Tourisme Durable

Club Med : quand vacances riment avec développement durable

GREEN INNOVATION : De quand date la prise en compte des fac­teurs envi­ron­nemen­taux et cli­ma­tiques dans la poli­tique de développe­ment du Club Méditer­ranée, et quels en sont les fondements ?

Agnès WEIL : On peut not­er tout d’abord que le Club Méditer­ranée con­stru­it depuis plus de soix­ante ans ses vil­lages avec un vrai souci de l’intégration paysagère, qui est aujourd’hui recon­nu, et en s’appuyant sur des principes de con­struc­tion locale ; or celle-ci est, par essence, bio­cli­ma­tique puisqu’elle utilise essen­tielle­ment des matéri­aux locaux, et est adap­tée aux cli­mats locaux. Il y a donc bien au Club Med une logique d’insertion « respon­s­able » dans les paysages et dans les con­traintes envi­ron­nemen­tales locales. D’autre part, le Club Med a sou­vent été con­duit à con­stru­ire ses vil­lages dans des endroits assez reculés et, par con­séquent, à pro­duire lui-même son eau et son énergie. Cette sit­u­a­tion nous a amenés tout naturelle­ment à avoir un rap­port à l’économie de ces ressources dif­férent, néces­saire­ment tourné vers des pra­tiques éco-respon­s­ables. Par exem­ple, la mise en place de sys­tèmes de traite­ment des eaux usées s’est déployée sys­té­ma­tique­ment dans nos vil­lages, dès les orig­ines du Club Med, et ce même quand la régle­men­ta­tion locale ne l’imposait pas. Nous avons intro­duit les pre­mières sta­tions d’épuration dans un grand nom­bre d’endroits (par exem­ple l’île Mau­rice) et la réu­til­i­sa­tion des eaux épurées sur place pour l’arrosage est dev­enue une pra­tique courante sur nos sites. Pour l’anecdote, en 1978, le plus grand champ de cap­teurs solaires « d’Europe » se trou­vait à la Mar­tinique, au Club Med des Bou­caniers. Car il ne faut pas oubli­er que l’accès à une nature préservée fait par­tie de la rai­son d’être du Club Med, depuis sa créa­tion. Aujourd’hui, nous avons au sein de nos vil­lages ou à l’échelon région­al des directeurs tech­niques qui font office de véri­ta­bles directeurs de l’environnement, avec des com­pé­tences extrême­ment pointues dans ce domaine.

Cela explique le bilan posi­tif du Club Med en matière de respect de l’environnement. Nous sommes actuelle­ment le seul groupe touris­tique ayant éprou­vé sur le ter­rain les trois labels sec­to­riels inter­na­tionaux recon­nus que sont l’Écolabel européen pour les héberge­ments touris­tiques (EE), Earth Check (EC) et Green Globe Cer­ti­fi­ca­tion (GGC). Ces labels spé­ci­fiques au tourisme reposent à la fois sur un niveau d’exigences de départ, mais aus­si sur l’établissement d’une démarche de pro­grès effi­cace sur les trois piliers du développe­ment durable (économique, social et envi­ron­nemen­tal), et béné­fi­cient d’une grande notoriété et recon­nais­sance à l’international. En octo­bre 2010, le Club Med a signé un engage­ment de parte­nar­i­at avec Green Globe et prend pour objec­tif de cer­ti­fi­er l’ensemble de ses vil­lages d’ici à 2015.

GREEN INNOVATION : En matière de trans­port, quelle poli­tique le Club Med adopte-t-il pour réduire au mieux ses émis­sions de gaz à effet de serre ?

Agnès WEIL : Lorsqu’on vend des voy­ages et des vacances, on est néces­saire­ment dépen­dant du trans­port et on ne peut pas raisonnable­ment du jour au lende­main s’en affranchir. Cepen­dant, il ne faut pas penser que nos clients emprun­tent majori­taire­ment des vols transcon­ti­nen­taux pour se ren­dre sur nos sites. En effet, plus de 90 % des voy­ages se font au sein de la même zone géo­graphique. Par ailleurs, les taux de rem­plis­sage des vols que nous affré­tons sont supérieurs à la moyenne, car nous entretenons une pra­tique anci­enne d’optimisation des vols. Nous tra­vail­lons avec les com­pag­nies aéri­ennes les plus effi­caces pos­si­bles en ce qui con­cerne la qual­ité, la sécu­rité et le respect des règles envi­ron­nemen­tales. Nous essayons de les accom­pa­g­n­er quand elles veu­lent pro­pos­er de la mul­ti­modal­ité : nous sommes par exem­ple le pre­mier parte­naire touris­tique de la SNCF et, his­torique­ment, nous avons tou­jours pro­posé des trains pour rejoin­dre les vil­lages de mon­tagne. Une autre piste vise à pro­mou­voir de plus longs séjours, notam­ment pour des des­ti­na­tions lointaines.

