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L’hydrogène dans les ports

Industrie, mobilités, stationnaires, réseaux énergétiques : les ports regroupent, à des échelles différentes, un large panel de cas d’usages où l’hydrogène fait sens. Décryptage

De nombreux secteurs industriels portuaires pourraient ainsi profiter de l’essor de l’hydrogène pour se décarboner : chimie fine et de spécialité, verrerie, métallurgie, cimenterie, etc. L’activité industrielle des ports et surtout des Grands Ports Maritimes représentent une opportunité pour initier de grands hubs hydrogène d’envergure. Ainsi, les ports partenaires pourraient représenter 40 % des consommations industrielles d’hydrogène visées par la filière à 2030 dans le scénario « Ambition » et 63 % pour le scénario « Ambition+ ».

Décarbonation de l’industrie

L’enjeu environnemental est de taille. Au cours de l’étude de France Hydrogène, 18 sites industriels émetteurs de CO2 ont été recensés dans le périmètre d’un port partenaire ou à proximité immédiate (moins de 15 kms) pour un total de plus de 16 millions de tonnes de CO2 émises par an soit, en moyenne, entre 800 000 et 900 000 tCO2/an par site.

L’hydrogène a de nombreux atouts pour s’intégrer dans une économie circulaire et profiter de fortes synergies avec d’autres molécules (principalement l’oxygène et le carbone pour les e‑carburants, mais également l’azote pour les engrais de synthèse) dans l’optique d’accélérer la décarbonation des ports. Les molécules de synthèse ainsi obtenue (méthanol, ammoniac, jetfuel, etc.) alimenteront un marché déjà existant et, à l’avenir, d’autres usages de mobilités lourdes dans le secteur maritime ou l’aviation, incluant toutefois la prise en compte d’enjeux de sécurité et d’impact environnemental (toxicité, corrosivité, etc.). À la décarbonation s’ajoute un enjeu de réindustrialisation et de relocalisation d’activités historiques puisqu’aujourd’hui, 600 000 tonnes de méthanol sont consommées chaque année en France alors que la production nationale est quasi nulle.

Côté industrie, citons par exemple le projet Masshylia à Fos-sur-Mer. Il vise la production d’hydrogène renouvelable à base d’énergie solaire photovoltaïque pour alimenter dans un premier temps la bioraffinerie TotalEnergies la Mède dans la zone de Fos-sur-Mer en lieu et place du vaporeformage. Un projet structurant pour la filière et le territoire, contribuant ainsi au développement de la chaîne de valeur hydrogène vert en France (production de 5 tonnes d’H2/jour à terme). Autre projet de raffinage, Normand’Hy à Port-Jérôme. Air Liquide a porté à 100 % sa participation dans le projet H2V de Port-Jérôme avec l’objectif de déployer 200 MW d’électrolyseur PEM en 2025. L’hydrogène produit permettra de décarboner les activités industrielles du territoire, notamment le raffinage. Côté sidérurgie, ArcelorMittal à Dunkerque a lancé une étude pour la construction d’une usine DRI (Direct Reduced Iron) à grande échelle, combinée à une aciérie électrique. Au départ, l’installation de DRI utiliserait du gaz naturel qui pourrait être combiné à l’hydrogène.

L’autre grand intérêt de l’hydrogène combiné à une électrification à quai est de permettre une dépollution, notamment atmosphérique, de tous les sites portuaires petits et grands. Les moteurs des navires de croisière qui doivent être approvisionnés en permanence lors de leurs arrêts au port (climatisation, réfrigération…) émettent des quantités importantes de particules fines.

Mobilités et applications stationnaires

Les ports, zones logistiques incontournables ouvertes sur les grands flux commerciaux, concentrent ces usages, notamment au sein d’espaces clairement définis comme des terminaux (céréaliers et agroalimentaires, vrac liquide,

vrac solide, conteneurs, opérations de manutention diverses, etc.) ou des plateformes de transport combiné (Unités de Transport Multimodal capables d’emprunter la route comme le rail, etc.). Au sein des ports de plaisance, les usages des mobilités hydrogène se multiplient également, à quai avec des installations électriques décarbonées, ou sur les navires avec de nombreux projets de piles à combustible ou de mise en place de carburant de synthèse.

Au sein de chaque port, il convient de distinguer à la fois les activités routières, fluviales, maritimes et ferroviaires mais également d’avoir une seconde ligne de partage entre les mobilités intra-portuaires, dédiées aux usages spécifiques du port et celles dites extra-portuaires répondant à des flux logistiques connectant le port à son hinterland plus ou moins lointain. Bien que l’hydrogène puisse apporter une réponse globale sur l’ensemble de ces gammes d’usages, les besoins et enjeux ne sont pas les mêmes tout comme les logiques de déploiement associées.

