L’objectif de neutralité carbone à 2050
Pour accélérer dans la lutte contre le changement climatique, la France et ses partenaires européens se sont donné un objectif ambitieux : la neutralité carbone en 2050, et l’atteinte d’une baisse de 55% d’émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Cet objectif, inscrit dans la législation française par la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 et dans la législation communautaire par le paquet « Fit For 55 » négocié par la France lors de sa présidence de l’Union Européenne en 2022, correspond au rehaussement des engagements pris par la France en 2015 dans le cadre de l’Accord de Paris voulu par le Président de la République.
L’engagement de la France et de l’Europe sur cet objectif ambitieux a permis la prise d’objectifs similaires par les autres grandes nations industrialisées, à savoir la neutralité carbone en 2050 pour les Etats-Unis, et en 2060 pour la Chine. Ensemble, le renforcement de ces engagements doit permettre de limiter le réchauffement climatique sous la barrière de 2°C, au-delà de laquelle les dommages climatiques deviendraient insupportables pour une grande partie des habitants de la planète.
En cohérence avec l’objectif de neutralité carbone, et avec les efforts engagés dans le cadre du paquet « Fit for 55 » porté au niveau européen, l’accélération de la lutte contre le changement climatique est donc devenue une priorité nationale.
Pour l’industrie française, cet objectif de neutralité carbone est un défi tout particulier, puisque les technologies et énergies fossiles ont structuré son histoire depuis la première révolution industrielle. L’atteinte de cet objectif nécessite de modifier en trois décennies des modes de production et des procédés datant parfois de plus de 200 ans. C’est un effort historique de changement en profondeur des procédés de production qui nécessite une coordination des acteurs sur tous les territoires industriels et à travers toutes les chaînes de valeur.
Historiquement centré sur les combustibles fossiles, le monde de l’énergie évolue vers un continuum où les vecteurs énergétiques seront plus nombreux. La décarbonation de l’industrie est également une opportunité d’introduire une plus grande circularité dans l’économie et de valoriser au mieux nos ressources, tant les intrants et les produits de l’industrie sont divers.
C’est aussi une opportunité économique : une grande redistribution des cartes de la performance industrielle qui favorisera les économies les plus avancées dans la transition écologique. La France et l’Europe font d’ores et déjà la course en tête. C’est pourquoi la transition écologique devient la priorité de la politique industrielle française, pour faire de la décarbonation de l’industrie un levier de réindustrialisation verte de notre territoire.
Une démarche de planification ciblée sur les sites les plus émetteurs
Le 8 novembre 2022, le Président de la République a réuni les 50 sites industriels les plus émetteurs et a défini des objectifs et des moyens renforcés en matière de décarbonation de l’industrie, afin de répondre à l’urgence climatique tout en renforçant notre souveraineté industrielle. Il s’agit de diviser par deux les émissions industrielles sous dix ans et d’atteindre la neutralité carbone en 2050, en mobilisant la méthode de la planification écologique.
Pour atteindre cet objectif, le Président de la République a demandé que soient élaborées des feuilles de route de décarbonation pour les 50 sites les plus émetteurs et les quatre filières industrielles les plus émettrices, et ce dans un délai de six mois. Ces feuilles de route doivent définir des trajectoires de réduction des émissions à horizon 2030 et 2050 en identifiant les leviers, les investissements nécessaires et les besoins en matière d’énergie, d’infrastructures et de financement.
Ce travail doit ainsi permettre aux entreprises et filières industrielles de planifier leur trajectoire de décarbonation et à l’Etat d’identifier les besoins associés à ces trajectoires, d’adapter les modalités de soutien public et de planifier le déploiement des infrastructures nécessaires. Ces feuilles de route seront publiées en juin prochain. Elles seront le support sur la base duquel le gouvernement négociera avec chacun de ces grands sites industriels des « contrats de transition écologique » garantissant un soutien public proportionné aux efforts des entreprises.
Le Président de la République a également demandé que la décarbonation soit planifiée par bassin industriel. Les émissions industrielles sont concentrées autour de quelques zones, notamment le Nord, la vallée de la Seine, la région de Fos, ou encore l’Alsace et la Lorraine. Afin de transformer les bassins les plus émetteurs de gaz à effets des serres en véritables hubs de la décarbonation, il est nécessaire de planifier le déploiement des infrastructures de décarbonation à l’échelle locale, notamment en matière d’hydrogène, de capture et stockage de carbone. Cela permettra le déploiement efficace et à moindre coût de ces technologies de rupture. Cette démarche permettra également, sous l’égide de RTE, de planifier à l’échelle locale le raccordement au réseau électrique et le renforcement des capacités de production.
Une démarche de planification par technologies
Le Président de la République a demandé que soit également prévue une planification technologique des technologies de rupture qui permettent la décarbonation profonde. Cette planification doit permettre d’identifier les besoins de l’industrie, de planifier le déploiement des infrastructures nécessaires et de définir les modalités du soutien public associé à ces technologies.
