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Carburant de synthèse : l’atout hydrogène

Une étude menée par France Hydrogène montre que la France compte une vingtaine de projets hydrogène en cours de montage, à des niveaux de maturité différents, destinés à la production d’efuels, qui devraient mobiliser une capacité de production de plus de 400 000 tonnes d’hydrogène, soit 38 % de la capacité totale à l’horizon 2030 !

Pour France Hydrogène, ce niveau élevé, bien au-dessus des perspectives initiales, est notamment lié aux objectifs européens de déploiement des RNFBO14 dans les transports (au global), de RED III (2,6 % d’ici 2030 – proposition de la Commission) et plus encore du plan RePowerEU (5,7 % d’ici 2030), ainsi qu’à l’établissement (en cours) d’objectifs sectoriels pour l’aéronautique (ReFuelEU Aviation) et le transport maritime (FuelEU Maritime). 

En effet, sur leurs usages les plus importants (porte-conteneurs, vraquiers, avions long-courriers, etc.), ces deux secteurs sont particulièrement difficiles à électrifier et disposent donc d’un nombre d’options réduit. L’hydrogène et ses dérivés, les efuels, en font partie, ce qui amène ces secteurs à s’y investir. Plus spécifiquement, pour le secteur de l’aviation, dans sa proposition de règlement ReFuelEU Aviation, la Commission introduit un quota de 0,7 % d’efuels renouvelables dans l’aviation à 2030, et un objectif de 5 % en 2035. Sur la base d’une consommation de kérosène en France de l’ordre de 7 millions de tonnes par an en 2019, cela induit un besoin d’environ 50 000 tonnes d’ekérosène par an, soit entre 15 000 et 30 000 tonnes d’hydrogène à 2030 hors croissance du trafic aérien. À 2035, la quantité d’hydrogène nécessaire à la fabrication de carburants synthétiques passerait de 105 000 à 210 000 tonnes par an, ce qui induit le lancement de projets de grande envergure dès la fin de la décennie et s’inscrit bien dans le fort déploiement du secteur des molécules de synthèse. Ces ordres de grandeur montrent que le respect de cette règlementation nécessite bien le déploiement de capacités significatives de production d’hydrogène renouvelable dès à présent.

Dans le cas du secteur maritime, il n’y avait pas de quota règlementaire équivalent. Néanmoins, le 20 octobre 2022, le Parlement européen a adopté une cible de 2 % de RFNBO à 2030, qui sera désormais discutée dans le cadre des négociations en trilogue avec le Conseil et la Commission européenne.

Production d’efuel

Cependant, la mise en place de filières de production d’efuels en France impliquera des projets d’écologie industrielle et territoriale d’envergure, intégrés sur l’ensemble de la chaîne de valeur (production électrique décarbonée, production et stockage d’hydrogène, captage et valorisation du CO2, transport et distribution, conversion des nouveaux usages, etc.).

Certains projets sont clairement identifiés avec la constitution de consortiums d’acteurs complémentaires, comme le projet REUZE entre ENGIE, Infinium et ArcelorMittal pour convertir 300 000 tonnes de CO2 en 100 000 tonnes de efuel sur le port de Dunkerque17 ou encore le projet Hynovi, sélectionné par l’État dans le cadre du PIIEC Hydrogène et en cours de notification auprès de la Commission européenne, développé par Hynamics, groupe EDF, en partenariat avec le cimentier Vicat sur la cimenterie de Montalieu en Isère. En complément de la production de 200 kt de méthanol de synthèse par an produit grâce à un électrolyseur de 330 MW et 300 kt de CO2 fatal captés, l’oxygène co-produit par l’électrolyseur sera valorisé dans les fours de la cimenterie dans un procédé d’oxycombustion favorisant la concentration de CO2 dans les fumées et donc son captage. D’autres projets restent plus prospectifs, mais révèlent un important potentiel de décarbonation.

Électrolyse et matières organiques

Il est important de noter que les efuels « made in France » devront faire face à une concurrence mondiale de plus en plus forte : le coût de l’hydrogène électrolytique dépend avant tout du coût de l’électricité utilisée pour la production d’hydrogène décarboné par électrolyse de l’eau. Du fait d’un coût très compétitif du photovoltaïque dans les pays très ensoleillés, il est envisagé par certains industriels majeurs de produire l’hydrogène sur place puis de l’importer, parfois sous forme d’hydrogène cryogénique mais surtout sous forme de molécules de synthèse (ex. : ammoniac) pour en diminuer les coûts de transport, avec un défi à relever : l’accès aux quantités de carbone nécessaires (mais pas pour l’ammoniac !).

Il est à noter que d’autres modes de production d’hydrogène, notamment à partir de matières organiques, permettent dans leur process de produire carburant et engrais de synthèse et de séquestrer du carbone.

Ekérosène : investissement

SWEN Capital Partners annonce investir dans Arcadia efuels au travers de son fonds SWEN Infrastructure Fund for Transition 2 (SWIFT 2), un fonds à impact dédié aux gaz renouvelables. Cet investissement servira à développer des installations test de production de ecarburant pour l’aviation avec pour objectif de produire jusqu’à 100 millions de litres en 2027.

Créée en 2021, Arcadia efuels s’est donné pour mission de décarboner les secteurs faisant face à d’importants enjeux de transition tels le transport lourd ou l’aviation. Le changement climatique est devenu le sujet numéro un dans le secteur de l’aviation, les compagnies aériennes subissant une pression publique et politique croissante au niveau mondial pour réduire les émissions de carbone. Alors que l’industrie aérienne s’est officiellement engagée à atteindre une émission nette de carbone nulle d’ici 2050, et que la législation européenne en vigueur impose l’utilisation de carburants durables, et plus particulièrement d’ekérosène, d’ici 2030, Arcadia eFuels et SWIFT 2 répondent à cette demande en unissant leurs forces pour développer des carburants moins carbonés.

Les ecarburants sont produits en utilisant de l’électricité renouvelable pour fabriquer de l’hydrogène vert, puis en combinant l’hydrogène avec du dioxyde de carbone provenant de la capture directe de l’air et/ou d’autres sources de carbone biogénique pour produire du gaz de synthèse. Le gaz de synthèse est ensuite transformé en ecarburant par la méthode de Fischer-Tropsch et raffiné pour produire du ekérosène, du ediesel et du enaphta.

L’investissement réalisé par SWEN Capital Partners va financer le développement de sites de production d’ecarburants qui fourniront à l’industrie aéronautique le carburant à faible émission de carbone (ekérosène) dont elle a tant besoin. Le premier projet d’Arcadia, situé à Vordinborg, au Danemark, devrait commencer à fonctionner à partir de 2026, et être suivi de deux autres usines par an en 2026/2027. La production de chaque usine a été estimée à 100 millions de litres par an ou 75 000 tonnes métriques d’ecarburants. 

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