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Climat : la Commission européenne met le paquet

Dans un communiqué, l’association France Hydrogène nous annonce que la Commission européenne a dévoilé le 14 juillet dernier un ensemble de propositions visant à adapter les politiques de l’Union en matière de climat, d’énergie, d’utilisation des terres, de transport et de fiscalité de sorte à réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990. 

Les principales mesures concernant l’hydrogène portent sur quatre textes, parmi une quinzaine, et concernent les transports (émissions de CO2 des véhicules légers, infrastructures pour carburant alternatif, transports aérien et maritime), la réforme et l’extension du marché du carbone, les directives sur les énergies renouvelables et la taxation de l’énergie.

Extension du marché du carbone

La Commission propose d’abaisser encore le plafond global des émissions et de relever son taux annuel de réduction : suppression progressive, et totale en 2027, des quotas d’émissions à titre gratuit pour l’aviation, alignement avec le régime mondial de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) et intégration pour la première fois des émissions du transport maritime entre 2023 et 2025. Afin de remédier à l’absence de réduction des émissions dans les transports routiers et les bâtiments, un nouveau système d’échange de quotas d’émissions distinct est mis en place pour la distribution de carburant pour le transport routier et les bâtiments pour 2026. Les États membres devront consacrer la totalité des recettes qu’ils tirent de l’échange de droits d’émission à des projets liés au climat et à l’énergie. Ainsi, tout le trafic dans l’espace économique européen sera bien couvert, mais le trafic depuis et vers les pays tiers ne le sera qu’à 50 %. La production d’hydrogène renouvelable et bas carbone (y compris par électrolyse) entre dans le champ de l’EU-ETS, mais se voit affectée de quotas gratuits, que les producteurs peuvent revendre. L’EU-ETS pose cependant des enjeux sociaux, avec un risque d’augmentation du prix du carburant à la pompe.

Directive Red III

La directive sur les énergies renouvelables rehausse l’objectif de production de telle sorte que la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables atteigne 40 % d’ici à 2030, contre 32 % initialement. La proposition serait complétée par des contributions nationales pour atteindre l’objectif collectif. Alors que la directive actuelle fixe un objectif de minimum 14 % d’énergies renouvelables dans les transports, la proposition remplace cet objectif de volume par un objectif de réduction de l’intensité carbone dans le secteur. L’obligation repose sur les fournisseurs de carburants : ils devront s’assurer que la quantité de carburants renouvelables et d’électricité renouvelable fournie dans les transports permettra d’atteindre une réduction de 13 % de l’intensité carbone dans le secteur d’ici à 2030, avec une certification européenne des carburants « renouvelables » (dont l’hydrogène). Un texte en lien étroit avec les règlements FuelEU Maritime, RefuelEU Aviation et la directive sur les infrastructures pour carburants alternatifs.

2035 : fin de l’essence et du diesel

Le nouveau projet de la Commission prévoit que la moyenne des émissions de CO2 de la flotte de nouveaux véhicules d’un constructeur automobile baisse de 55 % d’ici à 2030 pour les voitures et de 50 % pour les véhicules utilitaires légers. Elles devront diminuer de 100 % en 2035 pour ces deux types de véhicules, ce qui correspond de facto à la fin des véhicules essence et diesel traditionnels. Une proposition qui est donc favorable au déploiement des véhicules électriques ou à pile à combustible. La Commission a refusé d’en exclure la vente des véhicules (particuliers et utilitaires) neufs hybrides et hybrides rechargeables, contrairement aux récentes demandes de la présidence de la République française à la suite de la réunion de la filière automobile le 12 juillet, ainsi que le report de l’échéance à 2040. Pour permettre aux automobilistes d’avoir accès à un réseau fiable à travers toute l’Europe pour recharger ou ravitailler leurs véhicules, le règlement révisé sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs imposera aux États membres d’accroître leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles. D’ici à 2030, il faudra donc installer des points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers : tous les 60 kilomètres pour la recharge électrique et tous les 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène. Le règlement prend également en considération les spécificités des véhicules lourds, par exemple les stations de ravitaillement avec un distributeur d’au moins 700 bars.

