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Méthanisation collective : à 22, c’est mieux !

Le projet Méthasânon ne regroupe pas moins de 22 exploitants agricoles dans un rayon de 10  kilomètres autour d’Einville-au-Jard, en Meurthe-et-Moselle. Sept années ont été nécessaires de l’idée à la production des premiers normo mètres cubes de biogaz injectés dans le réseau. Un projet soutenu par les élus et les institutionnels, mais qui a rencontré une opposition de riverains.

Nous avons rempli le digesteur début décembre et espérons produire nos premiers normo mètres cubes (Nm3) de gaz en début d’année », indique Jean-Luc Marchal, l’un des 22 exploitants de l’unité de méthanisation Méthasânon, située dans la communauté de communes du Sânon. Un projet collectif atypique puisqu’il a nécessité de mettre en place une organisation pour regrouper les 22 exploitations, souvent en GAEC, et leurs 45 interlocuteurs.
 
Projet collectif : mode d’emploi
 
À l’origine du projet, une réunion en 2013 à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle réunit les exploitations de l’établissement public de coopération intercommunale pour une information sur la méthanisation. Dès le départ, les 22 exploitations participantes sont présentes et… le courant passe. L’idée germe vite : pourquoi ne pas lancer un projet collectif ? Oui, mais, comment s’organiser ? « La chambre d’agriculture nous a épaulés dans notre démarche. Nous avons choisi de monter une SAS, une structure souple, avec un principe de base pour voter les décisions : une exploitation, une voix. Nos 22 exploitations sont de nature et de taille très différentes, entre polyculture, céréaliers et éleveurs de bovins ou d’ovins. Il était donc nécessaire d’envisager une répartition équitable des parts de la société. Nous avons donc décidé de le faire en fonction de l’apport du gisement et du potentiel méthanogène de chacun. » En effet, on peut comprendre que ce potentiel influera sur la production de biogaz. Le groupe fait donc appel à un spécialiste en la matière, le biologiste belge Michel Lievens, qui étudie les quantités et les qualités d’intrants de chaque exploitation. Résultat : une disparité de potentiel méthanogène apporté allant de 1 à 25 entre la plus petite exploitation et la plus importante !
 
L’étape d’analyse des potentiels méthanogènes des intrants a été l’une des clés de ce projet. Il a permis la répartition des parts, mais aussi le dimensionnement, le tout sous le regard attentif des financiers quant à la rentabilité du projet,  son retour sur investissement et la quantité potentielle de biogaz produit. La volonté des associés d’être totalement autonomes en intrants et l’engagement en apport des 22 exploitants ont conforté le soutien des banques et des subventionneurs (ADEME, région, Fonds européen de développement régional), « des organismes qui nous ont vraiment soutenus dans notre projet », insiste Jean-Luc Marchal.
 
La méthanisation enrichit l’agriculture
 
Le gisement de 121 tonnes/jour a permis de dimensionner le projet avec une prévision de production de 210 Nm3. Le pourcentage important de fumier pailleux a conduit le collectif à prévoir une préfosse d’incorporation. L’installation comporte un digesteur de 9 000 m³ et un postdigesteur (utilisé aussi en stockage), pour un temps de séjour de 80  jours (potentiel de 160 jours au total sur les deux cuves). Pour la bonne ration, c’est simple : « Quand on sait nourrir une vache, on sait nourrir un digesteur ! », explique non sans malice Jean-Luc Marchal. Pour créer cette installation, nous avons su nous entourer de professionnels compétents dans les différents domaines. C’est vrai pour l’aspect juridique (avec notre centre de gestion) et pour la partie technique  : digesteur, préfosse, épuration, traitement du digestat… »
 
L’autre clé fondamentale, c’est que cette unité apporte de nombreux avantages à chaque exploitation : pérennisation financière, aide à l’installation des jeunes, plus concrètement, la mise aux normes de l’exploitation pour le développement d’un atelier laitier. La méthanisation, c’est aussi une valorisation du fumier en digestat, avec une réduction de 40 % de l’approvisionnement extérieur en engrais !
 
Riverains : entre méconnaissance et peur ?
 
L’injection au réseau a été retenue rapidement, l’utilisation de chaleur n’étant pas vraiment valorisable sur une seule exploitation ni à l’échelle du groupement. De ce fait, l’implantation s’est faite naturellement sur la commune principale qui était également la seule desservie par le réseau gazier doté du potentiel d’absorption de la production, les distances d’approvisionnement n’excédant pas 10 à 11 kilomètres. Le site de l’installation est situé à 950 mètres des premières habitations et a suscité l’opposition d’un groupe de riverains : peur du nombre de camions, des nuisances olfactives et de la dévalorisation de leur bien. « Nous nous sommes lancés dans de nombreuses démarches d’explications, des réunions d’information, une maquette ; nous avons même proposé à ceux qui le souhaitaient de visiter d’autres unités de méthanisation, pour démontrer que la méthanisation est un procédé sûr, sain et intégré dans un projet économique de territoire, explique Jean-Luc Marchal. Le groupement d’ailleurs reçu le soutien de la préfecture, mais les groupements d’opposition à la méthanisation ont multiplié les recours et ont retardé le projet. Celui-ci a finalement été accepté après une longue bataille juridique, et les premiers mètres cubes de biométhane vont pouvoir être injectés dans le réseau début 2020. »

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