Magazine Hydrogen+ Territoires H2

La Bourgogne-Franche-Comté : un territoire hydrogène

Grâce à un écosystème entreprise-recherche-formation développé depuis plus de vingt ans autour de l’hydrogène, la Bourgogne-Franche-Comté, première Région de France sur la représentation de la chaîne de valeur hydrogène, contribue activement à relever le défi de la transition énergétique.

Hydrogen+. L’hydrogène est inscrit dans les gènes de la Région, pouvez-vous nous en dire plus ?

Nathalie Loch. L’histoire démarre en 1999 avec des activités de recherche sur la pile à combustible à l’université de Technologie de Belfort-Montbéliard ainsi qu’à l’université de Franche-Comté. À partir de 2010, le temps est venu de sortir l’hydrogène des laboratoires et de faire des démonstrateurs. Cet élan a permis de réaliser un certain nombre de projets tels que la F‑City H2, première immatriculation française de véhicule à hydrogène en 2011, et également en 2014 les premières expérimentations « MobyPost » et « MobilHyTest », des petits véhicules fonctionnant uniquement avec une pile à combustible et de l’hydrogène. En 2016, nous avons obtenu la labellisation “Territoire Hydrogène” avec le projet ENRgHy comportant plusieurs projets de démonstration d’envergure à l’échelle d’un territoire, la Bourgogne-Franche-Comté. En 2019, la Région vote sa feuille de route dotée de 100 millions d’euros sur dix ans auxquels se sont ajoutés 60 millions d’euros dans le cadre du plan d’accélération de l’investissement régional. Celle-ci repose sur trois piliers : la formation, la recherche et l’industrie. L’aventure s’est depuis ancrée sur l’ensemble du territoire régional. Nous avons concrétisé depuis 2020 l’objectif de retombée économique grâce à la filière hydrogène avec un changement d’échelle et l’implantation de plusieurs entreprises, dont deux gigafactories sur le territoire représentant la création de plus de 1 000 emplois à l’horizon 2026.

Quelle est votre stratégie ?

Nous voulons contribuer à créer un véritable écosystème industriel autour de la production, du stockage et de la distribution d’hydrogène. Notre stratégie est d’avoir une chaîne de valeur la plus complète possible. Il existe un véritable consensus entre les politiques, les agences et les services de la Région, les services de l’État en Région, le pôle Véhicule du Futur, les entreprises, la formation, le FC Lab (UAR — Unité d’appui à la recherche) et la Plateforme Énergie Hydrogène de Belfort, ainsi que les laboratoires de l’UFC et de l’UTBM, et des structures impliquées et partenaires comme l’Ademe ou BPI. L’objectif commun est d’offrir un vrai soutien aux porteurs de projets et aux entreprises et de redynamiser l’activité économique et l’emploi grâce à ces nouveaux marchés.

Quels types d’entreprises sont actuellement implantés ? 

Au total, environ 100 entreprises et 2 000 emplois, une véritable synergie d’acteurs qui couvrent toute la chaîne de valeur : la pile à combustible (Inocel, Gen-Hy), les électrolyseurs (McPhy, Gen-Hy), le stockage (Forvia, Mincatec, Isthy) ou encore l’intégration dans les usages (Alstom, Stellantis, H2SYS, Gaussin…). Le tout est structuré autour d’une recherche bien implantée avec en tête de file les équipes du Femto-ST, le FC Lab, sans oublier la recherche privée développée au sein même des entreprises. Nous aurons l’occasion de tous les retrouver durant le forum Hydrogen Business For Climate organisé cette année à Belfort. 

Quelles formations proposez-vous ?

