La gazéification hydrothermale (GH) est une technologie de valorisation de déchets humides, mais aussi avec addition d’eau de déchets plus secs. Elle permet de valoriser des résidus et déchets d’effluents organiques de manière très complète en offrant un gain économique intéressant. Elle pourrait être une bonne solution pour les biodéchets des collectivités. Très impliqué dans cette technologie, GRTgaz nous en explique le process et les avantages.
La gazéification hydrothermale est une des trois filières de production de gaz renouvelable et bas-carbone soutenue par GRTgaz, convertissant des déchets en gaz. Cette technologie innovante permet le traitement et la valorisation des déchets (humides, liquides et secs en mélange) encore assez riches en matières organiques. Elle apporte des solutions pour le développement de l’économie circulaire dans les territoires. Le potentiel de déchets mobilisables pour la gazéification hydrothermale est estimé à au moins 150 millions de tonnes/an en France.
Le principe
La gazéification hydrothermale est un procédé de conversion thermochimique à haute pression (210 à 350 bars) et haute température (360 à 700 °C) qui permet de convertir des biomasses liquides (humides ou liquéfiées par ajout d’eau) présentant de faibles taux en matière sèche en un gaz de synthèse riche en méthane qui, après épuration, peut être injecté dans les réseaux de gaz. Ce syngaz est un mélange composé principalement de méthane, d’hydrogène et de dioxyde de carbone. Sa composition varie en fonction des caractéristiques de l’intrant traité, du procédé (avec ou sans catalyse intégrée) et du fonctionnement opérationnel (débit, temps de séjour, présence ou non d’un séparateur de sels). Ainsi elle est aussi bien capable de produire un gaz de synthèse riche en méthane (40 à 70 %), hydrogène (5 à 30 %) et CO2 (20 à 30 %) que de récupérer la quasi-totalité du contenu initial de l’intrant en eau, métaux, sels minéraux (phosphore, potassium…) et azote pouvant être transformés en fertilisants biogéniques. Cette technologie permet de traiter de nombreux déchets de biomasse en détruisant les composants nuisibles (virus, pathogènes…), en préservant au maximum les ressources valorisables (minéraux dont métaux) tout en réduisant au strict minimum la quantité des déchets ultimes (métaux lourds, inorganiques).
Les gisements
Parmi les déchets de biomasses humides visés, on retrouve :
- es boues issues des stations d’épuration (STEP) d’eaux usées urbaines et industrielles et les boues de dragage ;
- es digestats issus d’installations de méthanisation ;
- es effluents agricoles dont les effluents d’élevages ;
- es effluents organiques industriels (agro-alimentaires, chimiques, papetiers, pharmaceutiques…) ;
- es déchets organiques humides urbains (biodéchets…).
Avantages
La gazéification hydrothermale valorise des déchets et résidus humides en gaz renouvelable, en fertilisants et en eau. Cette technologie réduit ainsi fortement la quantité des déchets ultimes. Elle offre un potentiel très important pour développer l’économie circulaire pour le cas de la valorisation des boues de stations d’épuration. C’est un moyen de production locale de gaz renouvelable participant à la décarbonation des territoires. La gazéification hydrothermale permet de transformer des déchets en ressources valorisables servant aussi bien à rééquilibrer la balance énergétique et économique d’un territoire en substituant le recours aux énergies fossiles, et en réduisant le transport de déchets ultimes. Selon les toutes premières installations analysées à l’étranger, la technologie devrait permettre d’atteindre des bilans carbone et analyses de cycle de vie particulièrement performants. Cette technologie minimise l’impact sur l’environnement et la qualité de l’air.
Le procédé fonctionne sans apport d’air dans un circuit fermé, ne génère aucun polluant atmosphérique (NOx, CO, poussières), élimine tout composé indésirable (micro-organismes pathogènes, micropolluants, etc.) et ne génère que de faibles nuisances sonores et olfactives.
Élimination des plastiques
La technologie ne convertit pas seulement presque tout le carbone contenu naturellement dans l’intrant mais aussi l’éventuelle présence de microplastiques en un gaz riche en méthane, ce qui semble être très adapté aux biodéchets.
L’eau résiduelle du procédé peut être amenée par une filtration adaptée jusqu’à un niveau d’eau potable et ainsi substituer le recours à des ressources précieuses d’eau utiles par ailleurs.
La récupération des sels minéraux (phosphore, potassium…) et de l’azote contenus dans l’intrant biogénique transformés en fertilisants facilement dosables permet de substituer le recours à des fertilisants ou des engrais d’origine fossile, et d’éviter leur dissipation dans l’air ou la nappe phréatique par effet de surdosage, ce qui arrive généralement avec d’autres fertilisants naturels (digestats, lisier, fumier).