Ces technologies de décarbonation, piliers de la transition écologique de l’industrie, sont notamment l’hydrogène, la capture, le stockage et l’utilisation de carbone, le recours à la biomasse et l’électrification. Le déploiement rapide de ces technologies à travers un fort soutien public permettra non seulement d’accélérer la décarbonation de l’industrie française, mais aussi de doter la France de filières d’excellence, exportatrices et leader mondiales, dans ces nouveaux champs de compétition technologique qui seront au cœur de l’industrie du XXIème siècle.
Le Président de la République a confié le 8 novembre 2022 au Ministère chargé de l’Industrie et au Ministère de la Transition Energétique la tâche de préparer le cadre du déploiement de ces quatre technologies clés.
• La stratégie nationale hydrogène sera refondue sous six mois pour prendre en compte ce nouvel objectif pour l’industrie. L’hydrogène est en effet un vecteur majeur de la décarbonation de l’industrie en substitution des énergies fossiles, que ce soit comme réactif chimique pour la production d’acier vert, d’engrais décarboné ou de nylon bas carbone, ou comme vecteur énergétique dans des fours à flamme. L’objectif de cette nouvelle stratégie sera de disposer d’une chaîne de valeur complète ainsi que de quatre gigafactories d’électrolyseurs au meilleur niveau technologique mondial. Les moyens sont à la hauteur des objectifs : dans le cadre du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) Hydrogène, la France soutient des projets ambitieux de constructions d’infrastructures liées à l’hydrogène pour un montant de plus de 3 milliards d’euros. Dans le cadre de France Relance et France 2030, 4 milliards d’euros soutiennent la production d’hydrogène décarbonée.
• Au sein d’une stratégie nationale biomasse annexée à la stratégie forestière et accordée avec la Planification Pluriannuelle de l’Energie, les ressources en biomasse seront priorisées vers les usages industriels qui n’ont pas d’alternatives, notamment pour produire de la chaleur carbone. La biomasse est en effet un vecteur clé de la décarbonation, que ce soit pour fournir les très hautes températures de combustion nécessaires à de nombreux procédés industriels, ou bien comme intrant matière dans la biochimie.
• La décarbonation entraînera une augmentation considérable de la consommation d’électricité pour remplacer les énergies fossiles dans des usages chaleur, énergie mécanique, chauffage. Cette électricité devra être décarbonée, bon-marché, accessible et pilotable. La Planification Pluriannuelle de l’Energie permettra de quantifier les besoins, de planifier le raccordement des sites industriels aux réseaux et le renforcement des capacités de production électrique.
• Une stratégie en matière de capture, stockage et utilisation de carbone sera présentée sous six mois. La capture du carbone dans les fumées industrielles, son transport et sa séquestration dans des stockages géologiques existants à grande profondeur sont un levier majeur pour éviter l’émission dans l’atmosphère des gaz à effet de serre produits par des procédés industriels qu’il n’est pas possible de décarboner avec les technologies listées précédemment. Cette stratégie devra inclure l’étude des gisements potentiels de séquestration disponibles sur le territoire national et à l’export.
Un soutien public massif aux investissements de décarbonation
La décarbonation de l’industrie implique de très forts investissements dans l’innovation et le déploiement des technologies de décarbonation citées plus haut, pour remplacer le capital productif carboné par du capital décarboné ayant la même productivité. Ces investissements déclenchés par le renforcement des ambitions climatiques nationales ont vocation à être soutenus par la puissance publique.
Avec le plan France Relance, l’Etat a d’ores et déjà mobilisé 1,2 Md€, apportant un soutien massif et rapide à 244 projets de décarbonation de l’industrie, déclenchant 5 Md€ d’investissements qui doivent réduire nos émissions industrielles de — 6 %.
Avec France 2030, l’Etat investit 5,6 Md€ en faveur de la décarbonation de l’industrie.
5 Md€ permettront le déploiement de solutions de décarbonation de sites industriels à grande échelle :
- 4 M€ soutiendront la décarbonation profonde des sites très émetteurs (aciérie, chimie, ciment, aluminium), clés pour notre souveraineté industrielle et qui doivent réaliser des investissements massifs pour réussir leur transition écologique.
- 1 Md€ soutient le déploiement de solutions éprouvées comme le renforcement de l’efficacité énergétique et de la chaleur bas carbone, dans toute la France et pour l’ensemble du tissu industriel.
- 610 M€ sont consacrés à l’innovation et au déploiement des technologies pour une économie bas carbone, avec un premier appel à projet intitulé « Industrie zéro fossile », lancé en mars dernier avec un montant de 150 millions d’euros.
Si les entreprises et filières industrielles se donnent des objectifs ambitieux, en phase avec les annonces présidentielles, le Président de la République a annoncé que l’Etat, dans une démarche « donnant donnant » de contractualisation de la transition écologique, apporterait 5 Md€ supplémentaires à ces dispositifs de soutien public.
Source : Ministère chargé de l’industrie, « Zones industrielles bas carbone », janvier 2023.