Magazine Biogaz

L’énergie des possibles au service de la qualité de l’air

© GRTgaz / DOHR NICOLAS

GRTgaz détient et exploite le réseau de transport de gaz naturel sur la majeure partie du territoire français. Avec plus de 32 400 km de canalisations, son réseau est le plus long d’Europe, mais aussi l’un des mieux interconnectés. Chaque jour, les équipes de GRTgaz sont mobilisées pour transporter le gaz naturel dans les meilleures conditions de sécurité et de fiabilité, développer le réseau et ses interconnexions, optimiser son fonctionnement et renforcer la sécurité énergétique des territoires, de la France et de l’Europe. La transition énergétique est engagée et les réseaux de gaz en sont un vecteur clé. Désormais ouverts au biométhane, un gaz 100 % renouvelable produit localement, ils permettront demain de développer l’usage du gaz pour véhicules, ou encore de stocker et transporter l’électricité solaire ou éolienne excédentaire sous forme d’hydrogène ou de méthane de synthèse. La qualité de l’air étant au cœur des prérogatives environnementales des collectivités et du gouvernement, nous allons par cette étude et grâce à l’expertise de Vincent Rousseau démontrer l’intérêt et les vertus du GNV et du bioGNV.

Législation et objectifs 2030/2050

Green Innovation. Présentez-vous à nos lecteurs et détaillez vos fonctions au sein de GRTgaz.

Vincent Rousseau. Je suis directeur de projets chez GRTgaz, où j’ai la charge de développer des usages du gaz dans la mobilité. J’ai successivement travaillé dans l’exploitation des installations du transport de gaz, les systèmes d’information et la relation grands comptes. Comme pour les autres secteurs économiques, la diversification du mix énergétique, et en particulier le développement de nouvelles filières renouvelables, a un impact croissant sur la mobilité. Le GNV/bioGNV est un carburant alternatif essentiel pour tendre vers la neutralité carbone en 2050 dans le secteur des transports. Le GNV (gaz naturel pour véhicules) est du gaz naturel utilisé comme carburant. Le bioGNV est la version 100 % renouvelable du GNV, un biocarburant issu de la méthanisation des matières organiques.

Quelle est la raison de la participation de GRTgaz au Mondial de l’automobile, salon traditionnellement orienté grand public ? Présentez-nous le stand commun sur lequel vous exposerez.

Nous serons présents sur un stand commun avec GRDF et les associations professionnelles que sont l’Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV) et l’Association française du gaz (AFG).

Notre objectif est de révéler tous les atouts de l’énergie gaz pour la mobilité, notamment en ce qui concerne la qualité de l’air. La mobilité gaz reste peu connue en France, alors qu’à quelques centaines de kilomètres, en Italie ou en Allemagne, plusieurs centaines de milliers de véhicules roulent depuis de nombreuses années avec ce carburant alternatif performant, fiable et plus respectueux de l’environnement. De plus, nous exposerons sur le Mondial de la mobilité, un nouvel espace créé cette année et consacré à l’innovation ainsi qu’à la mobilité durable !

Selon vous, l’objectif de 10 % de gaz renouvelable indiqué par la loi de transition énergétique pour une croissance verte s’avère-t-il assez ambitieux ? Nous avons effectivement pu constater une certaine disparité entre les chiffres inscrits dans la loi française et ceux annoncés par les opérateurs de réseaux (30 % de gaz vert injecté dans les réseaux d’ici à 2030 et un potentiel technique de 100 % d’ici à 2050). Comment expliquer cette importante différence ?