Éviter l’incinération
Malgré leurs taux d’humidité très élevés, bon nombre de biomasses humides se retrouvent éliminées dans des unités de valorisation énergétique (UVE) ou des fours hautes températures (cimenterie…), et certaines sont enfouies. Parmi celles-ci se trouvent des boues de STEP, des farines animales, des boues industrielles classées comme « dangereuses » etc. Ce recours à l’incinération (= combustion) est problématique à plusieurs niveaux et peut être évité par la gazéification hydrothermale car, même s’il existe un réseau de chaleur permettant la valorisation potentielle de la chaleur générée, l’intrant humide doit être déshydraté en amont de sa combustion, consommant donc une part non négligeable de l’énergie qu’il apporte à la combustion. De plus, la valorisation de la chaleur est très variable selon la saison et n’est stockable qu’en quantités limitées, à l’inverse du gaz renouvelable qui l’est facilement dans les réseaux de gaz toute l’année. Par ailleurs, la combustion à très haute température (> 1000 °C) génère des cendres et des gaz très polluants et toxiques nécessitant des traitements très onéreux pour minimiser l’impact sur l’environnement. Enfin, l’incinération détruit toutes les ressources contenues dans l’intrant et rend leur valorisation quasi impossible.
Industrialisation
Une fois le seuil de son industrialisation franchi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, l’objectif de la filière de gazéification hydrothermale française est de proposer un modèle industriel basé sur le service de traitement des déchets, la valorisation énergétique, la retransformation des ressources précieuses récupérées en produits valorisables et ceci pour un large panel d’intrants à l’échelle du territoire. Cette parfaite intégration à la bioéconomie locale est possible grâce au déploiement d’unités flexibles, modulaires et compactes minimisant les surfaces au sol occupées.
La filière est également créatrice d’emplois directs et indirects et non délocalisables fédérant une pluralité d’acteurs sur l’ensemble de la chaîne de valeur pour la conception, la construction, la mise en route de l’ouvrage aussi bien pour les briques « cœur de process GH » que les briques de « prétraitement des déchets » en amont et de « traitement de gaz », et la « récupération des sortants » en aval du procédé, la transformation des sortants et leur revalorisation en différents co-produits liquides et solides au niveau local, l’approvisionnement des déchets dans les environs. Elle offre également des opportunités de développement à l’export aux TPE et PME françaises, en pointe sur les briques innovantes de la chaîne de valeurs.
Développement de la filière
« Convaincu du fort potentiel de la gazéification hydrothermale, GRTgaz s’engage pour la mise en œuvre d’une filière industrielle sur tout le territoire national d’ici 2026/2027. Notre défi aujourd’hui est d’accélérer la structuration de la filière, le développement des technologies made in France, la réalisation de projets pilotes et de démonstrateurs, ainsi que le lancement d’un AMI (Appel à manifestations d’intérêt) suivi d’un AAP (Appel à projets) propre à cette technologie doté d’un mécanisme de soutien public permettant la réalisation de premiers projets industriels d’ici 2026 – 2027 » explique Robert Muhlke, responsable Gazéification hydrothermale à GRTgaz.
En Europe
En Europe, plusieurs acteurs ont déjà réalisé ou sont en train de développer des projets pilotes et démonstrateurs de gazéification hydrothermale. Aux Pays-Bas, SCW Systems, l’acteur le plus avancé, a déjà réalisé en 2022 son premier projet industriel. Étant le plus grand au monde, il sera capable, après avoir passé avec succès sa phase de mise en route approfondie en 2023, de convertir dès 2024 jusqu’à 120 000 tonnes de déchets par an en une production de gaz injectable allant jusqu’à 140 GWh par an.
En France
En France, l’industrialisation de la gazéification hydrothermale se prépare en plusieurs étapes. La première a été la publication en février 2023 d’un Livre blanc, rédigé par une dizaine d’acteurs de la filière sous le pilotage de GRTgaz et pour le compte du GT GH (Groupe de travail national gazéification hydrothermale). Ce groupe réunit des développeurs de la technologie, équipementiers, intégrateurs, spécialistes du traitement des déchets et des eaux usées, gaziers, gestionnaires de réseau, clients industriels, collectivités locales, associations professionnelles et bureaux d’études.
Le rapport dresse l’état des lieux de la gazéification hydrothermale et ses perspectives de développement en France d’ici 2030. Il démontre le potentiel de cette technologie émergente, en abordant tous ses aspects : gisements de déchets valorisables, potentiel de production, acteurs de la chaîne de valeur, bilan économique, etc.
La prochaine étape, d’ici 2024, consiste à porter d’abord un Appel à manifestations d’intérêt suivi d’une demande de lancement d’un Appel à projets doté d’un mécanisme de soutien public permettant de concrétiser des premiers projets industriels à horizon 2026 – 2027 et de démontrer la pertinence de la technologie et de la filière aux pouvoirs publics.
En parallèle, GRTgaz soutient l’émergence d’un projet de démonstration de gazéification hydrothermale à partir de boues de station d’épuration et d’autres déchets d’origine biomasse générés sur le territoire de la CARENE, la communauté d’agglomération de Saint-Nazaire. Le projet dont la réalisation est visée d’ici 2025 doit permettre de tester le procédé et d’optimiser la conception de la technologie. Pour son développeur technologique français, l’objectif final est de parvenir à sortir un premier produit industriel destiné à être commercialisé ensuite en France et à l’étranger.
Objectifs en France :
2024 – 2025 : premiers projets pilote et démonstration
2026 – 2027 : premiers projets industriels
2030 : capacité de production de gaz renouvelable et bas-carbone injectable dans le réseau : ≥ 2 TWh/an
2050 : capacité de production de gaz renouvelable et bas-carbone injectable dans le réseau : ≥ 50 TWh/an
Tous documents GRTgaz, voir site :
https://www.grtgaz.com/nouveaux-gaz/gazeification-hydrothermale