Green Innovation. Pouvez-vous nous présenter reev en quelques mots et revenir sur son implantation récente en France ?
Julien Deleau. reev est une société de logiciels internationale basée à Munich qui propose une plateforme de supervision de bornes et d’optimisation d’énergie pour le secteur semi-public, et nous venons d’arriver sur le marché français début 2025. Notre mission est de promouvoir une mobilité durable et tournée vers l’avenir grâce à notre solution basée sur le cloud qui rend la gestion des recharges simples, l’utilisation de l’énergie efficace et qui automatise les opérations quotidiennes. Elle est conçue pour les entreprises, la logistique, l’hôtellerie-restauration, les aires de stationnement et les copropriétés.
En nous implantant en France, nous visons à rendre la eMobilité plus accessible, économique et flexible, en proposant une solution qui s’adapte aux besoins de nos clients. Avec déjà 50 000 licences vendues à travers l’Europe, notre arrivée sur le marché français, reconnu pour son dynamisme en matière de véhicules électriques et de mobilité verte, marque une nouvelle étape dans cette ambition.
Quels sont les enjeux spécifiques du marché français de la recharge électrique comparés à ceux que vous avez rencontrés en Allemagne ?
Comparée à l’Allemagne, la France bénéficie avec le nucléaire d’une électricité historiquement peu carbonée et plus stable. Cela peut freiner la prise de conscience, contrairement à l’Allemagne où la pression carbone est plus forte.
En Allemagne, les acteurs sont donc globalement plus avancés sur les sujets de pilotage énergétique, de flexibilité, et d’intégration au réseau électrique.
En France, nous sommes pour l’instant sur l’enjeu de couverture du territoire, de puissance installée et de vitesse de recharge, plutôt que sur l’intelligence d’utilisation de l’énergie et son optimisation. Mais c’est une opportunité : la France va aborder ce virage en décalé, et reev sera là pour répondre à ces enjeux, justement accompagner cette transition vers des infrastructures plus durables, plus agiles, plus rentables.
Le gouvernement vise 7 millions de bornes installées d’ici 2030. Selon vous, quels sont les principaux obstacles à surmonter pour atteindre cet objectif ?
Il existe plusieurs obstacles à cette mise en place de grande ampleur. D’une part, nous pouvons évoquer les freins spécifiques dans les copropriétés, où le vote en assemblée générale peut bloquer les projets. Les questions de répartition des coûts, d’accès aux parkings, et de gestion long terme ne sont pas toujours bien comprises.
D’autre part, la complexité des infrastructures (installation de bornes, intégration photovoltaïque, supervision) exige des compétences spécifiques, et les installateurs IRVE ont du mal à garder des personnels qualifiés.
Enfin, j’ajouterai la nécessité de prise de conscience des décideurs (entreprises et particuliers) sur l’intérêt réel des véhicules électriques. Cette volonté est déterminante pour que le modèle économique soit viable et que le déploiement devienne naturel.
En somme, le défi ne se résume pas seulement à poser davantage de bornes : il s’agit aussi de repenser la manière dont l’énergie est utilisée, distribuée et gérée à l’échelle des bâtiments, des quartiers et des collectivités.
Comment reev contribue-t-elle à éviter la surcharge des infrastructures tout en répondant à une demande énergétique croissante ?
L’une des avancées majeures sur laquelle nous nous positionnons aujourd’hui est l’Optimisation Dynamique de l’Énergie. Cette technologie permet de répartir intelligemment la puissance disponible entre les bornes, sans jamais compromettre la sécurité de l’installation, tout en tenant compte des priorités des usagers. Résultat : davantage de bornes peuvent être installées à puissance réseau équivalente, et chaque point de charge délivre en temps réel la puissance maximale possible, en fonction de la consommation du bâtiment, des autres bornes et des besoins spécifiques. En outre, notre système intelligent reev choisit le moment optimal pour effectuer la recharge, en fonction des usages des conducteurs, afin d’éviter qu’elle ne dure trop longtemps ou ne surcharge le réseau électrique.
Peut-on réellement concilier performance énergétique et maîtrise des coûts dans le contexte actuel de transition énergétique ?
Oui, concilier performance énergétique et maîtrise des coûts est possible, à condition de miser sur l’intelligence des systèmes. L’optimisation de la recharge, l’usage de l’énergie renouvelable en local, et l’intégration de la recharge intelligente permettent d’optimiser les coûts. L’investissement initial peut être maîtrisé grâce à des approches évolutives et à un cadre légal incitatif clair.
En quoi votre technologie permet-elle une automatisation efficace des opérations de recharge ?
Du point de vue du conducteur, reev permet de piloter ses recharges à distance, d’accéder à l’historique de ses transactions, de gérer ses moyens de paiements, et de voir les bornes libres.
Du point de vue de l’opérateur (entreprises, copropriétés…), reev permet notamment de gérer très simplement ses tarifs de recharges, ses groupes d’utilisateurs avec un système d’authentification, d’automatiser l’ensemble des paiements et factures de recharges.
Du point de vue de l’installateur / mainteneur des bornes, reev permet de réaliser la télé-maintenance des bornes, en allant jusqu’au dépannage automatique des stations avec notre IA Smart Recovery.
Comment les énergies renouvelables, comme le solaire photovoltaïque, s’intègrent-elles dans votre stratégie d’optimisation de la recharge ?
Grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur les toitures, les ombrières de parkings ou via des installations dédiées, nous sommes capables d’alimenter les bornes en énergie renouvelable, allégeant ainsi la pression sur le réseau principal. Ce modèle est d’autant plus pertinent que ces infrastructures, notamment sur les parkings d’entreprises, sont majoritairement utilisées en journée. Notre système intelligent de gestion énergétique permet de capter, stocker puis redistribuer cette énergie solaire au moment le plus opportun. Cela favorise l’autoconsommation, réduit la dépendance au réseau et permet de mieux maîtriser les coûts d’approvisionnement en électricité, tout en rendant les installations plus durables et résilientes.
Selon vous, quelle place la France peut-elle prendre dans l’innovation énergétique appliquée à la mobilité par rapport à ses voisins européens ?
La France peut devenir un moteur européen de la mobilité énergétique intelligente. Elle dispose d’une électricité peu carbonée, d’un tissu industriel conséquent et d’un fort potentiel solaire. Mais pour réussir, elle doit d’abord prendre réellement conscience de l’intérêt de la mobilité électrique, puis dépasser la logique du “tout infrastructure” et miser sur l’intelligence : recharge pilotée, intégration locale des énergies renouvelables, gestion dynamique de l’énergie, V2G (Vehicle to Grid ou recharge bidirectionnelle)… C’est là que se joue la durabilité réelle de la transition.
Quelles sont les prochaines étapes pour reev sur le marché français ?
En France, reev entend jouer un rôle majeur dans l’accélération de la transition vers une recharge électrique plus intelligente, plus durable et plus intégrée. A moyen terme, nos priorités sont de renforcer notre réseau de partenaires IRVE, continuer de travailler main dans la main avec les fabricants de bornes, démocratiser le smart charging grâce à notre avance technologique, valoriser l’autoconsommation photovoltaïque et accompagner nos clients en demande de simplicité.