Nous proposons deux formations, quatre écoles d’ingénieurs ainsi qu’un BTS et une licence professionnelle. Le cursus de CMI Hydrogène-Énergie et Efficacité Énergétique à l’université de Franche-Comté crée en 2015 a été le premier de ce type en France. Il forme sur cinq ans aux métiers d’ingénieur en production et gestion de l’énergie. Le mastère spécialisé hydrogène énergie à l’université de Technologie Belfort-Montbéliard a quant à lui pour objectif d’acquérir une expertise et une double compétence dans le domaine de l’hydrogène-énergie ou d’approfondir ses connaissances dans un souci d’évolution de carrière. Nous avons également un projet d’École nationale de l’hydrogène dans le cadre de l’AMI CMA (Compétences et Métiers d’Avenir) lancé par l’État. Cela offrira aux industriels de la filière un véritable vivier de compétences disponibles.

Des projets innovants sont actuellement déployés, pouvez-vous nous en dire plus ?

Aujourd’hui, de nombreux projets sont financés, déployés ou en cours de déploiement. Parmi eux, les locomotives spécialisées pour le fret en Europe par Alstom afin de décarboner le transport de marchandises ; la station AuxHYGen de Hynamics qui va produire jusqu’à 400 kg d’hydrogène vert par jour grâce à l’électrolyse de l’eau pour alimenter les cinq premiers bus de la ville d’Auxerre ; le projet Dijon Métropole Smart EnergHy qui comprend quatre stations de distribution pour alimenter les futurs véhicules zéro-émission de la collectivité, à savoir une flotte de plus de 200 bus et bennes à ordures à terme. L’électrolyseur McPhy pour produire l’hydrogène sur site sera alimenté par de l’électricité provenant d’un incinérateur haute température de déchets ménagers et par des énergies renouvelables produites localement. Et dernièrement, la station hydrogène de Danjoutin, près de Belfort, qui vient d’être ouverte pour la recharge des bus H2 de la ville de Belfort dont les sept premiers ont été livrés. Par ailleurs, le moteur thermique hydrogène, un banc moteur dédié à cette technologie, a été développé par Oreca Magny-Cours. Un autre exemple est l’entreprise Gaussin qui a mis au point une plateforme modulaire pour camions routiers, le « skateboard H2 », 100 % à hydrogène.

Comment envisagez-vous le futur ?

Aujourd’hui la situation globale a changé, la décarbonation est devenue un enjeu majeur et un défi à relever tant au niveau national qu’à l’échelle européenne et mondiale. Le gouvernement va ainsi accorder une enveloppe de 4 milliards d’euros pour soutenir la production massive d’hydrogène bas-­carbone en France. Nous avons un enjeu sur les corridors TEN‑T (Trans-European Transport Network) visant à déployer des stations hydrogène le long des axes stratégiques (objectif : tous les 200 km) pour encourager le développement des flottes lourdes, notamment les camions. Cela nécessitera l’installation de sites de production d’hydrogène afin de permettre leur avitaillement avec une certaine proximité. La Bourgogne-Franche-Comté pourrait accueillir ce genre de site de production d’hydrogène. Le futur consiste également à réfléchir à l’avenir des technologies. Alors que l’on ne parlait que des piles à combustible voici quelques années, apparaissent maintenant de nombreuses diversifications technologiques, encore en développement mais qui pourraient trouver leur place dans les schémas de décarbonations et des différents usages de l’hydrogène. Par exemple le moteur thermique à hydrogène est un sujet qui intéresse beaucoup les constructeurs de véhicules. Un autre sujet foisonnant : le stockage de l’hydrogène et son transport, sous forme gazeuse compressée, ou via des hydrures métalliques (solides donc) ou en phase liquide, en tant que tel (H2) ou par le biais d’autres molécules (carrier) : méthanol, ammoniac … Le champ des « investigations » est immense !

Où pouvons-nous vous retrouver prochainement ?

Vous pouvez nous retrouver avec les entreprises de la filière lors du salon Hyvolution, à Paris, sur le pavillon Bourgogne-Franche-Comté 4N32 et les 25 et 27 juin 2024, lors des prochaines Journées Hydrogène dans les Territoires, coorganisées par la Région Bourgogne-Franche-Comté, Dijon Métropole et France Hydrogène. 

À propos de l'auteur

Nathalie Loch

Cheffe de projet Hydrogène à l’AER BFC et déléguée régionale de France Hydrogène.

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