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Transport lourd GNV : état des lieux

Le GNV a con­nu une forte pro­gres­sion depuis 2015 avec une mul­ti­pli­ca­tion par trois du nom­bre de véhicules, et par dix des sta­tions. Cette courbe expo­nen­tielle risque cepen­dant d’être forte­ment freinée depuis l’augmentation du prix du gaz et l’absence de vis­i­bil­ité de la poli­tique de mobil­ité lourde. 2023 s’annonce dif­fi­cile pour les acteurs de la fil­ière, freinés dans leur élan.

L’intégration du BioGNV était en passe de se répan­dre dans les ter­ri­toires et de per­me­t­tre une réelle économie cir­cu­laire en même temps qu’une décar­bon­a­tion des trans­ports. Le BioGNV qui doit, à hori­zon 2033, rem­plac­er totale­ment le gaz naturel dans les réseaux, à moins que l’État et l’UE ne cassent encore cette fil­ière. État des lieux, enjeux et mesures pour le déploiement d’un car­bu­rant vertueux.

2022 : iner­tie avant le mur de 2023 ?

Le « Panora­ma du BioGNV 2021 » soulig­nait la dynamique des grandes métriques de la fil­ière (parc de véhicules, réseau d’avitaillement, vol­ume des ventes, taux de bioGNV). Celles-ci ont pour­suivi leur pro­gres­sion en 2022, mal­gré une décéléra­tion sur le sec­ond semes­tre, indique l’AFGNV dans son rap­port d’activité. À titre d’exemple, le nom­bre de points d’avitaillement publics s’est établi à 295 à fin 2022, soit une hausse de 18 % à com­par­er avec la hausse de 48 % en 2021 (de 170 à 251 points d’avitaillement). Quant au nom­bre de points d’avitaillement privés, il atteint 162 à fin 2022, 116 pour le TRV et 46 pour le TRM.

Le nom­bre de véhicules lourds (HDV) au gaz est passé de 15 100 fin 2021 à 19 000 un an plus tard (+26 %, ver­sus +30 % de fin 2020 à fin 2021).

Pour com­pren­dre la fil­ière, quelques chiffres du GNV déployé dans la mobil­ité lourde par­lent d’eux-mêmes. Le nom­bre de sta­tions a crû de 27 à près de 300 entre 2015 et fin 2022.

Enfin, con­cer­nant les ventes de car­bu­rant, la con­som­ma­tion de bioGNC a atteint 3 TWh en 2022, en hausse de 26 % par rap­port à 2021. Le taux de bioGNC s’est établi à 36 % con­tre 19,7 % l’année précé­dente. Cela cor­re­spond, pour le périmètre GNC, à une réduc­tion des émis­sions de car­bone de 38 % com­paré au gazole.

La crise énergétique…

Mais la crise ukraini­enne a entraîné une hausse sans précé­dent des prix inter­na­tionaux du gaz et a imposé aux clients de la mobil­ité gaz, trans­porteurs privés et opéra­teurs publics, des prix exor­bi­tants, par­fois mul­ti­pliés par plus de deux, com­pro­met­tant la com­péti­tiv­ité immé­di­ate de notre énergie par rap­port au gazole.

Les prévi­sions d’investissements en véhicules gaz ont plongé et les per­spec­tives de déploiement de sta­tions pour 2023 sont ralen­ties, mal­gré un engage­ment con­fir­mé des acteurs de la fil­ière à laque­lle d’autres défis sont venus s’ajouter :

- Le décret « bus pro­pres », qui impose au moins 50 % de véhicules élec­triques ou hydrogène dans le renou­velle­ment des flottes à compter de 2025, sur­in­ter­pré­tant la direc­tive européenne qui n’en impose qu’un tiers. Cela représente une perte d’opportunité sig­ni­fica­tive pour les bus au GNV/bioGNV.

