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Autoconsommation : avenir du photovoltaïque ?

Le coût d’une centrale photovoltaïque a été divisé par six en une décennie. Nous arrivons aujourd’hui au croisement des courbes du coût du kilowattheure vendu par les opérateurs et de celui produit par centrale solaire. Dans un souci d’autonomie et de circuit court énergétique, la question peut donc légitimement se poser : faut-il faire de l’autoconsommation en photovoltaïque ?

L’investissement dans une centrale solaire pour de l’autoconsommation commence à prendre du sens. Alors que la trajectoire du coût de production « classique » de l’électricité s’oriente vers des hausses importantes, autour de 0,13 €/kWh (selon tarification), le coût de production de l’électricité photovoltaïque ou issue de panneaux solaires varie autour de 0,10 €/kWh (selon les régions et les coûts d’emprunt et d’amortissement). L’ADEME estimait même à 80 € le coût du mégawattheure sur toiture (hors coûts financiers) pour 2018. L’autoconsommation d’énergie électrique produite sur place, outre qu’elle permet d’éviter les 10 % de pertes en ligne sur le réseau et d’offrir une autonomie énergétique, se révèle donc économiquement viable, avec les aides de l’État et de certaines régions sur l’investissement ou les études préalables. En revanche, le surplus de production à injecter au réseau n’est pas favorisé aujourd’hui, avec un prix à la revente de 0,06 €/kWh (au-delà de 9 kWc), et surtout sans aucune indexation sur des contrats à long terme !

Dimensionner la production selon la consommation

Sans revente du surplus, il est impératif de dimensionner son installation… par rapport à sa consommation !

Les courbes de production d’électricité photovoltaïque (ou de solaire thermique) sont aujourd’hui connues. Des associations comme l’APEPHA ou le BDPV ainsi que les professionnels de mesures possèdent des bases de données précises sur la production en fonction de l’année et de la journée sur tout ou partie du territoire. En l’occurrence, s’il existe de fortes disparités quotidiennes, les courbes mensuelles et surtout annuelles ne varient que peu.

Un projet d’autoconsommation isolé doit être assorti d’une étude au cas par cas pour ajuster la production estimée à sa propre consommation. Pour un particulier, il peut s’agir de consommer l’électricité aux heures de forte production grâce à la programmation domotique. Il peut aussi être intéressant de produire de l’eau chaude avec du solaire thermique (un stockage d’énergie pour la journée). Pour un bâtiment de bureaux, une consommation pendant la journée (donc pendant la production solaire) permettrait d’atteindre 40 % d’autoconsommation. Pour des bâtiments industriels, cela dépend évidemment de l’activité. En agriculture (où l’on dispose de grandes surfaces de toitures), il est difficile de dépasser 20 % d’autoconsommation. Pour un élevage laitier dont les consommations sont fortes le matin et le soir, on peut adapter une toiture orientée est-ouest (et non sud), mais pour un élevage porcin qui a des besoins de chauffage et de ventilation 24 h/24, on dimensionnera au minimum. Il est aussi possible de différer son utilisation d’énergie dans la journée.

Injection et stockage

Comme on le voit, une installation d’autoproduction isolée et sans injection dans le réseau ne peut être dimensionnée que sur la consommation la plus basse ; le pourcentage d’autoconsommation reste donc  faible. De ce fait, pour une rentabilité optimale, une autoconsommation devrait être, à notre avis, soit collective, soit couplée avec de l’injection et/ou du stockage. Mais, en France, le surplus à injecter dans le réseau en mode autoconsommation est mal payé et les coûts de raccordements sont souvent prohibitifs.

Des projets d’autoconsommation collective existent, mais rencontrent encore beaucoup d’obstacles. Citons pour exemple le site pilote de Pénestin, dans le Morbihan. La production des panneaux installés sur des bâtiments communaux est autoconsommée, mais aussi partagée avec 12 entreprises de la zone et une cinquantaine d’habitations situées à proximité. Les consommations différentes au cours de la journée optimisent l’autoconsommation. Le surplus de production est vendu à une coopérative énergétique (Enercoop Bretagne).

Autre possibilité, une production couplée à un stockage serait plus performante et répondrait à plus de situations, le stockage permettant en effet de lisser et d’équilibrer la production. Pour une production isolée, le stockage sur batterie est aujourd’hui la solution la plus simple (mais toujours coûteuse), et un stockage par eau chaude peut différer la consommation pour certains usages. On peut également imaginer un stockage mutualisé à une échelle optimale (par zone d’activité, commune ou lotissement, par poste transformateur…) par une production d’hydrogène par exemple. Ce stockage plus large impose d’opter pour l’autoconsommation avec injection du surplus dans le réseau.

L’union nécessaire

Malheureusement, en France, en 2019, les coûts de raccordement bloquent encore de nombreux projets. Quant aux tarifs bas de rachat du surplus proposés par l’État, ils n’encouragent pas ce couplage autoconsommation/injection, qui offre pourtant l’avantage de lisser la production d’énergie intermittente.

Dans une perspective de planification, il serait utile que, à l’instar de ce qui se passe dans la méthanisation, l’ensemble des acteurs publics et privés se réunissent régionalement pour envisager un déploiement intelligent de la production d’énergie photovoltaïque, répartie entre autoconsommation, injection et stockage à leurs échelles optimales respectives. Si tous les acteurs agissaient de concert, il serait possible d’envisager une autoconsommation avec une « récolte » territoriale des excédents, pour une consommation ou un stockage à une échelle plus large.

Photo ci-dessus : À Pénestin, l’électricité fournie par l’installation communale est consommée localement par des entreprises et des habitations.

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