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Digestat et retour au sol : de nouveaux outils

L’épandage des digestats sur les sols pose la question de la préservation de la fertilité biologique et de la qualité sanitaire des sols agricoles. Or la composition du digestat varie en fonction des intrants, du fonctionnement de l’installation et des traitements de séparation de phase notamment. Des études et des outils sont disponibles ou en cours d’élaboration.

Sous-produit de la méthanisation en parallèle au biogaz, le digestat a des propriétés fertilisantes et amendantes déjà bien connues, qui permet de remplacer en grande partie les engrais synthétiques gros consommateurs d’énergie. Mais selon les intrants, les digestats diffèrent dans les proportions NPK (azote, phosphore et potassium) et dans le retour au sol du carbone.

Digestat : un trésor agronomique

Pour les agriculteurs, qualifier son digestat ou celui d’unités apportés sur les sols de manière plus précise permettra de l’utiliser au mieux pour une pratique agricole durable. En effet chaque matière épandue sur un sol agricole peut avoir un impact sur sa microbiologie, sa structure et/ou sa composition minérale. Les premiers retours d’expérience et état de l’art scientifique sont rassurants et proposent des pistes pour améliorer les connaissances dans ce domaine.

GRDF nous rappelle ainsi l’étude bibliographique intitulée Impact des digestats de méthanisation sur la qualité microbiologique des sols agricoles, fait le bilan de l’intégralité de la bibliographie des études actuellement disponibles dans lesquelles sont pris en compte pas moins de 23 paramètres microbiologiques. Une comparaison notamment est établie entre l’impact potentiel de digestats et celui lié à l’usage de fertilisants de synthèse habituels. Cet article a été publié en avril 2022 dans la revue de référence Environmental Chemistry Letters. En complément, la thèse MéthaEAU, dont les résultats seront disponibles en octobre 2024, propose une première étape de modélisation des flux d’azote à l’échelle du bassin-versant. Elle sera ensuite utilisée pour simuler l’impact des modifications de pratiques de fertilisations liées au déploiement de la méthanisation sur un territoire.

Le projet Métha-BioSol 

Mais en cette fin d’année 2023, c’est le projet national en cours Métha BioSol associant l’INRAE et GRDF, ainsi que de nombreux partenaires comme les chambres d’agriculture de Bretagne, qui est attendu. Les premières publications scientifiques ont paru avec un poster de présentation des premiers résultats du projet Metha BioSol et il devrait bientôt fournir sur son site (fin 2023 ?) une étude complète des impacts de retour au sol des digestats mesurés en fonction des intrants. Celle-ci évaluera les effets des pratiques d’épandage de digestats issus de méthanisation sur la qualité biologique des sols agricoles. Grâce à des acteurs volontaires à différentes échelles, les expériences d’observation sont à la fois menées en laboratoires (conditions contrôlées), sur des sites expérimentaux et même dans de véritables exploitations agricoles, au plus proche de la réalité du terrain. L’expertise concentre de nombreux indicateurs tels que la diversité des micro/macro organismes présents dans les milieux. (1)

La première publication disponible sur ce site indique : « Cependant, l’effet des digestats sur le biotope du sol, en particulier sur les micro-organismes, doit être mieux documenté avant une utilisation à grande échelle des digestats dans l’agriculture. En outre, la manière dont la qualité et la composition du digestat peuvent affecter les communautés microbiennes du sol n’a pas encore été correctement étudiée. Nous avons conçu une expérience en microcosme dans des conditions expérimentales contrôlées pour comparer les effets (42 jours) de quatre digestats produits à partir de différents apports (fumier de bovins et/ou cultures énergétiques et/ou résidus alimentaires et/ou lisier) sur les communautés microbiennes du sol ; un microcosme témoin composé de fumier de bovins non digéré a également été utilisé. Chaque digestat a été appliqué sur trois sols contrastés représentant des conditions pédoclimatiques contrastées (en particulier le type de sol et le climat). Ces trois sols présentaient des structures de communautés procaryotes et fongiques différentes. L’effet des apports de digestat sur la biomasse et la diversité microbienne du sol a été évalué à l’aide d’outils moléculaires basés sur l’ADN (quantification de l’ADN extrait du sol et séquençage à haut débit, respectivement) en comparaison avec la condition témoin de fumier de bovins non traité.