GREEN INNOVATION : Dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables, quelles sont les réal­i­sa­tions du Club Med ?

Agnès WEIL : La part des éner­gies renou­ve­lables au sein des vil­lages du Club Med est en crois­sance régulière, avec près de 20 % de l’électricité qui est d’origine renou­ve­lable. En trois ans, nous avons réduit notre con­som­ma­tion énergé­tique par journée d’ouverture de 16 %. À titre d’exemple, nous avons réus­si à bien maîtris­er la rigueur de l’hiver en Europe de fin jan­vi­er à avril 2011 grâce à une sen­si­bil­i­sa­tion de nos équipes et une bonne adap­ta­tion des tem­péra­tures de nos équipements en fonc­tion des vari­a­tions météorologiques.

Nous ten­tons de sen­si­bilis­er et d’influencer au mieux nos parte­naires (notam­ment ceux qui con­stru­isent nos vil­lages sur place) à ces ques­tions afin que la mise en avant des éner­gies renou­ve­lables soit partagée par tous. Mais nous atta­chons égale­ment beau­coup d’importance à la ratio­nal­ité des choix tech­niques en la matière. Nous n’optons pas pour la facil­ité de solu­tions trop sys­té­ma­tiques, comme le pho­to­voltaïque par exem­ple. Dans cer­tains endroits, le « tout solaire » est davan­tage l’expression d’une approche « gad­get », mais en réal­ité sous-per­for­mante au niveau envi­ron­nemen­tal et/ou économique. Dans cer­tains domaines, nous nous appuyons sur les pro­fes­sion­nels de l’énergie pour nous apporter leur exper­tise en matière tech­nologique. C’est notam­ment le cas d’EDF en France, avec qui nous col­laborons étroite­ment afin que l’énergie qu’il nous four­nit puisse être le plus sou­vent pos­si­ble issue d’une pro­duc­tion renou­ve­lable. C’est aujourd’hui le cas pour plus de 60 % de l’électricité que nous four­nit EDF en France.

GREEN INNOVATION : La stratégie d’implantation géo­graphique du Club Méditer­ranée intè­gre-t-elle les risques à venir en matière cli­ma­tique (mon­tée des eaux, déser­ti­fi­ca­tion, oura­gans, etc.) ?

Agnès WEIL : Le Club Med a engagé ces dernières années un impor­tant tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion, de for­ma­tion et d’accompagnement de toutes ses équipes sur ce sujet. Nous tra­vail­lons en trans­ver­sal­ité, notam­ment avec les équipes chargées du développe­ment de nou­veaux sites touris­tiques. Si d’autres fac­teurs (tech­niques, juridiques, économiques, etc.) sont égale­ment pris en compte lors de l’implantation sur un nou­veau site, nous sen­si­bil­isons nos col­lab­o­ra­teurs aux enjeux liés à l’évolution du cli­mat, par exem­ple aux risques d’érosion. Sur ce sujet, nous nous appuyons d’ailleurs sur l’expertise externe d’une géo­graphe spé­cial­iste des ques­tions d’érosion insu­laire, qui est déjà inter­v­enue sur plusieurs de nos sites.

GREEN INNOVATION : Les risques san­i­taires liés aux change­ments cli­ma­tiques à venir sont-ils égale­ment pris en compte par le Club Med ?

Agnès WEIL : Le Club Med a tou­jours attaché de l’importance aux fac­teurs san­i­taires, aux infra­struc­tures et ser­vices de san­té disponibles autour et à l’intérieur des vil­lages, à l’information don­née aux GM (les clients) et aux GO et GE (les col­lab­o­ra­teurs de l’entreprise). Nous sommes aujourd’hui réputés pour notre exper­tise. Le Club Med a large­ment con­tribué à la démoc­ra­ti­sa­tion du tourisme et, à l’époque où il n’existait presque pas de con­seils aux voyageurs, le Club Med dis­po­sait d’une doc­u­men­ta­tion et de l’information sur la préven­tion du palud­isme, les vac­cins, etc. Nous béné­fi­cions d’un excel­lent réseau médi­cal d’expertise, avec un con­seil sci­en­tifique médi­cal et en par­ti­c­uli­er des médecins spé­cial­istes des mal­adies trop­i­cales et infec­tieuses. À chaque fois que nous nous implan­tons sur un nou­veau site, la pre­mière chose que nous regar­dons, c’est le tis­su médi­cal aux alen­tours et les éventuels risques san­i­taires. Il s’agit là d’un fac­teur déter­mi­nant pour toute implan­ta­tion sur un site à l’étranger.

