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Biogaz Vallée : biodéchet, CPB, BPA

Lors de la 11e convention d’affaires de Biogaz Vallée qui s’est tenue à Troyes les 28 et 29 novembre 2023, une table ronde a permis de poser les enjeux des biodéchets dans la filière méthanisation, mais aussi des BPA (Biogas Purchase Agreements) et des CPB (Certificats de production de biogaz). L’avenir de la filière se dessine aujourd’hui.

Comme le rappelait en ouverture de la convention d’affaires Jean-Philippe Burtin, président de Biogaz Vallée, « notre stratégie est d’être ouvert à tous les gaz renouvelables, quel que soit le gisement et d’échanger plus encore avec les collectivités qui sont au cœur du déploiement de notre filière qui produit de l’énergie renouvelable sur le territoire et est créatrice d’emplois locaux. Avec en juin 1046 sites en cogénération et 591 en injection, toute la filière s’est mobilisée et a dépassé les objectifs de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), avec près de 11 TWh/an. Après deux années de difficultés liées à l’inflation, la filière a pu obtenir une meilleure tarification et une meilleure prise en compte des enjeux positifs des biogaz auprès des autorités nationales, même si des actions restent à mener ». J.-Ph. Burtin a aussi remercié pour leur persévérance les partenaires de l’événement Grdf, Grtgaz, France Gaz, l’Aamf, l’Amge, l’Afgnv, la FNCCR, la région Grand Est et le département de l’Aube.

En 2030, 20 % de biogaz

« Biodéchets, PPE, CPB, BPA, cap sur 20 % de gaz renouvelables en France en 2030 », la première table ronde a posé la place de la filière dans les territoires, avec la volonté d’atteindre l’objectif crucial de gagner en autonomie énergétique. Chargé de mission biomasse à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (DREAL) de la région Grand Est, Maud Berger, qui représentait aussi le ministère de la Transition écologique, a rappelé les ambitions de l’État : « Le biogaz a une part importante à prendre dans la stratégie énergie 2024–2028. Pour atteindre la neutralité CO2 à terme, l’objectif est d’atteindre 51 TWh de production de biogaz en 2030. Dans ce but, cette année, de nouvelles mesures ont été prises pour relancer la filière avec l’arrêté tarifaire qui prend en compte l’inflation et qui permet une revalorisation moyenne de 12 % des tarifs et la prime biométhane autoconsommée. D’autres textes sont en cours pour prendre en compte l’autoconsommation ou la problématique de non-cumul des aides en cogénération par exemple. Des comités régionaux  de l’énergie vont être installés demain, pour un déploiement de terrain. Pour aller encore plus loin, il faut mobiliser aujourd’hui les différents gisements comme celui des déchets de collectivités et renforcer la gouvernance de la biomasse. Objectif : développer les biogaz de manière durable et maîtrisée. »

CPB, BPA, des outils de développement ?

« Dans le réseau fin 2023, 634 unités injectent du biogaz, précise Vincent Rousseau, délégué territorial nord-est de GRTGaz. Nous estimons que nous pouvons atteindre 60 TWh/an de capacité, soit 5 fois la capacité actuelle d’ici 2030, en ajoutant les biogaz de la pyrogazéification et de la gazéification hydrothermale. Chez GRTGaz, nous croyons beaucoup à la maille régionale et espérons que le biogaz sera un thème important du comité régional de l’énergie. La filière s’était assoupie il y a deux ans, notre défi est de la remobiliser. Pour cela, un soutien politique et une stabilité des mesures sont nécessaires pour donner confiance aux investisseurs. En plus d’une tarification bien indexée, l’avenir est aussi aux nouvelles mesures avec les certificats de production de biogaz (CPB). Le CPB est un dispositif qui oblige à avoir un certain pourcentage de biogaz dans le mix vendu par les distributeurs, ce qui assure un débouché à la filière. L’objectif, en discussion aujourd’hui, serait de 10 TWh en 2028. En complément, le BPA permet de sortir des tarifs d’achat en réalisant des contrats entre producteurs et consommateurs ou de continuer la vente de biogaz en sortie de contrat d’achat.

L’idéal serait que les producteurs de biogaz se regroupent à terme pour proposer aux gros consommateurs des contrats de biogaz « vert », sécurisant ainsi l’approvisionnement (mutualisation) et les tarifs pour les consommateurs en leur garantissant un verdissement de leur consommation, une manière d’assurer une sécurité également aux producteurs. Comme on l’a vu avec la montée des prix du gaz fossile, le biogaz peut aujourd’hui être non seulement compétitif mais peut aussi sécuriser les charges du poste énergie des consommateurs. »

Biodéchets : l’enjeu des collectivités

« Les biodéchets sont un enjeu complexe pour les collectivités, indique Étienne Anquetin, un ancien du syndicat des déchets de la Marne, qui supervise aujourd’hui cette problématique au sein de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) qui regroupe environ 800 ECPI de l’énergie, de l’eau et de plus en plus des déchets. Car le coût de traitement est important et les obligations du tri à la source au 1er janvier 2024 changent la donne avec une question : comment valoriser au mieux ces biodéchets ? La gestion de biodéchets est un compromis entre technique et coût de traitement. Parmi les valorisations, en parallèle au compostage, la méthanisation possède de nombreux avantages.

