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Voitures électriques et dépendance aux métaux

La croissance continue du marché des voitures électriques fait monter les cours de certains métaux. Le nickel est un exemple particulièrement frappant. Les investisseurs misent sur une plus grande électrification encore du monde. Pour nos pays occidentaux très dépendants des métaux, la question des choix industriels et politiques face à la transition énergétique et écologique se pose plus que jamais.

Le London Metal Exchange a donné le ton. De janvier à septembre 2019, le cours du nickel a bondi de plus de 70 %, passant de 10 800 à 18 625 dollars la tonne. Or ce métal joue un rôle important dans les véhicules électriques, bien plus que le lithium, le cobalt ou les terres rares. BloombergNEF a d’ailleurs indiqué que des constructeurs comme Tesla, LG Chem ou BMW choisissent aujourd’hui des cathodes à haute teneur en nickel pour accroître la densité des batteries. De fait, la demande pourrait être multipliée par neuf d’ici à 2030. Tesla, Daimler, Toyota ou encore Volkswagen souhaitent, à terme, se lancer dans l’exploitation minière afin de contrôler leurs approvisionnements en métaux. Il faut dire que les ventes de voitures électriques représentaient, en 2018, 2 % du marché mondial, avec un taux de croissance continu et de belles perspectives.

Or le prix d’un véhicule électrique est lié à celui de sa batterie dont le coût de fabrication dépend des matériaux qui la composent. Au départ, les batteries étaient surtout constituées de cobalt, puis de nickel-manganèse-cobalt. Aujourd’hui, le nickel domine : 80 % de nickel, 10 % de manganèse et 10 % de cobalt dans la dernière génération de cellules (NMC 811). Si toutes les voitures vendues étaient électriques, il faudrait doubler la production mondiale de nickel, tripler celle du cobalt et augmenter celle du cuivre de 20 %.
Le rythme est difficilement soutenable : économiquement, avec des cours de métaux capricieux et sensibles ; écologiquement, avec l’épineuse question du recyclage des batteries. Il l’est aussi humainement, avec par exemple le travail des enfants dans certaines mines de cobalt en République démocratique du Congo.

L’origine du problème

Pour l’instant, la batterie porte en elle les germes du problème : sa fabrication nécessite des métaux dont l’exploitation n’est pas toujours propre et dont le recyclage n’est pas évident. L’objectif serait alors de se libérer de ces métaux et de dépasser la trilogie nickel-manganèse-cobalt. La batterie lithium-solide avec une anode en lithium métallique est une piste. Des chercheurs de l’université de Stanford viennent de trouver un substrat qui stabilise le lithium métallique, l’empêche de former les fameuses dendrites, protubérances qui percent la barrière séparant les côtés positif (cathode) et négatif (anode) de la batterie, provocant un court-circuit. Pour autant, cette technologie est coûteuse et n’est pas encore fiable à 100 %.

Si le véhicule hybride a souvent été présenté comme une solution, il cumule en réalité deux problèmes : la pollution due à l’énergie fossile et les métaux coûteux qui le composent, dont ceux de la batterie (platine, palladium, rhodium, nickel, cuivre, etc.).

Si la demande est toujours plus importante, boostée il est vrai par les politiques publiques qui favorisent la voiture électrique, l’offre minière risque de ne pas pouvoir fournir les constructeurs. L’Indonésie par exemple, premier producteur de nickel au monde, a récemment annoncé qu’elle souhaitait interdire les exportations de nickel en 2022 ce qui a immédiatement entraîné de gros volumes d’achats de contrats sur le marché chinois. La Chine en effet est le premier importateur mondial de nickel. En 2017, elle en a consommé 849 000 tonnes, essentiellement pour alimenter les fours de l’acier inoxydable et les batteries des véhicules électriques. Ces métaux pourraient devenir rares, plus coûteux, et réservés aux États qui en feront des métaux stratégiques. Notons toutefois que l’Indonésie, avec cette déclaration, s’est peut-être lancée dans une sorte de chantage afin d’attirer les investisseurs en jouant sur la crainte d’une pénurie de nickel.

Changer de modèle

Finalement, c’est un mouvement inverse qu’il faut opérer : l’offre doit fixer les limites et la demande s’adapter. Si la construction d’un véhicule électrique nécessite plusieurs fois la quantité de certains métaux par rapport à un véhicule à essence, les constructeurs doivent limiter la production de véhicules électriques.

Il s’agit aussi, et pour accompagner ce mouvement, que nous acceptions d’autres modèles de mobilité comme les voitures électriques autonomes ultraconnectées en autopartage, mais aussi d’autres sources d’énergie pour un mix énergétique beaucoup plus équilibré qu’il ne l’est actuellement.

Les progrès techniques et les avancées technologiques permettent déjà de réaliser des projets viables, en adéquation avec la transition énergétique et écologique. L’arrivée de la 5G et de ses nombreuses promesses, l’Internet des objets et l’interconnexion des véhicules, des villes, des personnes, des routes, et l’intelligence artificielle, nous permettront, dans un avenir proche, de nous libérer de notre dépendance à ces métaux et donc de leur consommation excessive.

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