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AAMF : avenir de la filière

L’Association des agricul­teurs méthaniseurs de France (AAMF) s’inquiète des nou­veaux tar­ifs revus à la baisse, de la flam­bée des coûts de pro­duc­tion et des con­traintes régle­men­taires qui pénalisent toute la fil­ière et découra­gent les por­teurs de projet.

C’est un para­doxe bien français qu’a dénon­cé, le 14 févri­er 2023, Ade­line Canac et Mau­ritz Quaak, tous deux poly­cul­teurs-éleveurs et respec­tive­ment admin­is­tra­trice et vice-prési­dent de l’AAMF (Asso­ci­a­tion des agricul­teurs méthaniseurs de France). Alors que la France ne rem­plit pas ses objec­tifs de pro­duc­tion d’énergies renou­ve­lables, qu’il y a des risques de coupures d’électricité et que l’approvisionnement en gaz est com­pliqué, la méthani­sa­tion agri­cole est au bord du gouf­fre. Les nou­veaux pro­jets sont qua­si au point mort et les per­spec­tives pour l’injection et la cogénéra­tion s’assombrissent.

Un tarif inadapté

Mau­ritz Quaak, pre­mier agricul­teur français à s’être lancé dans l’injection de bio­méthane, pointe le tarif de rachat revu à la baisse en 2020, dont l’impact com­mencera à être vis­i­ble en 2024, puisqu’il faut en moyenne trois ans entre la sig­na­ture du con­trat et l’ouverture de la vanne. « Nous con­sta­tons déjà des aban­dons sur des sites en cours de con­struc­tion et il n’y a plus de nou­veaux pro­jets dans les tuyaux, déplore Mau­ritz Quaak. Comme le nou­veau tarif n’est pas adap­té, les ban­ques sont dev­enues frileuses et les por­teurs de pro­jet n’arrivent plus à obtenir des financements. »

À cela s’ajoute un coût de pro­duc­tion en forte aug­men­ta­tion avec des charges qui ont au moins dou­blé, en par­ti­c­uli­er pour l’électricité, indis­pens­able au fonc­tion­nement d’une unité de méthani­sa­tion. « Tous les 1er novem­bre, l’indexation reval­orise le tarif, mais cela ne com­pense qu’une par­tie de la hausse du prix de l’électricité », pré­cise le vice-président.

Des inco­hérences sur la cogénération

Les per­spec­tives ne sont pas plus favor­ables pour la cogénéra­tion. Ade­line Canac, qui élève des bre­bis laitières dans l’Aveyron où le réseau de gaz est inex­is­tant, utilise son biogaz pour pro­duire de l’électricité. « Le tarif de rachat pour l’électricité pro­duite en cogénéra­tion a été défi­ni en 2016. Depuis, nous subis­sons une baisse con­tractuelle et trimestrielle de 0,7 %, pré­cise l’éleveuse. Plus on pro­duit, moins le tarif est intéres­sant et de toute façon, nos con­trats ne sont pas prévus pour pro­duire plus de 499 kWé (kilo­watt élec­trique). Sur mon exploita­tion, nous avons la pos­si­bil­ité de pro­duire davan­tage, par exem­ple pen­dant les péri­odes de fortes ten­sions sur le réseau, mais notre con­trat ne nous en donne pas la pos­si­bil­ité. Il nous inter­dit égale­ment l’autoconsommation de l’électricité pro­duite. Avec toutes les con­traintes actuelles, c’est bien sim­ple, il n’y a plus de pro­jets de cogénération. »

Des deman­des claires

L’AAMF sol­licite désor­mais le sou­tien des élus et de l’administration pour sauver cette fil­ière à fort poten­tiel. « Si on ne fait rien, on va enter­rer la méthani­sa­tion agri­cole, insiste Mau­ritz Quaak. Le gou­verne­ment et les élus ne par­lent que d’éolien et de pho­to­voltaïque, deux éner­gies inter­mit­tentes. La méthani­sa­tion est la seule à réalis­er ses objec­tifs de la PPE (pro­gram­ma­tion pluri­an­nuelle de l’énergie). »

Le bio­méthane et l’électricité verte coû­tent aujourd’hui moins cher que les solu­tions fos­siles et l’importation. « Si on con­tin­ue sur cette ligne, on pour­ra sub­stituer ce qui est importé de Russie par le gaz vert », pré­cise l’agriculteur, qui rap­pelle aus­si que la pro­duc­tion des méthaniseurs est aujourd’hui équiv­a­lente à celle d’une cen­trale nucléaire.

Pour soutenir la fil­ière de l’injection, l’AAMF demande de repren­dre les élé­ments du mod­èle de 2011, en par­ti­c­uli­er au niveau du tarif. Pour la cogénéra­tion, Ade­line Canac insiste sur la néces­sité de gel­er la décrois­sance du prix de 0,7 % par trimestre et de revenir sur le tarif de 2016. Enfin, les cogénéra­teurs souhait­ent obtenir l’autorisation de pro­duire plus de 500 kWé si leur instal­la­tion le per­met et être en mesure de le ven­dre aux opéra­teurs privés, de gré à gré. La balle est main­tenant dans le camp du gouvernement.

En par­al­lèle, Jean-François Delaitre, prési­dent de l’AAMF, a tenu lors du salon de l’agriculture à alert­er sur « le manque actuel de vis­i­bil­ité de la fil­ière et la néces­sité de définir un cadre économique favor­able. Le cadre lég­is­latif a récem­ment évolué dans le bon sens, mais il devient urgent d’obtenir des avancées régle­men­taires sup­plé­men­taires pour faire émerg­er de nou­veaux sites de pro­duc­tion de gaz vert. Il est aus­si impor­tant de réfléchir à l’avenir de l’ensemble des sites de cogénéra­tion et de recon­naître dans les cadres lég­is­lat­ifs l’importance de la val­ori­sa­tion des efflu­ents d’élevage et des CIVEs au regard des enjeux énergé­tiques et cli­ma­tiques (décar­bon­a­tion). » 

Risque d’arrêt brutal

Bio­méthane : la dynamique a été soutenue en 2022 mais pour­rait se grip­per en 2023. 514 sites de méthani­sa­tion injectent dans les réseaux gaziers à fin 2022 (+149) dont 63 dans le réseau de GRTgaz (+17). La capac­ité annuelle de pro­duc­tion est de 9 TWh/an en 2022, soit +2,5 TWh/an qu’en 2021. Les sites rac­cordés ont pro­duit 70 TWh de gaz renou­ve­lable en France, au-delà des objec­tifs PPE (cible 6 TWh en 2023). Mais un risque de blocage existe avec seule­ment 77 nou­veaux pro­jets inscrits dans le reg­istre en 2022 dans l’attente de nou­veaux dis­posi­tifs de soutien.

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