Dans de nom­breuses mers chaudes, on assiste à la raré­fac­tion de la faune et de la flo­re sous-marine (dis­pari­tion des coraux et de la bio­di­ver­sité, appari­tion d’espèces exogènes inva­sives, etc.).

GREEN INNOVATION : Arrivez-vous à suiv­re et à anticiper ces phénomènes ? Pou­vez-vous en mesur­er l’impact économique sur vos activités ?

Agnès WEIL : Comme ont pu mal­heureuse­ment le con­stater la plu­part des plongeurs dans le monde, les milieux sous-marins qu’on a con­nus il y a vingt ans se sont sou­vent sen­si­ble­ment dégradés. Le Club Med est un avant-poste priv­ilégié pour observ­er ce phénomène. Nous pro­je­tons de met­tre en place un suivi à long terme de cer­tains phénomènes, en axant dans un pre­mier temps nos obser­va­tions sur le suivi d’érosion des plages, afin de nous nous per­me­t­tre de com­par­er la sit­u­a­tion avec celle que nous observions il y a dix ans. Tra­vailler sur un suivi de l’état des récifs coral­liens pour­rait égale­ment être envis­agé. Mais heureuse­ment, nous avons encore de très nom­breux sites qui per­me­t­tent de très belles explo­rations sous-marines.

Pour chaque vil­lage du Club Med, nous réal­isons des études d’impacts envi­ron­nemen­taux, en matière hydrologique, etc. Nous faisons égale­ment inter­venir de nom­breuses sources externes d’analyse et d’expertise. En matière de bio­di­ver­sité, nous avons par exem­ple réal­isé des mesures très pré­cis­es et très com­plètes sur un site pilote. Sur les zones les plus sen­si­bles, des bio-éval­u­a­tions vont per­me­t­tre d’étudier des sit­u­a­tions sur la durée, de met­tre au jour des dérives éventuelles et de pren­dre, si néces­saire, des mesures cor­rec­tives à la con­ser­va­tion des espèces. Mais la seule présence d’un vil­lage du Club Med con­stitue sou­vent l’assurance, pour le site con­cerné, qu’il sera pro­tégé. Ain­si, au Brésil, l’un de nos vil­lages pro­duit lui-même son élec­tric­ité par énergie hydraulique, au sein de cen­taines d’hectares de forêt pri­maire. En Malaisie aus­si, le Club Med est situé sur des hectares de forêts trop­i­cales pri­maires, par­faite­ment con­servées depuis trente ans grâce à notre implan­ta­tion et à notre souci de l’environnement, alors qu’aux alen­tours la déforesta­tion va bon train, pour cul­tiv­er le palmi­er à huile en particulier…

GREEN INNOVATION : Avez-vous enreg­istré un impact sig­ni­fi­catif de tels phénomènes sur la fréquen­ta­tion de vos villages ?

Agnès WEIL : Ce n’est pas fla­grant. Mais nous avons quelques sites dont l’exploitation a dû cess­er du fait d’une dégra­da­tion du milieu. Aux Bahamas, par exem­ple, un site a dû fer­mer, non pas du fait de phénomènes naturels, mais à cause de fac­teurs humains : il s’agissait d’un endroit de rêve qui s’est peu à peu cou­vert de con­struc­tions. Et au bout de quelques décen­nies, le vil­lage s’est retrou­vé enchâssé entre plusieurs zones de con­struc­tion. Il avait totale­ment per­du son âme et cela nous a mal­heureuse­ment con­duits à cess­er son exploita­tion. On peut imag­in­er que des fac­teurs envi­ron­nemen­taux cri­tiques nous amè­nent un jour à une telle sit­u­a­tion (éro­sion, pol­lu­tion, risques cli­ma­tiques, etc.). Mais, nous n’en sommes pas encore là. À l’inverse, nous essayons de con­tribuer à amélior­er l’état de cer­tains sites qui ont subi ou risquent de subir des dégra­da­tions, par exem­ple à Mar­rakech, où nous accom­pa­gnons les efforts de la Fon­da­tion Mohammed VI pour l’environnement qui mène un gros tra­vail de réha­bil­i­ta­tion de la Palmeraie, pour ren­dre à ce site sa splen­deur et sa luxuriance…

À propos de l'auteur

Agnès Weil

Directrice du développement durable du Club Méditerranée.

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