Les objectifs de 10 % de gaz renouvelable dans la consommation de gaz en 2030 et de 20 % de bioGNV dans la consommation de GNV en 2023 sont inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) établie en 2016. Le Plan climat lancé par le gouvernement en juillet 2017, suivi des Assises de la mobilité organisées sous l’égide d’Élisabeth Borne, ministre des Transports, a conduit à une stratégie plus volontariste pour atteindre la neutralité carbone dans les transports à l’horizon 2050. Dans le cadre de la révision en cours de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et de la PPE, les opérateurs de réseaux proposent de relever l’ambition de la part de gaz renouvelable en 2030, et travaillent sur un nouvel objectif pouvant aller jusqu’à 30 %. Dans sa proposition de plan de déploiement du GNV et du bioGNV présentée à l’occasion des Assises de la mobilité, l’AFGNV a proposé un objectif 2030 de 40 % de bioGNV par rapport à l’ensemble des consommations de GNV.

Le pari est ambitieux, mais pas intenable. L’ADEME a d’ailleurs publié en janvier 2018 une étude montrant qu’il est envisageable d’atteindre un mix gazier 100 % renouvelable à l’horizon 2050.

Comment atteindre ces ambitieux objectifs, quels sont les efforts à déployer pour y parvenir ?

Pour atteindre le premier objectif de 2030, il faut prioritairement dynamiser la filière du biométhane, qui est la plus mature. C’est un gaz renouvelable provenant de l’épuration du biogaz issu de la fermentation de matières organiques par un processus de méthanisation. Un groupe de travail spécifique à l’utilisation du bioGNV a été réuni dans le cadre du « Plan méthanisation » lancé en début d’année sous l’impulsion de Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Espérons que les conclusions de ce groupe de travail soient reprises par la future PPE et la future loi d’orientation des mobilités (dite loi LOM), comme la mise en place d’un dispositif de soutien au biométhane non injecté dans les réseaux pour les usages carburants, lorsque les réseaux gaz sont trop éloignés.

Il faut par ailleurs intensifier les efforts pour diversifier les autres filières de production de gaz renouvelables. La gazéification, qui permet de produire du méthane à partir de matières organiques par un processus thermochimique, apporte des réponses innovantes, performantes et complémentaires à la méthanisation. Le Power-to-Gas est une autre piste prometteuse. Il s’agit d’utiliser et de valoriser l’électricité renouvelable non consommée pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. L’hydrogène peut ensuite être combiné à du dioxyde de carbone (CO2) pour obtenir du méthane de synthèse, aux propriétés identiques à celles du gaz naturel. L’hydrogène ou le méthane de synthèse ainsi produits peuvent être ensuite injectés dans le réseau de gaz. Le premier démonstrateur de Power-to-Gas raccordé au réseau de GRTgaz, Jupiter 1000, est en cours de construction à Fos-sur-Mer pour une mise en service à la fin de l’année.

Pour résumer, l’atteinte de nos objectifs en matière de développement du bioGNV nécessite de changer d’échelle pour la filière biométhane, qui constitue en quelque sorte le premier étage de la fusée, et de préparer dès maintenant l’avenir des autres filières de production de gaz renouvelables afin de passer rapidement en phase industrielle. Il faut donc poursuivre, voire intensifier nos efforts !

Dans un climat de confiance pour le développement de cette nouvelle génération de gaz verts, à l’instar de ce que l’on observe pour la production photovoltaïque et éolienne, les coûts de production baisseront au fur et à mesure que les volumes augmenteront, avec en plus une valeur intrinsèque non négligeable : la production d’une énergie stockable et donc pilotable, en complément des énergies électriques renouvelables intermittentes.

Le GNV est promu par l’État pour le transport de marchandises et donc les véhicules utilitaires et poids lourds. Est-il possible d’étendre son utilisation aux véhicules légers (VL) ?