Nos résultats montrent que 42 jours après l’épandage du digestat, des différences significatives des communautés microbiennes du sol ont été observées en fonction des caractéristiques du digestat et du sol. Ainsi, dans le sol limono-argileux, aucun effet des digestats n’a été observé sur la biomasse ou la diversité microbienne du sol (P>0,05) par rapport au fumier bovin non digéré. Dans les deux autres types de sol (loam et loam sableux), la biomasse microbienne du sol a diminué (environ ‑40 %, P<0.001) lorsque des digestats ayant une faible teneur en carbone organique total (de 0,61 à 3,3 g/100g‑1) ont été appliqués. Aucun des digestats n’a affecté la diversité procaryotique du sol, quel que soit le type de sol (P>0,05). L’application de digestats a entraîné une plus grande diversité fongique (+35 % environ, P<0,001) dans les sols à faible rapport C/N (9,14 en moyenne). La structure de la communauté microbienne des sols à texture grossière semble plus affectée par les apports organiques que les sols à texture fine. En conclusion, nos résultats montrent que différents types de sols, abritant des structures de communautés microbiennes distinctes, ont répondu différemment à l’application de différents digestats. Cette réponse était également dépendante du digestat. »

Guides et outils 

Parallèlement aux études, des guides et des outils ont été développés pour mieux qualifier et utiliser son digestat. Ainsi le Guide des bonnes pratiques d’utilisation des digestats explique les caractéristiques des digestats, l’encadrement réglementaire de leur usage et les recommandations de valorisation (coefficient équivalence, calendrier des périodes favorables selon les cultures, préconisations matérielles). Il est à la fois un outil d’information qui dresse un état des lieux des connaissances sur les intérêts et impacts du digestat, et un outil de formation des agriculteurs qui doit les aider à valoriser au maximum le digestat, dans le respect de la réglementation, et pour le bénéfice de tous.

Ce guide vise donc à fournir des réponses à des agriculteurs, conseillers, bureaux d’études, et plus largement à l’ensemble de la filière agricole et de la filière méthanisation, qui ont des questions spécifiques sur l’épandage du digestat en milieu agricole. Il vise également à les sensibiliser aux enjeux de l’utilisation des digestats et à les informer sur les bonnes pratiques à déployer pour mieux maîtriser les impacts et optimiser les intérêts agronomiques et économiques.

L’outil Concept-Dig

L’INRAE a également créé un outil permettant d’évaluer la composition des digestats et la classification de ceux-ci dans une catégorie d’utilisation agronomique : l’outil Concept-Dig.

Grâce à lui, l’utilisateur sera sûr de maximiser le potentiel de ses digestats ! Son utilisation est très simple : il suffit d’entrer les différents intrants incorporés dans le digesteur et leur quantité en tonnes pour découvrir le potentiel amendant ou fertilisant du digestat obtenu en sortie. Cet outil a été conçu par l’ADEME et l’INRAE en France. C’est un outil d’aide à la conception de filières de valorisation des digestats de méthanisation. Cet outil a pour objectif d’aider les utilisateurs à identifier les moyens les plus appropriés pour valoriser les digestats en fonction de leurs propriétés agronomiques et fertilisantes. Il offre également une base de données sur les digestats, les cultures et les différentes technologies de valorisation des digestats.

En complément, le projet FertiDig fournira des fiches d’utilisation propres à chaque typologie de digestat. Ainsi, la valorisation agronomique sera optimale tout en limitant l’impact sur les sols. Il permettra d’améliorer la connaissance du retour au sol des digestats, selon leurs valeurs agronomiques et sanitaires. Ces fiches ainsi qu’un site web dédié seront disponibles fin 2023.

Les entreprises spécialisées en analyse et suivi biologique comme Wessling ou Innolab peuvent également accompagner agriculteurs et exploitants d’unité de méthanisation pour qualifier de manière précise les digestats afin d’assurer un retour au sol optimal.

1) https://metha-biosol.hub.inrae.fr/

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