Le gisement brut en France de biodéchets est de 18 millions de tonnes dont 13 millions de tonnes de déchets ménagers, soit 20 TWh/an potentiels théoriques, en pratique plutôt 5 à 9 TWh/an de production de biogaz seraient réalistes. Mais nous avons besoin de travailler avec la filière de la méthanisation pour déployer des solutions optimales, avec une collecte adéquate, une bonne hygiénisation, une solution locale permettant un transport réduit (les biodéchets contiennent beaucoup d’eau), tout en travaillant sur les quantités disponibles qui ne sont pas toujours bien définies aujourd’hui. »

Pour Christian Hector qui a travaillé pour la collectivité de Sarreguemines et a récemment rejoint Troyes Champagne Métropole, l’équation est simple : produire de l’énergie locale et l’autoconsommer. « Un kg de biogaz, c’est un litre de gasoil ! Nous avons converti la flotte de l’Agglomération de Sarreguemines Confluences au biogaz pour verdir la mobilité tout en déployant un réseau de stations de distribution de GNV relié à des producteurs locaux. Aussi, 33 véhicules lourds sont passés du diesel au GNV, ce qui nous a permis d’économiser 180 k€ en 2020 et en 2021 et 100 k€ en 2022 malgré l’inflation des prix du gaz. L’analyse de la maintenance montre que l’entretien des véhicule gaz n’est pas plus coûteux. Mon objectif est d’engager le territoire vers le gaz vert et de faire de l’autoconsommation. Il reste beaucoup de questions de logistique et d’aspect réglementaire. Le BPA ne va pas assez loin pour sécuriser les tarifs à mon avis. Nous travaillons aussi sur ces sujets avec des cabinets spécialisés. »

Accueillir des biodéchets ?

Adrien Perrier, producteur de gaz vert qui vient de prendre la présidence de la branche régionale de l’AAMF, l’AMGE (Association des méthaniseurs du Grand-Est), a salué les nouveaux tarifs d’achat arrivés après le coup de massue de l’inflation. « Nous avons besoin d’une vision à long terme, ces nouveaux tarifs, l’annualisation des Cmax, le CPB, le BPA vont dans le bon sens. Le CPB en particulier pourrait aider la cogénération qui est toujours pénalisée pour aller vers l’injection. Notre objectif est que les agriculteurs gardent la main sur leur gisement de biomasse et travaillent en collaboration étroite avec les collectivités territoriales pour déployer l’énergie durable et locale qu’est le biogaz.

Côté biodéchet, il reste la problématique de microplastiques à gérer, car nos digestats retournent au sol, un sol que nous devons préserver pour les futures générations. Du travail reste à faire. »

« Il faut que les acteurs de la filière multiplient les rencontres comme ici à la convention de Biogaz Vallée, ajoute Vincent Rousseau, avec une mutualisation des connaissances et des techniques, dans une logique de déploiement local ». « De notre côté, nous devons faciliter les rencontres entre porteurs de projets et instructeurs des dossiers, poursuit Maud Berger. Les schémas régionaux biomasse énergie sont une occasion pour les régions de s’emparer de la problématique du gisement avec une meilleure gouvernance, conclut-elle en répondant à une question sur la tension sur le gisement de biomasse à l’avenir »

« Nous avons besoin des méthaniseurs pour transformer nos déchets organiques, insiste Étienne Anquetin. Une méthanisation locale constitue un excellent exutoire produisant de l’énergie renouvelable consommable sur le territoire, évitant aussi le transport de déchets sur de longues distances. Selon les volumes, les biodéchets peuvent constituer des unités autonomes ou en association avec des agriculteurs. Mais la question du retour à la terre est évidement primordiale pour les biodéchets ».

Lever les obstacles

Cependant entre théorie et réalité, du travail reste à faire. Ce que nous rappelle un intervenant dans la salle, qui gère plusieurs unités de méthanisation : « Je ne crois pas à la multiplication x 4 de la production de biogaz en l’état actuel. En effet j’ai 4 méthaniseurs et je peux vous dire qu’il existe de nombreux freins aujourd’hui à l’investissement. Le premier concerne l’acceptabilité, chaque nouveau projet est décrié, même en communiquant de l’information, on se met tout le monde à dos dans la commune. Il faudrait mener des actions avec les collectivités pour verdir notre image.

Deuxième obstacle, avec l’inflation, les coûts de construction et d’exploitation ont explosé, la rentabilité s’est fortement détériorée. Même si le côté tarif s’est amélioré, nous avons réellement besoin d’une visibilité à ce sujet, sans ajouts incessants de nouvelles normes (parfois rétroactives !), avec un déplafonnement des tarifs peut-être, pour encourager un investissement qu’il est difficile d’engager sereinement aujourd’hui. Or sans investisseur, pas de déploiement !

Un autre frein aux objectifs concerne la sécurité d’approvisionnement du gisement et son coût. Alors qu’avant on nous « donnait » des déchets, aujourd’hui il n’y a plus de « déchets » mais des « ressources » qu’il faut acheter. La course au gisement commence à faire flamber les prix. Certes les biodéchets peuvent être séduisants mais je ne suis pas favorable au vu des techniques actuelles à leur utilisation en méthanisation agricole du fait des microplastiques que nous ne pouvons pas épandre sur nos sols. Par ailleurs, quand on traite des biodéchets, le biogaz est moins rémunéré, ce qui n’est pas logique, car les déchets des collectivités demandent plus de traitement en amont. »

Les biodéchets, pour produire du biogaz, constituent donc une ressource intéressante, mais qui peut être difficile à intégrer.

À propos de l'auteur

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