Nous constatons en Europe, et en particulier en France, une dynamique sans précédent en ce qui concerne l’utilisation du GNV dans le secteur poids lourds, avec un soutien explicite de l’État, récemment rappelé dans le Plan pour la mobilité propre et pour la qualité de l’air présenté le 20 juillet dernier. Concernant le GNV pour les véhicules légers, la France est manifestement en retrait comparativement à ses voisins tels que l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Suisse ou l’Espagne, des pays dans lesquels le nombre de stations VL est jugé suffisant par les constructeurs. Par exemple, dans ces pays, des constructeurs comme Fiat ou Volkswagen déploient de véritables stratégies gaz. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : en juin 2018, 1 800 véhicules fonctionnant au GNV ont été vendus en Allemagne alors qu’ils étaient à peine 200 en juin 2017… En France, la question des énergies alternatives pour les VL s’est focalisée sur l’électrique, et la question de recourir au GNV et aux autres énergies alternatives sur ce segment est moins « spontanée » qu’ailleurs. Cela n’incite pas les constructeurs à se lancer franchement, bien qu’ils considèrent avec beaucoup d’intérêt le réseau de stations GNV pour poids lourds et utilitaires qui est en train de se constituer ; il pourrait servir de base de départ avant qu’un véritable réseau VL ne se développe.

Eu égard aux vertus et bénéfices du GNV et du bioGNV, pour quelles raisons les constructeurs ne jouent-ils pas le jeu ? L’omniprésence du véhicule électrique aurait-elle un rapport avec ce choix ?

Il y a une stratégie française pour le développement du véhicule électrique, mise en place à l’issue du Grenelle de l’environnement ; parce que le mix électrique de la France est un des moins carbonés au monde et que l’ensemble des capacités de stockage des batteries apporte une complémentarité intelligente aux moyens de production d’électricité intermittente (photovoltaïque et éolien), cette stratégie a un sens. Mais nous savons que le mix énergétique de la mobilité, qui dépend aujourd’hui à 95 % des produits pétroliers, va se diversifier ; il n’est jamais bon qu’un secteur économique comme celui du transport soit dépendant d’une seule énergie. Si être contre l’électrique n’a pas de sens, ce serait en revanche une erreur de s’orienter vers le tout électrique. De la même façon qu’il existera des applications pour le poids lourd électrique en complément du poids lourd gaz, il existera des usages sur le segment VL ou VUL pour lesquels l’électrique n’est pas l’optimum, en particulier pour la longue distance. Espérons que les débats seront moins polarisés dans un avenir proche sur les questions énergétiques propres aux transports et que le mix énergétique se développera sereinement dans l’intérêt des utilisateurs, qu’on a parfois tendance à oublier. Ce sont pourtant eux qui « donnent le la » et qui, s’ils recherchent ce qui se fait de mieux sur le plan environnemental (CO2 et qualité de l’air), ont avant tout pour priorité la performance économique et opérationnelle.

Marchés et analyses

L’OPECST (l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) doit statuer prochainement sur les « scénarios technologiques à envisager pour atteindre l’objectif d’un arrêt des ventes de véhicules thermiques en 2040 ». Quel est votre point de vue ?

Le 6 juillet 2017, le gouvernement a lancé le Plan climat, dont un des objectifs est d’arrêter « la vente des voitures qui émettent des gaz à effet de serre » à l’horizon 2040. Cette ambition a ensuite été traduite par la « fin de l’essence et du diesel », pour aboutir à « la fin des moteurs thermiques ». C’est donc le grand écart entre l’ambition initiale du Plan climat et le libellé de la question soumise à l’OPECST ; lorsqu’on évalue les émissions de CO2 sur l’ensemble du cycle de vie (fabrication du véhicule, production d’énergie, fonctionnement du véhicule), un véhicule thermique alimenté avec du bioGNV n’a pas grand-chose à envier au véhicule électrique. À moins qu’il ne s’agisse de supprimer le moteur thermique pour améliorer la qualité de l’air ; mais, là encore, un véhicule GNV qui, nous le répétons, fonctionne avec un moteur thermique, est extrêmement performant sur ce point et en particulier concernant les dioxydes d’azote et les particules. Et qu’en sera-t-il des véhicules hybrides, qui sont finalement des moteurs thermiques à assistance électrique, et à l’avenir des motorisations électriques à assistance thermique ? Seront-ils aussi concernés par une possible interdiction ? Cela suscite des interrogations. La problématique telle qu’elle est posée par le Plan climat est selon moi beaucoup plus pertinente puisqu’elle repose sur un principe de neutralité technologique qui n’oppose pas d’emblée les énergies.

