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L’après-COVID : en attendant le plan de relance

Pour finir sur une note plus optimiste, lorsque la gestion des urgences de la crise sera passée, nous serons force de proposition pour la relance. Notre filière biogaz a et aura en effet un rôle clé de production d’énergie locale, qui sera un atout dans la mise en place d’une indépendance énergétique et d’une création économique locale et circulaire.

La PPE sera-t-elle revue à l’aune de cette nouvelle économie, de ce « plan Marshall » pour redresser notre pays (voir notre article dans ce numéro) ? Chacun en tout cas devra se retrousser les manches et la mobilisation des acteurs sera à l’image de la perspective que donnera le gouvernement. Dans la filière biogaz, les volontés ne manqueront pas. Mais, fin avril, c’est un communiqué du Sénat qui est aussi venu appuyer l’importance de notre filière. En effet, certains sénateurs considèrent que les énergies renouvelables, et en particulier la méthanisation, font partie des secteurs stratégiques, comme le montre le communiqué intitulé « Coronavirus : comment imaginer l’après-crise ? Le Sénat mise sur la transition énergétique comme levier du plan de relance ». Quant aux professionnels, représentés par France Gaz, ils sont force de propositions concrètes. Explication.

Propositions de la filière biogaz

Alors que les prochains mois seront consacrés à définir notre plan de relance, France gaz renouvelables (FGR) révèle le 15 juin 2020 les quatre propositions faites aux pouvoirs publics et issues de l’expertise des acteurs de la filière biométhane. Au-delà du nécessaire développement de la méthanisation, cette contribution experte et volontaire souligne les leviers que les secteurs énergétique et agricole sont en mesure d’activer tant sur le plan environnemental que sur le plan économique. Au programme de ces propositions concrètes : libérer les capacités de production grâce à la création de 300 nouveaux sites de méthanisation sur le territoire national ; lever la barrière réglementaire entravant les gestionnaires de réseaux dans leurs investissements de raccordement ; autoriser le mécanisme Méthaneuf permettant la mise à disposition de gaz renouvelable dans les programmes de construction de logements neufs ; soutenir la compétitivité et l’innovation du tissu industriel des territoires en faveur des objectifs de transition énergétique et d’économie circulaire.

Proposition 1 : libérer les capacités de production en anticipant sur l’objectif biométhane 2028 de la PPE

Pour sécuriser la filière en lui donnant de la visibilité, mais surtout pour accompagner son développement, il est nécessaire d’anticiper sur l’objectif 2028 inscrit dans la PPE dès 2023 pour le biométhane. À ce jour, 25 TWh de capacités ont déjà été réservées, dont plus de 10 TWh de projets disposant déjà d’autorisations ICPE. Seules manquent au développement de ces projets à très court terme des autorisations administratives. Sans réduire la qualité des projets effectivement soutenus, une cible de capacité installée de biométhane de 12 TWh en 2023 est possible. Ainsi, la filière biométhane contribuera à l’effort de relance sur la période 2020–2023. Cet objectif correspond à la création de 300 nouveaux sites de production qui généreraient immédiatement 3 000 équivalents temps plein pour la création des installations et 900 dans la durée, sans dépense supplémentaire d’ici à 2028.

Proposition 2 : lever la barrière réglementaire entravant les investissements de raccordement

Il est absolument nécessaire d’accélérer les chantiers de sites de méthanisation en déclenchant au plus vite les travaux. Pour cela, il convient de lever immédiatement les contraintes administratives qui pèsent sur les gestionnaires de réseaux, qui sont limités dans leurs investissements en matière de biogaz par des entraves réglementaires. Ainsi, les opérateurs de réseaux se proposent de déclencher immédiatement les travaux correspondant aux schémas de raccordement biométhane publiés fin mars 2020. Une initiative conditionnée au retrait du décret qui plafonne actuellement les investissements des distributeurs à 0,4 % du chiffre d’affaires dans le cadre du droit à l’injection.

Proposition 3 : autoriser le mécanisme Méthaneuf permettant d’inclure le biométhane dans les futurs bâtiments

Méthaneuf est un mécanisme actuellement en cours de construction permettant aux promoteurs immobiliers, aux habitants, mais également aux collectivités territoriales de faire du biométhane une source d’énergie directement intégrée dans les bâtiments neufs, notamment via une production d’EnR au sein de l’immeuble ou encore via le financement de développement du gaz renouvelable pour un montant au moins équivalent. Pour les collectivités territoriales, cela permettrait de créer des projets locaux de territoire associant production et consommation locale d’énergie dans une logique d’économie circulaire.

Proposition 4 : soutenir la compétitivité et l’innovation des filières gaz renouvelables implantées dans les territoires

L’industrie française, composée de PME, d’ETI et de grands groupes, est mobilisable dans le cadre du plan de relance en lançant des appels à projets complémentaires du soutien aux projets de méthanisation, à travers deux axes. D’un côté, celui de la compétitivité, en s’appuyant sur la dynamique enclenchée par l’AMI porté dans le cadre du CSF qui a permis d’identifier plus de 100 dossiers innovants et prometteurs d’une mise sur le marché rapide. De l’autre, celui de l’innovation, en mobilisant les nouveaux dispositifs adoptés dans la loi orientation mobilité en faveur du biométhane non injecté et la loi énergie-climat en faveur des filières biogaz innovantes. Ces dispositifs permettraient de faire émerger dans les territoires des projets et des industries au service des objectifs de transition énergétique et d’économie circulaire.