Transport aérien

La directive ReFuelEU Aviation se donne pour objet de développer les carburants durables (« sustainable aviation fuel » – SAF) dans le transport aérien, avec des objectifs de déploiement. La définition des SAF est renvoyée aux définitions et critères de durabilité prévus dans la directive sur les énergies renouvelables, également révisée. Dès 2025, les carburants du transport aérien fournis dans les aéroports de l’UE devront contenir 2 % de carburants durables. Cette part grimpera par paliers tous les cinq ans et des sous-objectifs sont prévus pour les carburants synthétiques :

• au moins 5 % de SAF, dont 0,7 % de carburants synthétiques en 2030 ;

• au moins 20 % de SAF, dont au moins 5 % de carburants synthétiques en 2035 ;

• au moins 32 % de SAF, dont au moins 8 % de carburants synthétiques en 2040,

• au moins 38 % de SAF, dont au moins 11 % de carburants synthétiques en 2045 ;

• au moins 63 % de SAF, dont au moins 28 % de carburants synthétiques en 2050.

La directive vise les aéroports de plus d’un million de passagers annuels ou de plus de 100 000 tonnes de fret. Les aéroports des régions ultrapériphériques sont exemptés. Pour éviter que les compagnies se ravitaillent en kérosène hors UE, elles seront obligées d’acheter au moins 90 % de leur carburant dans les aéroports de l’UE. Si une compagnie aérienne éprouve des difficultés à se ravitailler, elle pourra en référer à l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA). Des obligations très précises de rapport à l’AESA s’imposeront par ailleurs annuellement aux compagnies concernant leur consommation de carburant, y compris sur la nature et l’origine des matières premières utilisées pour leur production et les émissions produites tout au long du cycle de vie. Les fournisseurs de carburants devront déclarer les carburants fournis aux aéroports européens dans une base de données sur la traçabilité des carburants. Les États pourront enfin imposer des sanctions financières aux compagnies, aéroports et fournisseurs de carburants en cas de non-respect de leurs obligations.

Taxe sur l’énergie

La directive, qui date de 2003, fixe des taux minimums pour la taxation des produits énergétiques et de l’électricité. Or ceux-ci n’ont plus d’effet, car, faute d’indexation sur l’inflation, leur valeur réelle s’est érodée au fil du temps. Ainsi, la révision de la directive sur la taxation de l’énergie propose de supprimer certaines exonérations, par exemple dans les secteurs de l’aviation et du transport maritime, et d’autres incitations à l’utilisation de combustibles fossiles, tout en favorisant l’adoption de combustibles propres (voir les initiatives ReFuelEU Aviation et FuelEU Maritime). À partir de 2023, l’hydrogène devient un « produit énergétique » entrant dans le champ de la directive s’il est utilisé comme carburant (transport) ou combustible (chauffage). Les taux de taxation minimum des carburants ne sont plus fixés par volume, mais en fonction du contenu énergétique des carburants (taux de taxation exprimé en euro par gigajoule). Les taux minimums sont réduits pendant 10 ans pour plusieurs carburants et énergies pouvant contribuer à la décarbonation (notamment l’hydrogène « bas carbone »), et sont fixés à 0,15 € par gigajoule.

Ajustement carbone aux frontières

Enfin, un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) fixera un prix du carbone pour les importations de certains produits afin d’éviter qu’une action climatique ambitieuse en Europe ne provoque une « fuite de carbone ».

Les importateurs concernés sont les producteurs d’électricité, fer et acier, aluminium, ciment et engrais, car ce sont de gros émetteurs, soumis à l’EU-ETS pour les entreprises européennes et très exposés au commerce international (et donc à ces fuites). Les prix seront corrélés à ceux fixés sur le marché du carbone. Ces prix (et donc les recettes du CBAM) seront très faibles tant que les producteurs européens concernés continueront à recevoir des quotas gratuits sur l’EU-ETS (jusqu’en 2036). Les revenus générés – estimés à 10 milliards d’euros en 2030, selon la Commission – iront principalement au budget européen (et couvriront les coûts de fonctionnement du CBAM). Une opportunité pour la reconversion bas carbone des industries concernées, comme pour l’acier, ouvrant la voie à une filière de production zéro carbone d’acier primaire à partir de l’hydrogène vert par exemple. La production d’hydrogène n’est actuellement pas concernée par le mécanisme, mais la Commission pourrait étudier son inclusion dès 2026. 

À propos de l'auteur

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