La Normandie est la première région productrice et consommatrice d’hydrogène. C’est pourquoi elle s’est tournée dès 2016 vers la mise en place d’une filière d’hydrogène décarbonée. État des lieux et perspectives sur ce territoire à fort potentiel.
Décarboner l’industrie et la mobilité lourde
Avec son industrie chimique et pétrochimique, la Normandie produit un tiers de l’hydrogène français et en est la première consommatrice. Grâce à son réseau d’entreprises spécialisées, la région possède donc un solide socle de compétences dans la production, le stockage et l’utilisation de cette molécule. Dans le même temps, les enjeux de décarbonation de son industrie sont très importants. C’est pour ces raisons que la Région Normandie s’est positionnée très tôt pour planifier le déploiement d’une nouvelle filière d’hydrogène décarboné. En parallèle à son industrie, la Normandie est aussi une région qui génère beaucoup de flux logistiques. Haropa Port, grand port fluvio-maritime de l’axe Seine regroupant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, est le quatrième port Nord européen en tonnage de marchandises. Les transports sont ainsi le deuxième secteur principal de décarbonation pour la région. Le lancement du projet EAS-HyMob dès 2016 a donc posé le premier jalon pour amorcer le développement de cette nouvelle filière sous l’angle de la mobilité.
La Normandie a été la 1re région française à voter une feuille de route définie en concertation avec l’ensemble des parties prenantes en octobre 2018, cela s’est traduit par la mise en place du Plan Normandie Hydrogène. Ce plan porte l’ambition de créer une nouvelle filière hydrogène décarboné en axant ses priorités sur la décarbonation de l’industrie et la mobilité lourde (terrestre, fluviale et maritime). La Région, en lien avec les pôles et filières, s’est ainsi mise en ordre de marche pour proposer un cadre fédérateur afin de favoriser et accompagner le développement des usages hydrogène sur le territoire.
Territoire précurseur sur toute la chaine de valeur
L’écosystème d’acteurs mobilisés autour du Plan Normandie Hydrogène a permis de déployer de premiers démonstrateurs de mobilité. Ainsi, un maillage opérationnel de 9 stations hydrogène pour véhicules légers a été mis en place avec le projet EAS-HyMob. Le projet Road a quant à lui permis de concevoir et tester un premier camion frigorifique fonctionnant à l’hydrogène dès 2019. Grâce au projet Nomad Car Hydrogène piloté par Transdev, un premier car rétrofité hydrogène sera déployé sur la ligne express Rouen-Evreux. Le retour d’expérience permettra d’étendre cette technologie sur d’autres lignes interurbaines.
Les premiers écosystèmes territoriaux se développent, notamment autour de Rouen et Le Havre avec des usages initiés par le déploiement de bus et bennes à ordures hydrogène (projets Rouen Vallée Hydrogène et Le Havre hydrogène) et de projets d’envergure comme le projet Air Liquide Normand’Hy qui prévoit l’implantation d’un électrolyseur de 200 MW dans la zone industrielle de Port-Jérôme. Ce dernier, sélectionné dans le cadre européen des PIIEC (Projets Importants d’Intérêt Européen Commun), devrait être mis en service en 2025 et produire 28 000 tonnes/an d’hydrogène renouvelable.
Le développement de la filière repose également sur la structuration de la recherche et de l’offre de formation. Côté formation, un diagnostic a été mené dès 2018 avec le lancement de l’étude H2 Académie porté par Caux Seine Agglo, cette démarche est complétée par le projet H2 neutralité carbone lauréat de l’AMI du gouvernement « Compétences et métiers d’avenir ». Sur le volet recherche et développement, des acteurs importants comme Arkéma, également retenu dans le cadre du PIIEC « Hy2Tech » travaille sur les matériaux composites pour piles à combustible et réservoirs d’hydrogène.
Consolider les écosystèmes et structurer l’économie de l’hydrogène autour de projets grandes échelles
Les bases de la filière ont été posées au cours des 5 dernières années, l’objectif est maintenant la consolidation et surtout le changement d’échelle pour assurer un modèle économique viable. Pour cela, la Normandie s’appuie sur ses atouts. La présence de hubs industrialo-portuaires situés en basse vallée de Seine en est un. Ils vont constituer le terreau pour la mutualisation et la massification des usages du fait de leurs besoins importants en hydrogène et serviront de colonne vertébrale pour structurer l’économie hydrogène.
La Région Normandie va également s’appuyer sur la collaboration interrégionale pour se connecter aux autres territoires. Elle travaille déjà en lien étroit avec la Région Île-de-France. Un premier AMI conjoint a été lancé en 2021 pour accélérer le développement des applications hydrogène fluviales. Les deux régions lancent par ailleurs, cette année, une étude commune pour élaborer des scénarios de déploiement de l’hydrogène en vallée de Seine.
Enfin, la mobilisation des fonds européens permettra de financer les déploiements. La Région est pour cela bien positionnée : elle copilote, avec les Régions Auvergne-Rhône-Alpes, Aragon (Espagne) et de les Pays-Bas du Nord un partenariat européen regroupant 60 régions : l’H2Valleys partnership. La Région Normandie est également partie prenante du pilier régional d’Hydrogen Europe et Normandie Université membre de l’association Hydrogen Europe Research.