Pourriez-vous nous proposer une illustration chiffrée de vos propos ?

Prenons un véhicule léger dont la durée de vie est de 200 000 km.
La fabrication de 1 kWh de batterie émet en moyenne 150 kg de CO2, donc une batterie de 40 kWh contient 6 t de CO2. Avec une production d’électricité totalement décarbonée, l’empreinte du véhicule électrique est de 6 t de CO2 pour 200 000 km, soit 30 g de CO2 par kilomètre. C’est à peu près le même niveau d’émission qu’un véhicule bioGNV de même gabarit. Sous cet angle, un véhicule thermique utilisant des carburants d’origine renouvelable comme le biométhane n’est donc pas forcément plus émetteur de CO2 qu’une voiture électrique.

Cela pose donc indirectement la question du tout électrique ?

Oui d’une certaine façon, si on considère le véhicule électrique comme la seule alternative au véhicule thermique. Mais il faut d’abord définir ce qu’on appelle véhicule. Pour les véhicules lourds (poids lourds pour le transport de marchandises, bus et autocars pour le transport de voyageurs), les moteurs thermiques seront pendant encore longtemps incontournables pour des questions évidentes de stockage d’énergie, que ce soit pour l’autonomie ou pour les vitesses de recharge et de remplissage. Pour les véhicules légers, l’électrique s’imposera pour les utilisations urbaines, mais devra s’appuyer sur le thermique pour les trajets longues distances en recourant à l’hybridation, dont il existe beaucoup de formes possibles. À ce titre, un véhicule léger hybride GNV/électrique aurait beaucoup de sens !

L’autre limite que trouverait l’approche tout électrique réside dans l’infrastructure de recharge. Au fil du temps, les utilisateurs demanderont des temps de recharge toujours plus courts pour se rapprocher des standards du thermique (presque 1 000 km en 90 s pour une berline Diesel !), ce qui impose des puissances considérables auquel le réseau électrique devra faire face. Lorsqu’en 60 s vous mettez 40 l d’essence dans le réservoir de votre voiture, vous avez 24 000 kW qui passent dans votre main, soit 160 fois la puissance d’une recharge rapide 150 kW. Et la puissance développée par une station-service qui dessert simultanément 10 véhicules légers et 4 poids lourds (le standard sur autoroute) est proche de 400 000 kW, soit la moitié d’une tranche nucléaire !

Il ne faut pas non plus négliger l’angle industriel. L’Europe est un des leaders mondiaux des technologies propres aux moteurs thermiques. Interdire purement et simplement les moteurs thermiques consisterait en quelque sorte à se « tirer une balle dans le pied », puisque nous ne pourrions plus tirer profit de notre avance technologique et que, dans le même temps, nous augmenterions notre dépendance aux pays qui misent fortement sur l’électrique, au premier rang desquels figure la Chine. Par ailleurs, les moteurs thermiques n’ont pas encore livré tout leur potentiel, notamment pour le gaz dont le très fort indice de méthane (l’équivalent de l’indice d’octane de l’essence) n’a pas encore été réellement exploité.

Selon vous, les constructeurs automobiles jouent-ils le jeu du GNV, notamment au regard des contraintes réglementaires ?

Les constructeurs automobiles sont contraints de respecter une réglementation de plus en plus stricte et de répondre aux obligations liées aux émissions de CO2 et de polluants. Néanmoins, ils doivent continuer à produire des voitures que M. et Mme Tout-le-Monde  peuvent acheter et utiliser. Les progrès réalisés depuis 20 ans sont phénoménaux, tant sur le plan de la consommation que sur celui des émissions. Néanmoins, ces gains sont grandement effacés par des véhicules de plus en plus lourds et suréquipés : augmentation des puissances des moteurs, climatisation, électronique en tout genre… On sent bien que les constructeurs sont tiraillés entre les contraintes marketing et les contraintes environnementales. L’essor des SUV en est un bon exemple : l’aérodynamique et le poids ne sont pas vraiment optimaux pour de faibles consommations, au profit d’un design accrocheur.