Pour Olivier Dauger, coprésident de France gaz renouvelables, « plus qu’une simple source d’énergie renouvelable, la méthanisation est une réponse globale à de nombreux enjeux primordiaux et peut contribuer efficacement au plan de relance national. Ces quatre propositions dressées grâce à l’union des expertises uniques de FGR apportent une réponse aux nécessaires transitions énergétique et agroécologique tout en contribuant à l’essor d’une véritable souveraineté d’approvisionnement en gaz ».

Pour Jacques-Pierre Quaack, coprésident de France gaz renouvelables, « la sécurisation d’une filière répondant aux critères d’économie circulaire et de durabilité doit devenir une priorité nationale. Mais au-delà de la sécuriser, il est essentiel d’en permettre le développement, car la méthanisation est une technologie riche nécessitant de nombreux équipements et la maîtrise de plusieurs domaines d’expertise à même de générer de nombreux emplois non délocalisables et majoritairement situés en zone rurale ».

Communiqué du Sénat

Mardi 28 avril 2020, les sénateurs de la commission des affaires économiques du Sénat ont auditionné en visioconférence Julien Blanchet, rapporteur général de la Convention citoyenne pour le climat, sur les répercussions de la crise du coronavirus sur notre politique énergétique.
Cette audition s’inscrit dans le cadre des travaux de suivi, conduits par Daniel Gremillet, Roland Courteau et Daniel Dubois, de l’impact de cette crise sur le secteur de l’énergie.

Après avoir entendu une cinquantaine d’acteurs de terrain depuis le début du mois d’avril (grands énergéticiens, fédérations professionnelles de l’électricité, du gaz et du pétrole, représentants de la rénovation énergétique, des énergies renouvelables et des biocarburants, Commission de régulation de l’énergie, médiateur de l’Énergie, Agence internationale de l’énergie) et relayé leurs difficultés auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, les sénateurs ont jugé indispensable d’engager une réflexion prospective sur le devenir de notre transition énergétique.

Aussi ont-ils échangé hier sur le rôle de la transition énergétique dans la stratégie de sortie de crise : pour les sénateurs, l’accompagnement de la rénovation énergétique, le soutien aux projets d’EnR, la lutte contre la précarité énergétique sont autant de leviers mobilisables pour relancer l’activité économique tout en atteignant nos objectifs énergétiques et climatiques.

Les sénateurs ont rappelé leur vive inquiétude quant au cap poursuivi dans ces domaines par le Gouvernement, regrettant la difficile application de la loi « Énergie-Climat », pourtant adoptée dans un esprit de consensus par le Sénat en septembre dernier.

Pour Daniel Gremillet, « six mois après l’adoption de cette loi, dont j’étais le rapporteur pour notre commission, tout reste à faire : une ordonnance a été adoptée, une dizaine de mesures réglementaires prises, un rapport publié. La programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone viennent tout juste d’entrer en vigueur. Il faudra attendre l’été pour que le Gouvernement prenne l’ordonnance sur les centrales à charbon… davantage encore pour celle sur l’hydrogène. C’est trop peu et trop lent ».

Les sénateurs ont regretté la faiblesse des moyens budgétaires et fiscaux mis par le Gouvernement en regard de nos objectifs énergétiques et climatiques, plaidant pour leur revalorisation significative à l’occasion des prochains textes financiers.

Pour Roland Courteau, « il devient urgent de se pencher sur les difficultés rencontrées par nos énergéticiens en termes de trésorerie et d’investissement, de soutenir le secteur de la rénovation énergétique, en corrigeant les effets de bord de la dernière réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique et en améliorant les aides aux particuliers et aux entreprises, d’accompagner les ménages en situation de précarité énergétique, en revalorisant le chèque énergie. Lors du dernier collectif budgétaire, le Sénat a adopté, à notre initiative, plusieurs amendements pour soutenir les filières très sinistrées des biocarburants : il est regrettable que le Gouvernement ne les ait pas conservés in fine ».

Enfin, les sénateurs ont relevé que la transition énergétique ne peut réussir sans indépendance énergétique, insistant sur la nécessité de garantir notre sécurité d’approvisionnement, mais aussi notre souveraineté industrielle, dans un secteur aussi stratégique que celui de l’énergie.

Pour Daniel Dubois, « l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050 nécessite un soutien réaffirmé à la filière nucléaire, qui continuera de produire la moitié de notre mix en 2035, et doit donc demeurer compétitive et attractive. À cet égard, la chute des prix de l’électricité, les difficultés de la régulation et les reports d’investissements observés dans cette filière ne constituent pas une bonne nouvelle pour le climat. Une relocalisation des EnR est également nécessaire : nous attendons beaucoup de l’application du critère du bilan carbone dans les futurs appels d’offres – apport sénatorial majeur à la loi “Énergie-Climat” – qui permettra à nos industriels français et européens de lutter contre le dumping environnemental ».

Les sénateurs poursuivront leurs travaux de suivi tout au long de la crise et formuleront des préconisations concrètes pour inscrire la transition énergétique au cœur du plan de relance.

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