La transition énergétique implique une pluralité croissante d’énergies à disposition (hydrogène [H2], stockage électrochimique…) sur un même site : la révision des approches d’analyse de risques est donc nécessaire pour prévenir et maîtriser les risques associés. L’INERIS, reconnu pour son expertise en la matière, nous en donne les clés en proposant notamment des outils et des méthodologies.
« Avec les énergies actuellement utilisées, les risques mono-énergie sur les sites industriels sont aujourd’hui connus et maîtrisés », explique Emmanuel Lemazurier, responsable développement transition énergétique au sein de la direction de la stratégie, de la politique scientifique et de la communication de l’INERIS. « Les aéroports, par exemple, maîtrisent le risque kérosène avec des systèmes de redondance et une gestion programmée. L’hydrogène est aussi bien connu du milieu industriel, en tant que substance utilisée depuis des décennies, et ses conditions de production, de stockage et d’utilisation sont maîtrisées en termes de risques. »
« Cependant, l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique, notamment avec la production d’hydrogène vert, ses conditions d’usage sur véhicules, de stockage et de distribution impliquent une analyse des risques précise avec une réglementation à faire évoluer. D’autant que les configurations qui semblent se dessiner sur les sites sont la mise en place de bouquets d’énergies où l’hydrogène côtoie les énergies fossiles et les énergies renouvelables. Sites de production, stations-service, hydrogène embarqué sur véhicules, c’est un véritable changement qu’il est nécessaire d’opérer pour accompagner le développement des nouvelles filières énergétiques en toute sécurité. »
Anticiper les effets dominos
« Le caractère facilement inflammable de l’hydrogène, le risque d’explosion et d’incendie, les stratégies de détection de fuite aujourd’hui encore en développement et les potentiels effets dominos avec d’autres vecteurs d’énergie présents sur les mêmes sites doivent induire un changement de culture pour les entreprises. Ainsi, un incident concernant de l’essence peut entraîner des conséquences différentes si l’hydrogène est présent sur le site ou non ; l’inverse est également vrai, un problème lié à l’hydrogène pouvant entraîner des conséquences sur du gaz ou de l’essence. »
« Sur l’hydrogène par exemple, le dimensionnement des distances de sécurité et des barrières nécessaires à mettre en place est majeur. C’est pourquoi nous devons identifier la phénoménologie liée à la réactivité de l’hydrogène comme les phénomènes de surpression, la longueur des flammes, les distances d’effet, pour les réduire et mettre en place les barrières permettant le respect des réglementations. C’est la base de notre travail à l’INERIS : analyser et trouver des solutions de sécurisation. Nous faisons de la R&D pour mieux comprendre ces phénomènes et faire des recommandations pour la réglementation. »
« Sur la base de la phénoménologie, nous étudions des sites présentant un bouquet multi-énergies comprenant l’hydrogène, ce qui demande une approche d’expertises et de questionnements au cas par cas, en l’absence de règles génériques bien établies. Cela introduit de nouveaux risques :
– sur un site industriel : production, stockage, usage, selon les technologies utilisées et à mettre en place (ex : stockage sous forme d’hydrogène liquide, quels évents pour les gaz…) ;
– sur les stations : faut-il des stations hydrogène isolées (mais est-ce toujours possible logistiquement ?) ? Comment gérer les autres carburants (distance barrière) ?
– sur des véhicules de transport de personnes : quelle sécurité mettre en place en cas de chocs, pour le remplissage, pendant le transport… ?
Notre démarche est également de comparer l’existant entre station classique et station hydrogène par exemple. Nous pouvons reproduire sur nos sites des conditions réelles et faire des essais d’incendie par exemple, puis comparer les effets. Il y a encore beaucoup de travail à effectuer sur les environnements hydrogène. »
L’INERIS impliqué dans plusieurs projets de recherche sur l’hydrogène
« Dans ce cadre, l’INERIS est actuellement partenaire de plusieurs projets de recherche.
Le projet HyPSTER est le premier projet de stockage souterrain d’hydrogène vert en cavité saline soutenu par l’Union européenne et coordonné par Storengy. Le rôle de l’INERIS porte sur la gestion des risques et les impacts environnementaux du démonstrateur, ainsi que sur l’analyse des réglementations encadrant le développement de cette technologie en Europe. »
« Autre projet européen en cours, MultHyFuel, coordonné par Hydrogène Europe, qui concerne cette fois tout l’environnement des stations de distribution de carburant hydrogène. L’objectif de MultHyFuel est de contribuer au déploiement de l’hydrogène comme carburant alternatif en développant une stratégie commune pour la mise en œuvre de stations-service hydrogène (HRS) dans des contextes multi-carburants, en contribuant à l’harmonisation des lois et des normes existantes sur la base de données pratiques et théoriques et des données expérimentales ainsi que sur l’engagement actif et continu des principales parties prenantes. »
« L’INERIS intervient dans les études de caractéristiques de fuite, de probabilités d’inflammation et d’efficacité des barrières de sécurité. Il intervient également dans les analyses préliminaires des risques, l’évaluation détaillée des risques et l’identification des scénarios critiques. Il s’agit ainsi de comprendre la phénoménologie et les effets dominos possibles, afin de mettre en place des solutions de barrière et/ou de normes sur les équipements. Dans ce projet, nous intervenons sur la réglementation et l’expertise, dans un souci d’harmonisation à l’échelle européenne. Nous aurons probablement besoin d’effectuer des expérimentations sur les fuites en station, mais aussi sur les véhicules. »
« Un autre projet impliquant l’INERIS est le projet Use-In H2. Ce projet, coordonné par le Service technique de l’aviation civile de la Direction générale de l’aviation civile, a été sélectionné dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) dénommé “H2 Hub Airport” pour explorer les opportunités offertes par l’hydrogène sur les aéroports franciliens et relever le défi de la décarbonation du transport aérien. Cet AMI, lancé par Groupe ADP, Air France KLM, Airbus, la Région Île-de-France avec le soutien de Choose Paris Region, s’articule autour de trois thématiques que sont l’amont de la chaîne de valeur, l’aval de la chaîne de valeur et l’économie circulaire. Les partenaires du projet, dont l’INERIS et l’université Gustave-Eiffel, ont pour objectif la maîtrise de la sécurité et de la sûreté sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène à l’échelle de l’aéroport ainsi qu’un accompagnement dans l’évaluation de la durabilité des solutions mises en œuvre sur les aéroports de Paris, sur une infrastructure aux multiples coactivités et covalorisations du vecteur énergétique hydrogène. Nous avons également des projets dans les infrastructures portuaires, comme le port de Dunkerque, avec des problématiques méthane/hydrogène par exemple. La filière est en plein essor, il est nécessaire d’identifier en amont les problématiques sur la sécurité. L’INERIS vous accompagne pour y répondre. »