Si l’électrique est aujourd’hui la principale option retenue par les constructeurs pour leurs nouvelles motorisations, c’est évidemment parce qu’il répond à une demande réelle pour le « zéro émission » en zone dense, mais aussi parce qu’il est très efficace pour respecter la réglementation CO2 actuellement en vigueur. En effet, en Europe, les constructeurs sont contraints par des objectifs d’émissions de CO2 déterminés à l’échappement, sous peine de se voir appliquer des amendes extrêmement dissuasives par la Commission européenne. Et selon cette méthode « à l’échappement », un véhicule électrique compte pour zéro, alors qu’un véhicule thermique alimenté avec un carburant 100 % renouvelable comme le bioGNV compte autant que son équivalent fossile. Si la Commission européenne faisait évoluer la comptabilisation « à l’échappement » des émissions de CO2, adoptée il y a maintenant plus de 10 ans, vers une comptabilisation plus globale intégrant tout le cycle de vie des véhicules, elle pourrait exploiter la montée en puissance des carburants renouvelables tels que le bioGNV afin de tenir la trajectoire qui mène vers une nécessaire et vraie neutralité carbone du secteur des transports.

Énergies nouvelles

Un gaz 100 % renouvelable à la production vertueuse. La méthanisation semble être une solution qui permettra d’atteindre les objectifs précités ! Quel est le positionnement de GRTgaz relatif au gaz renouvelable et notamment vis-à-vis de cette technique ? Est-ce la technique idéale permettant de produire du gaz localement ?

Nous soutenons bien entendu la filière biométhane, mais pas seulement, puisque nous avons besoin de trois voies pour décarboner le mix gazier français d’ici à 2050 : biométhane, gazéification et Power-to-Gas.

La méthanisation présente de nombreux avantages : logique d’économie circulaire, indépendance énergétique, source d’activité économique dans les territoires, notamment pour le monde agricole. Le gisement de matière première est considérable, qu’il s’agisse de déchets ménagers (la France a une des démographies les plus dynamiques en Europe) ou agricoles (la France est le premier pays agricole en Europe).

Parlons emploi ! L’un des freins majeurs dans le développement de nouvelles techniques afin de générer de l’énergie concerne la préservation des emplois dans les filières conventionnelles. Cependant, il est à notre sens évident que ces filières d’avenir seront créatrices d’emplois ! Quelles sont les projections ?

L’industrie automobile mondiale, au sein de laquelle l’industrie européenne joue un rôle de premier plan, est extrêmement liée aux technologies des moteurs thermiques. La construction automobile en France représente environ 700 000 emplois directs ou indirects. Dans la mesure où le moteur à gaz est un moteur thermique, son développement à grande échelle permettrait de conserver une avance technologique dans la compétition mondiale que se livrent les constructeurs et les équipementiers, en particulier face à l’industrie automobile chinoise qui mise sur le véhicule électrique pour changer de paradigme et ainsi rattraper son retard technologique. Le gaz se présente donc comme une opportunité pour les constructeurs historiques, qui pourront tirer profit des technologies ultramaîtrisées des moteurs thermiques.

Le GNV (et bioGNV) incarne-t-il l’alternative au diesel ?

Le GNV permet des émissions de CO2 comparables, voire inférieures à celles du gazole, et génère très peu de polluants, et le bioGNV permet de faire jeu égal avec le véhicule électrique. En 2017, et pour la première fois depuis 20 ans, les émissions moyennes de CO2 des véhicules légers sont reparties à la hausse en Europe, principalement du fait d’un report du diesel s’effectuant vers l’essence. Dans l’équation globale qui consiste à vouloir diminuer la part du diesel, à vouloir continuer à réduire les émissions moyennes de CO2 des véhicules et celles de polluants, et dans laquelle on commence à dire qu’on ne pourra pas tout électrifier, je suis convaincu que le gaz à un rôle à jouer.