Activité maritime

L’activité maritime et/ou fluviale est bien entendu essentielle et centrale dans l’activité d’un port. Toutes les catégories de navires et bateaux utilisent chaque jour les installations portuaires françaises : navires de charge pour le transport de marchandises et pondéreux, porte-conteneurs en lien avec le commerce international, ferries assurant des dessertes à l’échelle européenne, flottes de pêche ou encore barges fluviales transitant sur les voies de navigation intérieure. Les activités de ces navires de commerce sont complétées par celles de navires de service, notamment pour desservir des plateformes énergétiques en mer, par exemple pour des champs d’éoliennes offshore à venir en France.

Quant aux flux de navires les plus imposants (ferrys, paquebots, vraquiers, feeders et porte-conteneurs), ils nécessiteront une réponse adaptée avec de premiers démonstrateurs à l’échelle prévus d’ici la fin de la décennie. Il est possible qu’un mix énergétique pluriel, associant l’ensemble des carburants et solutions, se développe dans les années à venir pour sortir rapidement des motorisations au fioul lourd ou au GNR tout en répondant à leurs besoins colossaux. À titre d’exemple, de premières études évaluent qu’un seul ferry fonctionnant à 100 % avec du e‑méthanol nécessitera 9500 tH2/an.

Décarboner ces mobilités grâce à l’hydrogène est donc un élément crucial pour un écosystème portuaire bénéficiant d’une véritable dynamique avec les premiers déploiements d’envergure attendus dès 2022 et l’existence une filière française d’excellence.

Mobilités intra-portuaires et usages stationnaires

La diversité des activités logistiques et industrielles présentes dans les zones portuaires ainsi que leur caractère intensif obligent les différents acteurs à déployer des équipements adaptés capables d’assurer le transport et la manutention de différentes charges, colis et produits. Chariots, porte-conteneurs, cavaliers, empileuses, chargeuses, tracteurs, pelleteuses mais aussi chariots élévateurs sont donc indispensables à l’activité de tout port. Une flotte de plus de 300 véhicules de ce type a été recensée à ce stade avec les ports partenaires. À l’heure actuelle, l’offre hydrogène est encore émergente mais présente pour certains cas d’usages. De même, des équipements fixes incontournables aux activités logistiques comme des portiques (de chargement-déchargement, de stockage, etc.), des pontons, grues ou tapis roulants, sont généralement alimentés aujourd’hui par des groupes électrogènes diesel de forte puissance (plusieurs MW).

De nombreux véhicules utilitaires circulent également à l’intérieur du périmètre du port pour effectuer diverses missions de service, chaque autorité portuaire possède par exemple sa propre flotte de véhicules pour assurer ces activités (150 à 200 VL/VUL identifiés à ce jour pour les différents ports). Les flottes liées aux activités commerciales sont bien plus importantes mais difficiles à estimer à ce jour.

En mer aussi, les navires de service représentent une large gamme d’usages et d’activités pour entretenir les installations (dragues, chalands, etc.) ou pour accompagner les manœuvres d’autres navires (remorqueurs, pilotes, etc.). D’autres navires fluvio-maritimes assurent la liaison entre différents sites d’un même port (barges et pousseurs principalement). Les mobilités maritimes et fluviales requièrent également des apports énergétiques une fois à quai, notamment pour alimenter des équipements auxiliaires liés aux spécificités de leurs activités (hôtellerie, vie à bord, etc.). Ces besoins de « recharge à quai » sont aujourd’hui satisfaits par des groupes électrogènes diesel, mais la demande est forte pour électrifier ces usages. Les systèmes de piles à combustible peuvent alors, en fonction des configurations territoriales et des conditions de raccordement, apporter une véritable réponse.

Le fret ferroviaire constitue également un maillon essentiel de la logistique portuaire, capable de déplacer des volumes très importants, notamment de vrac liquide ou solide, en toute sécurité. Près de 30 locomotives et 30 navires de service ont ainsi été recensés dans l’étude de France Hydrogène.

Comme nous l’avons détaillé dans ce dossier, l’hydrogène peut s’intégrer de multiples façons dans les activités portuaires et maritimes associées : industrie, décarbonation, mobilité au quai et navire, qui peuvent être choisis à la carte dans les différentes typologies de port. Une véritable économie circulaire mêlant hydrogène, électricité renouvelable, GNL et carburant de synthèse peut s’opérer à partir des ports, lieux d’échange depuis toujours qui redeviennent aujourd’hui encore la clé du déploiement d’une nouvelle économie circulaire.           

À propos de l'auteur

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