- La con­ces­sion de la vignette Crit’Air 1 en avril aux véhicules B100 exclusif. Une déci­sion poli­tique qui place sur un pied d’égalité avec le gaz un car­bu­rant aux per­for­mances net­te­ment moins bonnes en ter­mes de pol­lu­tion locale. La fil­ière a per­du de ce fait un argu­ment impor­tant qui con­dui­sait des trans­porteurs à choisir la motori­sa­tion gaz. Qua­tre adhérents de l’AFGNV ont con­testé cette déci­sion devant le Con­seil d’État (déci­sion début 2023).

- Un paysage régle­men­taire européen plutôt défa­vor­able avec une oppo­si­tion sans nuances au moteur ther­mique, liée aux réti­cences à pren­dre en compte les émis­sions de GES en ACV. Ain­si, été 2022, a été votée l’interdiction des VL neufs à moteur ther­mique dès 2035. De même, en févri­er, ce sont les véhicules lourds qui devraient être inter­dits, pressen­tait le rap­port de l’AFGNV (voir aus­si arti­cle suivant).

Mal­gré les efforts de l’AFGNV pour obtenir de l’État un dis­posi­tif de remise car­bu­rant per­me­t­tant de gom­mer (ou au moins de réduire) le désa­van­tage du GNV par rap­port au gazole par suite de l’envolée des prix du gaz, les pou­voirs publics s’en sont tenus à une remise com­pa­ra­ble pour les deux car­bu­rants. Cette posi­tion a été révéla­trice des ambiguïtés de l’État par rap­port à la fil­ière, qui est prise en compte dans la SNBC et la feuille de route décar­bon­a­tion du trans­port lourd, mais n’a pas eu en 2022 l’aide con­crète et le sou­tien qu’elle était en droit d’espérer dans la crise qu’elle traverse. 

Avenir du GNV ?

La crise énergé­tique a mis à mal la con­fi­ance des acteurs du trans­port dans la fil­ière gaz car­bu­rant. Même tem­po­raire, l’envolée des prix du gaz a dure­ment touché les trans­porteurs qui ont choisi notre énergie pour se décar­bon­er et leur a don­né une vision aléa­toire, donc inquié­tante, de l’avenir. Dans son rap­port d’activité, l’AFGNV men­tion­nait que les incer­ti­tudes sur les prix se dou­blent d’interrogations sur l’évolution de la régle­men­ta­tion européenne sur le CO2, pour laque­lle une déci­sion est atten­due (voir arti­cle suiv­ant). Si une échéance (2040 ?) devait être adop­tée, sig­nant la fin du moteur ther­mique pour les véhicules lourds, cela pèserait durable­ment sur la dynamique de notre fil­ière, alors même que cer­tains con­struc­teurs sem­blent déjà s’orienter pri­or­i­taire­ment vers la solu­tion élec­trique. L’autre déter­mi­nant clé de notre avenir sera la place réservée au gaz dans la mobil­ité en France par la révi­sion de la SNBC, les con­clu­sions de la feuille de route « décar­bon­a­tion du trans­port lourd » et, bien sûr, la future loi « tran­si­tion énergé­tique », qui struc­tureront le mix énergé­tique dans les transports.

Le nom­bre de véhicules lourds au 1er novem­bre 2022 était de 2 561 bennes à ordure, 9 033 tracteurs et por­teurs routiers, 1 816 auto­cars, 5 585 bus soit un total de 18 995 véhicules lourds.

Quoi qu’il en soit, pass­er à côté du bioGNV pour la décar­bon­a­tion du trans­port lourd serait une erreur majeure. Dans les pages qui suiv­ent, nous ver­rons que le BioGNV a toute sa place dans ce process, et qu’il est même plus vertueux à bien des égards que les motori­sa­tions électriques.