L’hydrogène fait partie des énergies nouvelles s’incluant dans le mix énergétique. Quel est le positionnement de GRTgaz le concernant ? Pourriez-vous nous présenter votre projet de plateforme de recherche : FenHYx ?

GRTgaz souhaite effectivement être un acteur dans la dynamique hydrogène, matérialisé par le Plan hydrogène lancé il y a quelques mois. L’hydrogène est souvent considéré comme le Graal des énergies dans la mesure où il s’agit d’une énergie totalement décarbonée (pour autant que son mode de production le soit également) et stockable à grande échelle ; c’est en ce sens que nous soutenons cette technologie. Cependant, une des difficultés que rencontrera le déploiement de cette énergie réside dans l’absence d’hydrogène à l’état naturel (du moins sur notre planète !), ce qui en fait un vecteur énergétique plus qu’une énergie. Cela rend plus difficile le passage à une économie d’échelle et l’atteinte d’un seuil de compétitivité pourtant nécessaire à une adoption massive.

Il faut donc le synthétiser, idéalement sous une forme renouvelable par électrolyse, ce qui engendre des coûts importants et donc un modèle économique incertain.

L’hydrogène étant un gaz, notre intérêt pour lui est évident et, en raison de nos activités, nous avons une légitimité certaine à étudier son potentiel.

C’est pour cette raison que GRTgaz a lancé récemment le projet FenHYx, premier démonstrateur à dimension européenne destiné à tester l’hydrogène et les gaz décarbonés dans les réseaux. GRTgaz en assurera la conception, dont l’objectif sera de définir les conditions techniques, économiques et réglementaires d’injection d’hydrogène et de gaz décarbonés dans les infrastructures gazières.

Que pensez-vous de l’hydrogène pour la mobilité ?

Le véhicule hydrogène est avant tout un véhicule électrique, qui produit de l’électricité de manière embarquée par l’intermédiaire d’une pile à combustible. Cela étant dit, il apparaît que l’hydrogène se pose en alternative au problème de stockage d’électricité des batteries, en particulier pour les véhicules faisant de la longue distance ou les véhicules lourds, très gourmands en énergie. Il semble que le véhicule hydrogène ne soit pas encore tout à fait prêt pour un déploiement à grande échelle et qu’il doive avant cela passer par deux étapes indispensables qu’il serait périlleux de vouloir escamoter. Tout d’abord, en s’appuyant sur la demande industrielle, il faut arriver à produire de l’hydrogène renouvelable en quantité importante et à des coûts compétitifs par rapport aux autres énergies décarbonées. Ensuite, il faut démontrer sur la durée la pertinence de la solution sur des flottes de véhicules, tant sur le plan économique que sur le plan opérationnel. Rappelons que, en France, le GNV a d’abord démontré sa pertinence sur des flottes de bus ou de bennes à ordures ménagères pendant de nombreuses années avant de se propager sur d’autres flottes de véhicules circulant en milieu ouvert comme le transport de marchandises.

Un mot pour conclure ?

La diversification du mix énergétique dans les transports est à mon sens inéluctable. Le temps presse pour atteindre la neutralité carbone et chaque énergie doit être exploitée pour les bénéfices qu’elle procure. Opposer les énergies est contre-productif, il faut jouer les complémentarités. La montée en puissance des motorisations gaz pour les véhicules lourds et les utilitaires pour les usages professionnels va progressivement mettre en place tout un écosystème, au centre duquel se trouve le réseau de stations. L’infrastructure gazière française sera suffisamment robuste pour approvisionner sans difficulté les 2 000 stations nécessaires à ce développement. Il pourrait être intéressant d’utiliser cette externalité pour développer le gaz pour les véhicules légers devant offrir des autonomies importantes. Sous réserve bien sûr qu’un constructeur français se lance dans l’aventure !

Entretien réalisé par Samy Ellaouzi

À propos de l'auteur

Vincent Rousseau

Directeur de projet Mobilité GRTgaz.

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