs 24/24 h, 365 jours par an, soit plus de 8000 heures par an. Nous demandons avec 7 autres pays d’avoir un libre choix de process technologique de production d’hydrogène, par l’électricité verte, mais aussi celle du réseau qui en France est très décarboné grâce au nucléaire. La présidence tchèque actuelle se montre favorable et nous attendons des décisions dans ce sens début 2023. Pour l’éligibilité optionnelle de l’hydrogène bas carbone nous pensons l’obtenir par la directive hydrogène et gaz (qui doit définir le seuil). Cette ouverture est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par l’UE. »

Comme l’indiquait Anne-Sophie Corbeau, chercheuse au Center on Global Energy Policy at Columbia lors de la conférence Horion hydrogène : « Aux USA, leur objectif est de produire de l’hydrogène, sans se soucier de la manière dont il est produit. Si on veut un développement de la chaine de valeur, on doit ouvrir à toutes les productions, sinon on ne sera pas compétitif dans l’UE. Pour atteindre les objectifs européens de 10 millions de tonnes, il faudra 500 TWh, c’est impossible sans l’électricité nucléaire ». « L’électrolyse, c’est le goulet d’étranglement de l’hydrogène », indique Gauthier Martin, avocat à la Cour, Partner à Clifford Chance. « Si on empêche l’usage de l’électricité nucléaire, on ne pourra pas déployer la filière. Les USA et la Chine s’en chargeront ! »

Captage de CO2 et cimenteries

Il est à noter qu’aux États-Unis, le déploiement ne distingue pas le mode de production : toutes technologies seront encouragées et aidées en tenant compte des émissions de CO2. Une approche beaucoup plus simple et pragmatique que les complexes réglementations européennes. Une approche également plus ouverte aux nouvelles technologies et autres innovations.

Autre point clé, la production d’hydrogène industriel associé au captage et mieux encore à l’utilisation de CO2 à fin par exemple de production de biocarburant. La réglementation doit absolument prendre en compte cet aspect car de très beaux projets comme celui de Vicat en dépendent. Or, la production de carburant de synthèse avec usage d’hydrogène et captage de CO2 pourrait être un maillon fort de la mobilité de demain. Pour Cécile Boyer, Directrice administrative de la direction climat de Vicat « Le process même de production du ciment libère beaucoup de CO2. L’hydrogène est pour nous une opportunité d’abattre ce CO2 pour en faire du kérosène et du méthanol de synthèse. Mais nous sommes actuellement coincés par la réglementation qui ne reconnait pas le captage du CO2 industriel, même si l’hydrogène produit est vert. Or cela pourrait rendre les cimenteries plus vertueuses. On a d’énormes besoins en carburants de synthèse ». Vicat souhaite donc que L’UE débloque cette réglementation dans ce sens.

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