Mesures d’accompagnement

Le BioGNV béné­fi­ci­ait avant le con­flit ukrainien d’un prix com­péti­tif, du fait de son aligne­ment sur le gaz naturel qui tour­nait autour de 20 à 30 €/MWh, ce qui per­me­t­tait d’être à peu près 20 % moins cher que le diesel. Cet adosse­ment était une bonne solu­tion, car les coûts de pro­duc­tion du bioGNV oscil­lent aujourd’hui autour des 100 €/MWh. Mais cet atout s’est trans­for­mé en incon­vénient lorsque le gaz est mon­té jusqu’à 230 €/MWh. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le prix est en dessous de 50 €. « Cette volatil­ité ne per­met pas aux acteurs de la fil­ière d’avoir une lis­i­bil­ité sur le long terme, indique Gilles Durand de l’AFGNV. Nous deman­dons plusieurs mesures d’accompagnement avec une lim­i­ta­tion du prix du GNV et son inté­gra­tion dans la TIRUERT qui per­met de liss­er les dif­férences entre éner­gies. Ces mesures don­neraient une vis­i­bil­ité pour la fil­ière qui est en train de pass­er à grande vitesse au BioGNV. Elles pour­raient se pour­suiv­re jusqu’à ce que le prix du diesel atteigne le prix de pro­duc­tion du bioGNV qui est de 100 €/MWh, ou en prévoy­ant une péréqua­tion dans ce sens. » 

L’AFGNV pré­conise ainsi :

- D’intégrer le trans­port routi­er au dis­posi­tif de sou­tien des con­som­ma­teurs inten­sifs d’énergie ;

- D’instaurer une aide à l’acquisition de car­bu­rant per­me­t­tant une remise fixe du prix du BioGNV/GNV de 42 €/MWh, soit 0,60 € kg HTVA ;

- D’instaurer une aide à l’acquisition de car­bu­rant vari­able cal­culée par dif­férence entre le prix de marché du gaz naturel (PEG Month­ly Index) et 54 €/MWh ;

- De mod­i­fi­er le mécan­isme de cal­cul de la TICGN (arti­cle L. 312–35 du CIBS) afin de la ren­dre « flot­tante » (voire néga­tive) pour les véhicules lourds roulant au BioGNV ou GNV avec comme objec­tifs que le prix du GNV/bioGNV en 2023 soit égal au prix du GNV/bioGNV au pre­mier semes­tre 2021.

Par ailleurs, les sta­tions « pétrolières » doivent incor­por­er un min­i­mum crois­sant de bio­car­bu­rants liq­uides (en 2022 : 9,2 % pour l’essence et 8,4 % pour le gazole). La com­mer­cial­i­sa­tion de bio­car­bu­rants liq­uides génère des crédits TIRUERT (Taxe Inci­ta­tive à l’Utilisation d’Energie Renou­ve­lable dans le Trans­port) pour les opéra­teurs de sta­tions, leur évi­tant ain­si de pay­er une pénal­ité. À par­tir de 2023, la vente d’électricité ou d’hydrogène génèr­era égale­ment des crédits TIRUERT. L’AFGNV souhaite donc l’Intégration du bioGNV dans la TIRUERT.

L’objectif est de décar­bon­er 20 % du parc de poids lourds en 2033. En effet, la part du BioGNV est crois­sante avec un objec­tif de car­bu­rant 100 % bioGNV en 2033.

Décar­bon­er à long terme : analyse ACV

En dehors de ces mesures sur le court et moyen terme, toute la fil­ière est sus­pendue aux ori­en­ta­tions poli­tiques de décar­bon­a­tion de la mobil­ité. Avec ses nom­breux atouts que nous détail­lons dans les pages suiv­antes, la logique voudrait que le BioGNV soit une des éner­gies retenues pour la mobil­ité lourde. Mais la prise en compte de l’émission de CO2 au pot d’échappement et non en analyse de cycle de vie, fausse totale­ment le raison­nement des poli­tiques de l’UE et de la France. Pour­tant, le cal­en­dri­er de pas­sage vers la décar­bon­a­tion sera impos­si­ble en tout élec­trique, tant cela génèr­erait un besoin en métaux (lithi­um, cobalt…) énorme et qui impli­querait que la plus grande part de la con­som­ma­tion élec­trique soit con­sacrée à la mobilité.

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