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« La qualité du financement est un levier majeur de réussite d’un projet »

Biogaz Mag­a­zine : La Banque pop­u­laire Grand Ouest (BPGO) a un départe­ment dédié aux pro­jets éner­gies et envi­ron­nement. Com­ment financez-vous ces secteurs ?

Yann Guézel : J’ai créé ce départe­ment au sein de la BPGO il y a 10 ans pour financer les pro­jets en énergie et envi­ron­nement qui se mul­ti­pli­aient et qui demandaient une con­nais­sance tech­nique spé­ci­fique. Aujourd’hui, notre équipe de huit experts gère tous les dossiers de finance­ment de ce secteur sur le Grand Ouest, mais inter­vient égale­ment sur les autres ter­ri­toires de la Banque pop­u­laire pour les grands pro­jets de plus de 5 mil­lions d’euros. Nous traitons les pro­jets solaires, éoliens, de chauf­feries au bois, hydrogène, mais aus­si ceux qui impliquent des process intrants, de val­ori­sa­tion ou de recy­clage du secteur des déchets et bien sûr du biogaz.

Depuis 10 ans, nous avons déblo­qué plus de 550 lignes de finance­ment pour un mon­tant de plus de 450 mil­lions d’euros, dont une cen­taine dites struc­turées, c’est-à-dire impli­quant d’autres organ­ismes financiers, mais gérées par nous. En dessous de 3 mil­lions d’euros, des accords de prêts bilatéraux suff­isent, mais, au-delà, nous sommes donc « arrangeur », avec une mutu­al­i­sa­tion des risques. Même si, par­fois, pour les pro­jets les plus impor­tants, les por­teurs trou­vent cela com­plexe, la for­ma­tion que nous pou­vons dis­penser peut les aider à adopter une ges­tion rigoureuse et les con­va­in­cre du bien-fondé de la qual­ité du finance­ment, qui est un levi­er majeur de la réus­site d’un projet.

Sur les 450 mil­lions d’euros d’engagements financiers, une cen­taine con­cerne l’éolien, une cen­taine, le solaire et 230 mil­lions, le biogaz. Aujourd’hui, sur la pro­duc­tion d’énergie, nous avons de très nom­breux pro­jets qui se présen­tent, beau­coup pour de l’autoconsommation, avec des por­teurs de pro­jets qui se ren­dent compte de l’importance de pou­voir gag­n­er en autonomie énergé­tique. Tout le monde se réveille sur ce sujet, car peu de gens avaient mesuré ce risque de l’explosion des tar­ifs de l’énergie. Mais un pro­jet ne se con­cré­tise pas en une semaine ! Dans tous les nou­veaux pro­jets de méthani­sa­tion, il y a aujourd’hui sys­té­ma­tique­ment une cen­trale de pro­duc­tion élec­trique associée.

Quels sont les critères pour obtenir un financement ?

Côté exper­tise, nous con­nais­sons les Opex, les Capex et les poten­tiels de pro­ductibles. Pour les marges de sécu­rité, nous deman­dons, par exem­ple pour des pro­jets solaires, un ratio EBE/­cash-flow de 1,1 ; mais il doit être de 1,2 en éolien et de 1,3 en biogaz, cette dernière activ­ité étant plus sujette aux aléas d’exploitation. Au-dessous de ces ratios, les pro­jets ne passent pas en comité. Le (ou les) por­teur peut alors éventuelle­ment aug­menter ses apports en fonds pro­pres, ce qui démon­tre égale­ment une moti­va­tion impor­tante. Cer­tains com­mer­ci­aux veu­lent faire rêver, mais nous ramenons les por­teurs de pro­jets à la réal­ité. C’est par­fois dif­fi­cile sur le moment, mais c’est un gage de sérénité pour la suite. Dans l’idéal, les por­teurs de pro­jets doivent s’occuper du finance­ment très en amont. Cela per­met de gag­n­er du temps. Les pro­jets faits sur un coin de table ou dimen­sion­nés par un cab­i­net compt­able non spé­cial­isé sont sou­vent erronés. Notre objec­tif n’est pas de faire de l’ingérence, mais nous sommes des spé­cial­istes de ces secteurs, notre équipe étudie des cen­taines de pro­jets et notre expéri­ence per­met de par­tir sur de bonnes bases.

Quels sont les élé­ments qui vous per­me­t­tent de repér­er la via­bil­ité d’un pro­jet de biogaz ?

Le pre­mier élé­ment est la disponi­bil­ité et la péren­nité du gise­ment d’intrants, avec en corol­laire le pou­voir méthanogène engen­dré par ces intrants. Le deux­ième élé­ment est la qual­ité du process par rap­port à la nature des intrants. Je pré­cise à ce sujet que nous tra­vail­lons à 90 % sur des pro­jets en voie infin­i­ment mélangés et que nous évi­tons aujourd’hui les pro­jets par voie sèche dis­con­tin­ue (type garage) qui engen­drent beau­coup de manu­ten­tion. Mais le critère le plus impor­tant est notre per­cep­tion de la capac­ité d’une bonne gou­ver­nance. Autant le solaire et l’éolien restent assez sim­ples à gér­er, autant une méthani­sa­tion demande du temps d’exploitation et de la com­pé­tence pour suiv­re les intrants et sur­veiller la biolo­gie. Une méthani­sa­tion peut vite « par­tir en vrille ». Nous avons plusieurs pro­fils de por­teurs : privé, pub­lic ou mixte, agricul­teur, col­lec­tif d’agriculteurs ou grosse société d’énergie. Le busi­ness plan prévoit bien sûr la gou­ver­nance, avec pacte d’actionnaires… Mais pour tout vous dire, nous préférons une gou­ver­nance com­posée de per­son­nes qui con­nais­sent le ter­rain, et dis­cuter avec des gens qui con­nais­sent la cam­pagne plutôt qu’avec des directeurs financiers de fil­iales d’énergie. Nous préférons les col­lec­tifs d’agriculteurs, même s’il faut par­fois les for­mer aux spé­ci­ficités de la finance. Leur impli­ca­tion est bien sou­vent plus impor­tante, d’autant que le développe­ment des éner­gies dans le monde agri­cole est un levi­er de péren­nité pour les exploitations.

À propos de l'auteur

Yann Guézel

Directeur financements de projets énergies & environnement de la Banque populaire Grand Ouest (BPGO).

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